Après deux décennies, le Ghana va-t-il enfin adopter une loi sur le droit à l’information ?

Mémorial de Kwame Nkrumah à Accra. Photo de l’utilisateur de Flickr jbdodane. CC BY-NC 2.0

Cet article de Kofi Yeboah a été précédemment publié en anglais sur globalvoices.org. Kofi est actuellement responsable des communications et des médias sociaux pour Population Services International, Ghana. Ma traduction en français a été publiée sur le même réseau le 7 février 2017

Le Ghana était en avance sur de nombreux pays africains lorsque, en 1999, les législateurs ont rédigé un projet de loi sur le droit à l’information (RTI en anglais) qui permettrait aux citoyens d’accéder aux données publiques.

Mais après presque 20 ans, il reste encore à l’état de projet de loi. Il a été présenté au parlement en 2010, mais le débat n’a abouti à rien de concret. Les promesses de l’ancien président John Mahama, en fonctions de 2012 à 2017, que la législation serait adoptée telle quelle, sont restées lettre morte.

En 2017, le président actuel, Nana Akufo-Addo, a insisté pour que le projet de loi soit adopté “très bientôt, bien que l’année soit passée sans que beaucoup de progrès aient été réalisés sur la question.

Cependant, en janvier 2018, le parlement ghanéen a proposé juillet 2018 comme nouvelle date limite pour le vote final du projet de loi.

S’il est adopté, il donnera effet au droit constitutionnel d’accès à toute information détenue par des institutions publiques et des entités privées qui exercent des fonctions publiques avec des fonds publics.

“Sans cette loi, notre lutte contre la corruption se résume à une simple rhétorique”

Pourquoi une si longue attente pour cette loi ? Beaucoup craignent que cela ait à voir avec la politique, car les hommes politiques craignent ce qui pourrait être mis au jour si le public avait accès à l’information gouvernementale. Le juriste privé Ace Ankomah a expliqué :

Les acteurs politiques des deux côtés ont peur de voter le projet de loi RTI parce qu’ils croient que cela ne va pas en leur faveur.

La corruption est un problème au Ghana, et beaucoup de Ghanéens pensent que la lutte pour la transparence et la responsabilité dans la gouvernance ne sera pas effective si le projet de loi sur le droit à l’information n’est pas adopté en temps voulu.

Penplusbyte, une organisation à but non lucratif engagée dans le combat pour l’amélioration de la gouvernance par l’approfondissement de la participation citoyenne à travers les technologies de l’information et de la communication, a soutenu :

Aucun Président n’a donné de raison concrète pour laquelle le projet de loi RTI ne pouvait être adopté ! Au Ghana le projet de loi languit actuellement au gouvernement. “Nous ne voulons plus d’excuses en 2018″!

Et Adikah Mends a tweeté:

Les événements actuels au Ghana donnent encore plus de raisons pour pour que nous adoptions le projet de loi RTI. Sans cela, notre lutte contre la corruption est une simple rhétorique.

Un procureur spécial nouvellement nommé a soutenu le projet de loi parce qu’il lui permettrait d’enquêter sur la corruption impliquant des fonctionnaires, des personnes politiquement exposées [fr] et des individus du secteur privé impliqués dans des pratiques de corruption, pour les poursuivre sous l’autorité du procureur général Martin Amidu.

L’utilisateur Twitter @ monsieur1_pk a déclaré:

Un projet de loi sur le droit à l’information et le bureau du procureur spécial finiront par débarrasser le Ghana de sa maladie la plus ancienne et profondément enracinée. Maintenant, nous avons Martin Amidu mais où est le RTI ?

Dans un article pour le site d’informations Modern Ghana, Gordon Offin-Amniampong a exprimé de grands espoirs pour le projet de loi RTI :

Le projet de loi RTI vise à responsabiliser les citoyens, à promouvoir la transparence et la responsabilité dans le fonctionnement du gouvernement ou de l’exécutif. De plus, il aidera à contenir la corruption et à faire en sorte que notre démocratie fonctionne pour les citoyens dans le vrai sens du terme. “Il va sans dire qu’un citoyen averti est mieux équipé pour exercer la vigilance nécessaire.”

Et saviez-vous que l’on peut poser des questions au gouvernement ou chercher des informations ? Cela rend son travail plus transparent. La transparence signifie la clarté de l’information, ce qui signifie que tout devrait être ouvert et divulgué à tous. Nous, citoyens ordinaires, faisons confiance au système, en espérant qu’ils travaillent de manière efficace, équitable et impartiale. Mais cela n’a pas été le cas puisquee nous continuons à être dans le merdier.

La loi sur le droit à l’information, “surestimée” ?

Cependant, d’autres, comme Sydney Casely Hayford, militant anti-corruption, estiment que l’adoption du projet de loi sur le droit à l’information ne permettra pas de résoudre le problème de corruption car la Constitution [fr] inclut déjà le droit à l’information dans le chapitre sur les “libertés fondamentales”.

L’entrepreneur ghanéen Bright Simons a également partagé une pensée similaire sur sa page Facebook :

La loi sur le “droit à l’information” est fortement surestimée. Nous avons déjà un précédent judiciaire en ce sens qu’il existe un droit constitutionnel à l’information publique / officielle, où et lorsque c’est nécessaire. Le problème n’est pas une “information brute” dans les coffres des services administratifs, mais la mauvaise utilisation et présentation d’informations pertinentes en raison de la faiblesse des pratiques médiatiques ; une formation universitaire stagnante ; et le vide fait dans la sphère publique. En fait, dans de nombreux cas, les données ne sont même pas collectées et traitées de la bonne manière en raison d’une culture générale de mépris de et de dénigrement de l’activité intellectuelle.

En réponse à l’argument de Simons, le juge Sai, un ancien assistant à la Harvard Law School, a présentéun point de vue différent :

Je pense qu’il y a un petit malentendu sur ce que fait la loi et ce que fait la jurisprudence. La jurisprudence donne des principes. Par exemple, la décision RTI de la Haute Cour ne fait que confirmer la position constitutionnelle selon laquelle une personne ne peut se voir refuser l’accès à l’information publique. En fait, des affaires antérieures ont déjà énoncé ce principe.

La loi de son côté va bien au-delà d’une déclaration de principe. Elle donne un cadre administratif pour la mise en œuvre du droit et l’application du principe. En fait, une législation correctement rédigée résoudrait certains (voire la plupart) des difficultés que vous avez énumérées ci-dessus. Par exemple, une bonne législation traiterait des questions de financement, de la présentation de l’information et de la responsabilité de le faire, de la décentralisation, etc.

Ensuite, en l’absence de loi, toute personne qui se voit refuser l’accès à l’information publique devrait s’adresser à la Haute Cour des droits de l’homme pour une solution. En vertu d’une législation bien conçue, il existerait des mécanismes de réclamations administratives (plutôt que tout judiciaires) accessibles.

Je pense qu’une loi est fondamentale pour la question du droit à l’information.

 

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