Politique

Président Alpha Condé, pour être crédible nettoyez vos écuries!

À l’occasion de la prestation de serment pour son second mandat, les organisations militantes des droits humains nationales et internationales suivantes ont publié un communiqué invitant le Président Alpha Condé à ne pas oublier les nombreuses violations des droits humains qui persistent dans ce pays, depuis longtemps: Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), Amnesty International, Avocat sans frontières Guinée, Les Mêmes Droits Pour Tous (MDT) et la Ligue Guinéenne des Droits de l’homme (Liguidho).

Parmi les affaires dans lesquelles le Président Alpha Condé a eu le comportement le plus intolérable pour les victimes est celle de ces personnalités de son régime sur lesquelles la magistrature guinéenne s’est déjà prononcée, mais que l’impunité érigée en modèle de gouvernement. C’est le cas du Lieutenant-Colonel Moussa Tiegboro CAMARA, qui a été inculpé le 1er février 2012 pour son rôle présumé dans les graves violations des droits humains à l’occasion du massacre et des viols qui ont eu lieu au le 28 septembre 2009 dans le stade de Conakry, qui porte le même nom.

Quelques mois à peine le Président Alpha Condé a promu Moussa Tiegboro CAMARA, en le nommant secrétaire général à la Présidence, chargé des services spéciaux, de la lutte contre la drogue et les crimes organisés. À bientôt 4 ans de son inculpation, le colonel occupe toujours les mêmes fonctions avec rang de ministre.

Rappel des faits

« Vers 11h30, des centaines de membres des forces de sécurité guinéennes entrent dans le stade Conakry et ouvrent le feu sur les manifestants. Outre les 157 personnes tuées et les centaines de blessés, des dizaines de femmes sont soumises à des formes particulièrement brutales de violence sexuelle, selon les estimations de l’ONU. Les jours suivant cet événement, les forces de sécurité s’organisent pour dissimuler le nombre de morts, nettoyant le stade et brûlant les preuves. La commission nationale d’enquête mise en place par le capitaine Moussa Dadis Camara minimise les chiffres donnés par l’ONU, soutenant qu’il n’y a eu qu’une cinquantaine de morts. De nombreux abus tel que des meurtres, viols et pillages sont encore commis par les forces de sécurité dans les jours qui suivent. De nombreux opposants politiques sont arbitrairement détenus dans des camps de l’armée et de la police, ou nombre d’entre eux sont soumis à des actes de torture.

Selon Human Rights Watch, le fait que la manifestation était pacifique et l’organisation dont ont fait preuve les forces de sécurité lors de l’attaque (arrivée simultanée de différentes unités au stade, déploiement à des positions stratégiques autour du stade pour empêcher la fuite des manifestants, le manque d’armes non-létales pour disperser la foule ou encore la présence d’officiers) prouvent que l’événement était prémédité et organisé. Human Rights Watch affirme que les meurtres, viols et autres abus commis par les forces de sécurité de façon généralisée et systématique le 28 septembre 2009 et les jours suivants, constituent des crimes contre l’humanité. »

Espérons que le Président Alpha Condé, ancien professeur de droit, va montrer sur ce dossier et les autres la même détermination et esprit d’ouverture démontrés lors de la formation de son gouvernement.

 Texte du communiqué

Le 18 / 12 / 2015

Ce 14 décembre 2015, le président Alpha Condé prête serment pour son second mandat devant le peuple guinéen et ses invités. Dans cette ambiance festive, il ne faudra pas oublier que de nombreuses violations des droits humains persistent dans ce pays. L’usage excessif de la force est monnaie courante en Guinée et l’impunité est devenue la norme. Au cours de la dernière décennie, la répression des manifestations a fait plusieurs centaines de morts et des milliers de blessés. Cinq organisations internationales et locales adressent une lettre ouverte au Président guinéen récemment réélu.

