Guinée: Le silence assourdissant de la RTG sur la commémoration des fusillades du 18 octobre 1971

Image de Wikipedia

Le quarantenaire des sacrifices humains faits par le régime révolutionnaire de Sékou Touré le 18 octobre 1971 n’a pas été commémoré par la télévision nationale. L’Association des victimes du camp Boiro a organisé une cérémonie de ressouvenir aux charniers du mont Kakoulima où avaient été jetées anonymement les dépouilles de 70 hauts cadres guinéens sommairement fusillés. Mais le directeur de la télévision nationale Fana Soumah s’est opposé à la diffusion des images rapportées par ses journalistes et cameramen.

La commémoration du 40e anniversaire des exécutions politico-rituelles du 18 octobre 1971 au pied du mont Kakoulima a été « mis au cimetière » par la RTG. Sans jeu de mots, c’est comme si nos innocents pères avaient été exécutés une seconde fois. Le directeur de la télévision nationale de la RTG-Koloma, Fana Soumah, a trouvé que cette commémoration était un « sujet sensible ». Pourtant, sur cette même télévision, depuis des mois on serine en boucle les téléspectateurs avec des spots emphatiques sur la réconciliation nationale.

Quand, sous un prétexte fallacieux, Fana Soumah refuse que le reportage fait par ses journalistes et les images prises par ses cameramen soient diffusées à la télévision nationale, je me demande quelle conception personnelle il a de la « réconciliation nationale » prônée par le président de la République, le Pr Alpha Condé. Il est bien admis que les préalables à toute réconciliation entre deux personnes brouillées sont une énonciation claire des différents griefs et une désignation non moins claire du coupable et de la victime pour chaque tort commis ou subi. Comment donc la réconciliation nationale serait-elle possible si les fusillades sommaires de 70 cadres de ce pays, uniquement pour des motifs politiques et rituelles, ne doivent être ni remémorées ni même évoquées par le média d’Etat par excellence qu’est la télévision nationale ?

Malgré toutes les instances des victimes du camp Boiro, Fana Soumah a méprisé la commémoration d’un des événements des plus tragiques et les plus cruels de l’histoire politique de ce pays. « Sujet sensible », a-t-il dit ! Sensible par rapport à quoi ? Certainement par rapport à sa propre sensibilité ou au carriérisme qui l’habite et lui dicte une prudence instinctive. Pas de doute, il n’a pensé qu’à ses propres calculs qui taisent leur nom.

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Que ça plaise ou non au fayot directeur de la télévision nationale de la RTG-Koloma, la mémoire de nos pères sera inexorablement célébrée dans la conscience collective. Tôt ou tard, ils seront relevés de leurs charniers et se tiendront droits et fiers dans l’histoire de ce pays. Leur grandeur apparaîtra aux yeux de tous, glorieuse, éclatante. Car leur œuvre est connue de leurs contemporains, les immenses services qu’ils ont rendus à la Guinée sont archivés dans le souvenir national et sont encore visibles à travers les infrastructures qu’ils ont bâties, les réformes avisées qu’ils ont menées au service public, leurs innovations visionnaires et leur amour sans faille pour la patrie. Ils étaient purs et droits, ils n’avaient pas en vue l’argent ni la gloire personnelle, mais seulement le progrès général de leur pays à peine sorti de l’ère coloniale.

Que ça plaise ou non à ceux qui sont tentés par le négationnisme ou l’occultation historique, la mémoire de nos pères sera un jour gravée en lettres d’or au panthéon de l’histoire de la Guinée qu’ils ont tant aimée et servie. Ce jour là, et seulement ce jour là, nous leurs orphelins et veuves, nous sécherons nos larmes, notre chagrin prendra fin et les Guinéens seront assurément réconciliés. Avec leur histoire, avec eux-mêmes.

Dr Ahmadou Tounkara  

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