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Circonstances de l'arrestation à Abidjan et de la déportation au Camp Boiro de Bah Mamadou Lamine

Suite à la publication de l’article Affaire « Bah Lamine » ou le revers des relations incestueuses entre Sékou Touré, Houphouët-Boigny et Siradiou Diallo« , le 3 avril 2015, j’ai reçu plusieurs commentaires dont celui-ci de Boubacar Bah:

Peu de gens connaissaient cette histoire pendant la vie de AST alors qu’il était prompt à faire diffuser sur la voix de la révolution tout ce qui pouvait lui servir de démonstration sur l’effectivité d’un « complot » . Je crois que sur demande de Houphouet, AST avait fait ramener M:Bah par vol à Abidjan, et ceci dans le plus grand secret , à l’insu des guinéens, craignant le scandale que cela allait faire , suite à l’erreur sur la personne. Cette histoire m’avait paru à l’époque digne d’un roman d’espionnage. Pourquoi le Vieux après tant d’années de brouilles avait décidé de livrer un homme à son ancien « ennemi » ? M:Bah Lamine ayant une très bonne plume devrait écrire un livre la dessus. C’est comme cela que ça s’est passé non M.Abdoulaye Bah ? Prière apporter la précision

En réponse au message de  Boubacar Bah, je vais reprendre cet article de l’intéressé lui-même, Bah Mamadou Lamine, publié sur campboiro.org, sous le titre Entre assassins, voleurs et violeurs. L’article a été publié en premier lieu sur Le Lynx. No. 837. 28 avril 2008. p. 9.

Extrait:

Le mardi 28 avril 1981, il est 17 h 30 au Camp Boiro de Conakry. Des gardes viennent m’extraire de la cellule où quelques heures plus tôt on m’avait enfermé, tout nu.

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Moment de recueillement des parents et amis des victimes dans des fosses communes sur le mont Kakoulima

La veille 27 avril, j’avais été arrêté vers 8 h du matin, alors que j’étais en situation de classe avec des élèves de 2è Année BEP secrétariat aux Cours Loko José Dominique de Marcory, Rue de la Paix à Abidjan, Côte d’Ivoire. C’est là que je fus arrêté par des agents de la Direction de la Surveillance du territoire (le contre espionnage) de Côte d’ivoire dirigés par M. Mourad Abdel Kader, un metis ivoiro-libanais, originaire de Gouméré, Bondoukou.

Aux cours Loko, j’étais Directeur Pédagogique, chargé de l’enseignement du français et du secrétariat. Tout en dispensant des cours de français, d’actualité et de connaissance du monde contemporain. Aux côtés de Fodegbé Kaba, Dioumessi Kaba et Diaby Karamoko. Cumulativement, j’étais chef du service correction de nuit à Fraternité Matin. A Abidjan, personne ne m’a dit les raisons de mon arrestation (les flics avaient même refusé que je prenne mes pièces d’identité que j’avais laissées dans ma voiture garée près de l’école). A la maison (Adjamé Nord) je laissais une épouse, un enfant, deux frères et ma mère. Cette dernière, après l’arrestation de mon père le 27 avril 1971, m’avait rejoint en Côte d’Ivoire, après avoir marché plus de 80 km entre Kankan et Odienné. Ma mère était très liée avec Penda Touré, épouse Boolamou Alphonse, ancienne secrétaire de l’avocat Jean Konan Banny, devenu Ministre ivoirien de la défense. C’est par elle que ma famille d’Abidjan a fini par savoir qu’on m’avait rapatrié à Conakry.

Alors que j’étais à la garde à vue à la DST, deux autres compatriotes me rejoignent : Barry Mouctar, chauffeur originaire de Dounet, (Mamou) et Barry Mouctar, chauffeur originaire de Bomboly (Pita).

Le lendemain, nous sommes menottés, embarqués dans une voiture de police banalisée et déposés à l’aéroport d’Abidjan (Port-Bouët). Nous nous engouffrons dans l’avion personnel — un Gruman — du président Félix Houphouët-Boigny, qui nous débarque à Conakry. Au cours de la traversée, une seule question nous est posée par le personnel de l’avion : « Vous ête Peulh ? »
De la part des agents guinéens à bord de l’appareil, rien ! Nous ne serons démenottés qu’au Camp Boiro.

A peine sorti de la cellule, le temps que mes yeux s’habituent à la lumière, mes geôliers et moi étions déjà à l’entrée d’une immense salle. Sur le pas de la porte, le commissaire Souaré m’interroge:
— C’est vous Bah Lamine, qui a travaillé à l’ERC de Dalaba.
— Non! répondis-je. Je ne sais même pas ce que c’est un ERC.

Dans la salle, une immense estrade sur laquelle sont assises de nombreuses personnes. C’est l’équipe de tortionnaires qui allait m’interroger. Parmi eux, je reconnais :

  • Sékou Chérif, beau-frère de Sékou Touré, ministre du Domaine de la Sécurité, patron de la Commission Nationale d’enquête et illustre « inaugureur » de la « Gare voitures de Avions de Labé »
  • Kissi Camara, directeur-adjoint du Camp Boiro (je l’apprendrai plus tard) et futur directeur de la sécurité de Fory Coco
  • Sadan Moussa Touré, Ambassadeur de Guinée à Abidjan.

Sékou Chérif me demande (après les questions d’identité) :
— Qui est votre père ?
Bah Amadou Baïlo.
— Où est-il ?
— Camarade ministre, je compte sur vous pour le savoir. Il a été arrêté le lundi 27 avril 1971 à 20 h 30 à Boussoura, Matam. Depuis, on n’a jamais eu de ses nouvelles.

Pour ne pas vous livrer un billet trop long, on va rester sur cet échange  entre l’auteur et le ministre tortionnaire et beau-frère du tyran Sékou Touré. Je publierai le reste dans un prochain billet.

 

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konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

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