Ce jour-là, comme lors de la mort de Sékou Touré et de Lansana Conté, et même à l’arrivée du premier président universitaire, Alpha Condé, les Guinéens ont semblé libérés d’un gouffre, d’un cachot, de plusieurs décennies de misère, de tortures, bref, d’une dictature. Puisque c’est cela notre slogan en Guinée. Le maître-mot, lorsque nous ne supportons plus un régime en dérive et qui touche à sa fin.
Nous n’avons d’ailleurs jamais réellement supporté un régime en Guinée jusqu’au bout. Du colon à maintenant, en passant par Sékou Touré, Lansana Conté, Dadis Camara, Sékouba Konaté ou Alpha Condé, aucun régime n’a jamais été bon en Guinée et pour les Guinéens.
« Le vrai bonheur, on ne l’apprécie que lorsqu’on l’a perdu », disait Félix Houphouët-Boigny. Cette assertion, s’il y a bien un peuple qui en a fait sienne, c’est celui de la Guinée. Pour preuve, à la chute de chaque régime en Guinée, ne vous fiez jamais aux grandes parades de soutien, aux déclarations d’adhésion çà et là, aux allégeances aux Princes du moment, elles ne sont que de courte durée. Elles ne tiennent jamais longtemps et cèdent rapidement la place au regret, au désarroi, au désenchantement et à la déception.
En réalité, les Guinéens n’ont jamais su tirer les leçons de décennies de gouvernance basée sur le népotisme alors qu’on nous promet l’égalité des chances ; la corruption alors qu’on nous assure une gestion basée sur la transparence ; l’enrichissement illicite alors qu’on nous promet de lutter contre les crimes économiques et financiers ; des nominations par clientélisme alors qu’on nous promet le mérite ; une administration foncièrement politisée alors qu’on nous endort avec la promesse de complètement dépolitiser la machine étatique.
Une justice à double vitesse alors que, pour le 5 septembre 2021 par exemple, nous avons sauté de joie en apprenant que la justice serait la boussole qui guiderait chaque Guinéen ; des vies d’innocents citoyens enlevées alors qu’on nous avait promis que plus aucun Guinéen ne mourrait à cause de son opinion. Qu’en est-il aujourd’hui de toutes ces promesses, ou qu’en a-t-il été d’ailleurs depuis toujours ?
Dans chaque nouveau régime, le Guinéen caresse l’espoir de voir la rupture avec les anciennes pratiques. Oui, la rupture, et c’est aussi ce que nous vendent les nouveaux hommes. Et par fatalisme ou amnésie, nous y croyons fermement en oubliant que les prédécesseurs nous ont promis les mêmes rêves, parfois plus beaux d’ailleurs, sans jamais les réaliser.
« Tout le monde peut diriger la Guinée », me disait avec amertume, désespéré, un client dans un café. Pour lui, le Guinéen n’ayant pour seul souci que le quotidien, il suffit de lui faire miroiter la popote du lendemain pour le dompter. Nous sommes tous asservis et maintenus dans un cycle de dépendance perpétuelle.
Cela n’a pas commencé aujourd’hui, le CNRD n’en est pas le géniteur, il est aussi le fruit de cette norme à laquelle les Guinéens ont fini par s’accommoder. Réclamer un droit n’est plus un droit pour le Guinéen, il doit s’accommoder. Les différents régimes en Guinée sont tous pareils, comme le peuple qui reste le même avec les mêmes ambitions qui ne dépassent pas le bout du nez. Le quotidien, c’est le combat de la majorité des Guinéens.
Tellement obnubilés par la satisfaction de l’envie personnelle, le nombrilisme, jamais les grands chantiers et grandes œuvres que pourrait accomplir un pouvoir ne sauraient être appréciés à leur juste valeur. Chacun préserve son MOI. Après le PPTE, Kaléta et Souapiti pour Alpha Condé, c’est aujourd’hui SIMANDOU 2040 pour Mamadi Doumbouya et toujours ‘’MA PART D’ABORD’’ pour le Guinéen.
Daouda Mohamed Camara
Journaliste