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Les résultats du référendum du 28 septembre 1958 dans les colonies africaines ou le pari perdu de la France en Guinée

Cette vidéo, produite le 29 septembre 1959 par l’INA et mise en ligne à l’apparition des nouvelles technologies de l’information, sous le titre de Les territoires d’outre-mer se prononcent le 28 septembre 1958 sur la constitution de la Ve République et la Communauté française, cette vidéo de l’INA montre le représentant du ministère de la France d’outre-mer, Émile Biasini, présenter les résultats du référendum du 28 septembre 1958 sur la Communauté française en Afrique et à Madagascar et commente le « cas aberrant » de la Guinée qui a voté « non ». On notera concernant les résultats de la Guinée que c’est à 98 pour cent que les électeurs se sont prononcés pour le NON, et non à 95 pour cent chiffre qui circulait jusqu’à présent. 
Le cas du Niger est particulièrement indicatif de ce qui aurait pu se passer en Guinée si un seul dirigeant avait invité les électeurs à voter OUI. Dans ce pays, le leader du parti SAWABA, Djibo Bakary avait invité les nigériens à faire le même choix que les guinéens. Sur les 60 sièges du parlement territorial, ce parti comptait 42 élus. Comme les autres partis mineurs, notamment Hamani Diori du Parti progressiste nigérien (PPN), branche locale du Rassemblement démocratique africain (RDA) avaient invité les électeurs à choisir: 

« Jacques Foccart et ses réseaux entrent en action. Une intense campagne est menée par le gouvernement français, usant de pressions et de la corruption pour que le OUI, c’est-à-dire le maintien de liens privilégiés avec la France, l’emporte. Des renforts de troupes aéroportés sont envoyés au Niger. Le gouverneur Colombani, afin d’assurer la victoire du OUI au référendum dirige les opérations. Il « a vite compris que pour réussir, il fallait nécessairement anéantir le Conseil de gouvernement », dirigé par le parti Sawaba et ce même « au risque de violer la légalité”. »

En Guinée ce scenario était impossible car tous les leaders avaient opté pour le NON. Il n’y avait aucune faille où la division aurait pu opérer. Les premiers à se prononcer furent d’ailleurs Diawadou Barry et Ibrahima Barry dit Barry III. Sékou Touré céda sous la pression des jeunes dont il était une idole à cause de sa capacité dialectique et des femmes pour son sex-appeal. Comme au Niger son parti affilié au RDA détenait la majorité des sièges au parlement territorial guinéen.
Ce sont les mensonges de la classe politique issue du PDG qui attribue le vote du NON au seul Sékou Touré pendant que ses compagnons gisent dans des fosses communes non identifiées parsemées à travers le pays, après avoir été trahis, humiliés et torturés dans les différents camp de concentration, dont le Camp Boiro. 

Lors de son voyage africain en août, de Gaulle a posé l’alternative : les territoires qui voteront en faveur de la communauté pourront à terme accéder à une indépendance négociée; s’ils votent contre, ce sera l’indépendance immédiate et la « sécession » avec la métropole. D’intenses débats secouent les partis politiques. Le rassemblement démocratique africain (RDA) et son chef de file, Houphouët-Boigny, enjoignent les sections à voter en faveur du projet constitutionnel. Mais après le conflit entre de Gaulle et le leader de la section guinéenne du RDA, Sékou Touré, poussé par les mouvements plus radicaux, engage son pays dans la voie du NON tout en affirmant sa volonté de négocier avec la France.

Parallèlement, une campagne officielle en faveur du OUI  est activement menée en Afrique. L’intervention de l’administration est plus directe encore au Niger. Pour contrer l’influent parti de Djibo Bakary qui appelle à voter NON, un nouveau gouverneur est nommé pour soutenir par tout moyen les positions du RDA, en bloquant notamment les moyens de communication. Les résultats du référendum reflètent cette activité et le ralliement des principaux partis politiques, à l’exception de ceux de Sékou Touré en Guinée et de Djibo Bakary au Niger.

L’édition télévisée relative au référendum témoigne de l’importance accordée au scrutin outre-mer. Derrière Léon Zitrone est affichée la carte de la France métropolitaine et d’outre-mer. C’est ensuite à Émile Biasini, administrateur du ministère de la France d’outre-mer, qu’il revient de commenter les résultats transitoires. La victoire éclatante du OUI est mise en évidence, à commencer par les territoires acquis aux positions du RDA. Pour l’Afrique Occidentale Française, le résultat de la Côte d’Ivoire, patrie d’Houphouët-Boigny, est qualifié de « remarquable », avec 99 % de votes positifs. Le même résultat est noté pour le Moyen Congo, en soulignant les 99,4 % de Brazzaville, dont le maire, l’abbé Youlou, bénéficie du soutien des nouveaux colons blancs et du RDA. Biasini insiste ensuite sur le résultat du Niger « dont on pouvait douter jusqu’au dernier moment », avec 76 % de OUI. L’attention portée à ce territoire permet de connaître les résultats de 73 % des votants, alors que Biasini souligne les résultats encore très partiels des autres territoires sahéliens, en raison des difficultés de déplacement pendant la période des pluies. Le succès plus limité du OUI au Niger est attribué à l’opposition entre partis africains, sans mentionner l’action de l’administration.

Le résultat de Madagascar, avec 80 % de oui, est aussi qualifié d' »extraordinaire ». En effet, seule la population d’Antananarivo a voté NON, suivant la position de son maire qui estime que les vrais artisans de l’indépendance sont les parlementaires exilés en France à la suite de l’insurrection de 1947.

Surtout, la victoire du OUIi, y compris au Niger, permet à Biasini d’isoler le « aberrant » de la Guinée, où le NON l’emporte à 98 %. Biasini présente « l’esprit » du communiqué remis à Sékou Touré le matin même par le Haut-commissaire. L’importance donnée à ce document souligne la solennité du moment. Le gouvernement français y « donne acte de la décision de la Guinée », dans le cadre de l’alternative fixée par de Gaulle. Le vote négatif est considéré par Paris comme une « sécession ». Le gouvernement français tire immédiatement les conséquences de ce NON qui détonne par rapport aux autres territoires. Ces conséquences ne sont pas précisées aux téléspectateurs. Mais lorsque Biasini indique que c’est bien un « acte de divorce [qui] a été remis ce matin », il est évident que la France va rapidement prendre les mesures de représailles contre le pays qui ne s’est pas soumis à sa pression, avec notamment un arrêt brutal de l’aide et le départ des agents français.

Introduction de Bénédicte Brunet-La Ruche
Pour voir la vidéo, cliquer ici.
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konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

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