Lorsqu’en mai 2015, Thierno Sadou Diallo est tué d’une balle dans le dos au cours d’une descente de la gendarmerie dans son quartier, laissant derrière lui une femme enceinte et deux enfants en bas âge, on aurait pu espérer des autorités guinéennes l’ouverture d’une enquête impartiale et voir les présumés responsables de ce crime présentés devant la justice ordinaire – et pas militaire. Mais, la famille de cet homme de 34 ans, comme celles de centaines d’autres, attend encore que justice soit rendue, puisqu’aucune suite n’a été donnée à sa plainte. La raison – l’auteur des tirs était un gendarme.

Paradoxalement, parmi les personnes arrêtées dans le cadre de manifestations et accusées de participation à un attroupement illégal, certaines ont été jugées en quelques semaines et sont aujourd’hui en train de purger leur peine en prison. L’usage excessif de la force est monnaie courante en Guinée et l’impunité est la norme.

Au cours des dix dernières années, au moins 360 personnes sont mortes lors de manifestations dans le pays, dont 20 en 2015, et plus de 1 800 ont été blessées. La plupart des victimes étaient des manifestants, parfois de simples passants, tués par balles ou matraqués à mort par les forces de sécurité. En dépit du contexte difficile lié à la violence de certaines manifestations, rien ne pourrait justifier l’utilisation excessive de la force par les forces de sécurité, et notamment l’usage des armes à feu contre des personnes qui ne constituent pas une menace.

Le recours excessif à la force en Guinée lors d’opérations de maintien de l’ordre a engendré trop de drames. A ce jour, aucune enquête n’a été menée sur les violations commises à Womey (Guinée forestière) par l’armée, la police et la gendarmerie entre septembre et novembre 2014, notamment au moins six cas de viols, le pillage systématique des habitations et la contamination des sources d’eau du village.

Une plainte a été déposée devant le tribunal de N’Zérokoré au compte des femmes violées par les forces de sécurité. Elle n’a pas reçu de suite. En mars 2015, la Cour d’assises de Kankan a ajourné le procès de quatre membres des forces de défense et de sécurité accusés d’avoir tué six personnes lors d’une grève menée en août 2012 dans la mine de Zogota en Guinée forestière. Les officiers inculpés n’ont ensuite plus jamais comparu devant la Cour.

Jusqu’à présent, l’obligation de rendre des comptes pour ces graves atteintes aux droits humains a été bien mince, malgré certaines inculpations récentes liées au massacre du stade du 28 septembre, en 2009. Cette culture de l’impunité est inacceptable, d’autant que les familles des victimes bravent courageusement les risques et les difficultés administratives pour porter plainte, dans l’espoir d’obtenir justice, vérité et réparation.

La Guinée a une histoire émaillée de violences. Ces violences sont surtout liées aux restrictions imposées à la liberté de réunion et à la liberté d’expression, ainsi qu’au recours excessif à la force par les forces de sécurité.

Aujourd’hui le peuple guinéen a soif de justice. Le président Alpha Condé qui entame son second mandat devra veiller à ce que les projets de révision du code pénal et du code de procédure pénale, en cours, soient rapidement adoptés afin de renforcer les libertés de réunion et d’expression, de lutter contre la torture et de prévenir d’éventuelles violences aux prochaines élections locales prévues l’année prochaine. Point déterminant: la loi guinéenne doit permettre la tenue de manifestations pacifiques même si celles-ci sont spontanées.

Le président Alpha Condé a la responsabilité, lorsque des éléments des forces de sécurité commettent des violations des droits humains, de s’assurer que des enquêtes soient diligentées et que les personnes mises en cause soient présentées devant la justice ordinaire dans le cadre d’un procès équitable.

Sous la foi du serment de ce 14 décembre, des promesses électorales refont surface pour se rappeler au bon souvenir du président Alpha Condé. En effet, lors de la campagne électorale, Alpha Condé s’était engagé auprès des électeurs à mettre fin à l’indiscipline et à la culture de l’impunité qui règnent depuis des décennies en Guinée. Il est urgent de faire de cet engagement une réalité.

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konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

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