Le recensement montre de la population brésilienne de 2010 a révélé que la majorité de la population du pays était noire ou métissée : 50,7 % sur un total de 190 732 694 habitants recensés. Mais aussi que plus de 70,8 % des 16,2 millions de personnes qui vivent dans l’extrême pauvreté sont noires.
D’un coté à cause de la couleur de sa peau ou sa pauvreté, les membres de cette communauté font l’objet de toute sorte de racisme.
L’article que j’ai choisi de partager avec vous, a été écrit en portugais par la journaliste brésilienne Fernanda Canofre en portugais et traduit en français par le professeur et traducteur Jean Saint-Dizier sous le titre Brésil : Pour en finir avec l’image idyllique du pays où le racisme n’existe pas.
Bonne lecture
Aussi loin que Camila dos Santos Reis se rappelle, sa fille Lorena, 12 ans, a toujours été une petite fille très tendre, aimant courir dans le Parc Ibirapuera, à São Paulo, et regarder des dessins animés de Disney. Pourtant, depuis la rentrée des classes, (Ndt: en février, donc, pour le Brésil) Lorena était différente — plus réservée, renfermée. C’est par un soir de mars que Camila a reçu un coup de téléphone de l’école lui annonçant que Lorena allait être changée de classe parce que “ses condisciples ne s’étaient pas adaptés à elle”.
Difficile de comprendre pour Camila. Toutes les deux avaient toujours été très proches, c’était bizarre que Lorena ne lui ait rien raconté. Lorsqu’elle lui a demandé pourquoi, la petite fille a dit qu’elle avait honte. Depuis le début de l’année scolaire, Lorena — qui est noire — était victime de harcèlement et de racisme à l’école.
Au cours de cette même journée, Lorena avait essayé de parler avec la direction pour faire part des attaques dont elle était victime. Mais, selon Camila, l’école n’a pris des mesures pour identifier les coupables que deux semaines après. Quand les autres élèves ont su que Lorena avait dû dire les noms de ses agresseurs, une confrontation a été organisée comme le raconte le billet de Preta e Acadêmica ou (Noire et Universitaire):
Pour finir, la directrice a demandé à la petite si elle voulait changer de classe et Lorena, fatiguée, a accepté.
Quatre jours plus tard, les choses ont empiré. Comme Camila le raconte sur sa page Facebook, partagée par 74 000 personnes, Lorena lui a envoyé un message qui disait : “Tu vois comme je souffre”, suivi d’une série de message vocaux.
Un groupe d’une vingtaine de gosses — certains venant de l’école de Lorena, d’autres, étant ses voisins à São Bernardo do Campo — ont créé un groupe sur Whatsapp pour continuer les agressions contre Lorena. Camila raconte, dans le même message :
S’agissant de mineur, le dossier a été déposé devant le Conseil Tutélaire (Conselho Tutelar). En ce qui concerne l’école, aucun des agresseurs n’a été puni ni même aucune tentative d’aborder la question avec les enfants concernés n’a été envisagée.
Au cours d’une interview pour Global Voices, Camila a déclaré que c’était ce qui l’avait le plus indignée:
“Ce n’est pas du harcèlement, mais du racisme”
Ce qui s’est passé pour Lorena semble bien être un dénominateur commun au cours de l’enfance des élèves noirs. C’est l’expérience de vie de milliers de petites filles noires qui passent leurs années d’école à entendre des blagues sur leurs cheveux et leur couleur de peau. Toutes, victimes du racisme, pas du harcèlement.
Afin de bien marquer la différence entre les deux formes de préjugés, en 2013, 21 femmes noires ont mis en commun leurs souvenirs d’école dans un livre ” Noires (in)confidences: du harcèlement, non. C’est bien du racisme” [“Negras (in)confidências: Bullying, não. Isto é racismo”], où elles expliquent :
Une étude réalisée par la Fondation Institutionnelle d’Études économique, la Fundação Institucional de Pesquisas Econômicas (Fipe), en 2009, a démontré que le préjugé ethnico-racial arrivait en deuxième position dans les écoles brésiliennes, juste derrière les préjugés basés sur le physique, telle que l’obésité. Les auteurs de l’enquête ont entendu des professeurs, des employés et des élèves de 500 établissements scolaires brésiliens de tout le pays. À peine 5% des participants étaient des noirs.
En 2003, la ratification de la Loi 10.639, rendant obligatoire l’enseignement de l’ “Histoire et de la Culture Afro-Brésilienne” dans les écoles, semblait annoncer un changement du système. Mais ça ne s’est pas exactement passé comme prévu. Dix ans après, dans un article pour le magazine Fórum, le professeur Dennis Oliveira, membre du Centre de Recherche et d’Études interdisciplinaires sur les Noirs brésiliens, le Núcleo de Pesquisas e Estudos Interdisciplinares sobre o Negro Brasileiro (Neinb), a pointé le peu d’enthousiasme des études supérieures en Pédagogie à inclure la matière dans son programme, et donc par conséquences le manque de formation des professeurs, comme étant l’un des freins majeurs à l’application de la loi.
Viviane de Paula, dans un article publié sur le site Blogueiras Negras (Blogueuses noires), affirme que “le milieu scolaire est encore un motif d’oppression pour beaucoup de ces “identités”, situation que l’État comme les communautés scolaires ne parviennent toujours pas à reconnaître:
#NousSommesTousLorena
Après tout ce qui s’est passé à l’école, Lorena ne voulait plus voir que son père, sa mère et sa meilleure amie. “Cela a provoqué chez elle un énorme manque d’assurance, ainsi qu’un refus de l’école, elle a beaucoup de difficultés à s’endormir, elle se réveille en pleine nuit et n’arrive plus à se rendormir, et son appétit a beaucoup baissé”, déclare Camila au cours de son interview avec GV.
Mais, le soutien que Camila a reçu sur les réseaux sociaux depuis qu’elle a raconté l’histoire de sa fille, démontre que l’Internet est devenu un espace d’affirmation de tout ce qui est négligé au dehors. “Avec les proportions qu’a prises cette histoire et la quantité de messages de soutien, d’aide et d’affection, je crois, qu’il existe beaucoup plus de gens bien que de mauvaises personnes”, commente-t-elle.
Suite à la publication de l’histoire sur Facebook, un sociologue a proposé à Camila d’organiser une formation avec l’équipe enseignante de l’école sur les mesures socio-éducatives à mettre en place dans ce type de situation. L’école a d’abord accepté, avant de se rétracter.
Selon Camila, il va encore couler beaucoup d’eau sous les ponts d’ici au dénouement de cette histoire. Le hashtag #SomosTodasLorena [#NousSommesTousLorena] où l’on peut voir des mères et des communautés qui s’emploient à glorifier les cheveux crépus, a commencé à circuler, tel que celui du groupe As Vantagens de se Enrolar [Les avantages de se mettre en boule].
Depuis que cette histoire est apparue sur internet, Lolô (son diminutif) a adopté la posture et une coiffure black power. Un premier pas pour qu’elle découvre comme elle est belle et comme elle a du potentiel.