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Guinée: Mara Fanta, ou la tragédie d’une héroïne méconnue, martyrisée par le P.D.G.

J’ai le plaisir de partager avec vous cette intervention du Dr. Abdoul BALDÉ, pharmacien, publiée le 4 janvier 2017 sur le site gbassikolo.com. L’histoire de Mme Mara Fanta vient compléter les nombreux autres témoignages sur le courage de ces femmes qui ont été soumises aux pires humiliations et tortures par le régime tortionnaire de Sékou Touré.

 

J’arrive à la fin de la publication des extraits de différents auteurs concernés directement par le régime de Sékou TOURÉ. Ce régime a été brièvement nationaliste à ses débuts. Très rapidement, sous des prétextes divers et variés, il est d’abord devenu dictatorial, puis totalitaire, pour finalement se muer en régime sanguinaire, rien que sanguinaire…

Le dernier texte de cette trilogie d’extraits n’épuise pas, ni n’embrasse la totalité de la tragédie vécue par les Guinéens de toute condition sociale, et de toutes les régions du pays en vingt-six ans de règne absolu de Sékou TOURÉ.

Des Ministres au banal citoyen de la rue, tous n’étaient que des prisonniers, ou des pendus en sursis. Encore que les premiers sont moins victimes que les seconds, car ils avaient eux-mêmes contribué à bâtir ce système concentrationnaire mortifère, et donné le pouvoir absolu au tyran. Or semble-t-il, dès le commencement de leur « lutte», Sékou TOURÉ a laissé percevoir son penchant pour un pouvoir personnel tyrannique. L’immense Koumandian KEITA en avait très tôt pris conscience, et voulu avec d’autres arrêter la machine infernale. Mais Saifoulaye DIALLO et son ami Sékou TOURÉ avaient compris qu’il avait compris, et qu’avec sa détermination, il pourrait créer un contexte social susceptible de mettre fin à la dérive sanguinaire dans laquelle le pays a fini par sombrer. D’où l’invention du « complot des Enseignants »Koumandian était Instituteur, suivi aussitôt d’un « procès » organisé par un « tribunal » révolutionnaire présidé par Saifoulaye DIALLO, dans l’unique but d’emprisonner, et peut-être liquider physiquement celui qui avait compris avant les autres, et qui pour moi, devrait être revendiqué et célébré par tous les Guinéens, à savoir, l’immense Koumandian KEITA.

Devrais-je justifier devant les lecteurs pourquoi avoir choisi des extraits de ces deux auteurs occasionnels ? Ce ne sont pas des écrivains professionnels. Ensuite ils ont en commun d’avoir été à des positions de responsabilité, certes à des niveaux différents, mais tout de même des responsables. Enfin, dans les extraits publiés, ils ne parlent pas de leur situation personnelle, mais plutôt celle de simples citoyens et citoyennes, tout d’un coup happés par un système concentrationnaire sanglant auquel ils avaient pourtant cru, jusqu’au moment fatidique où ils réalisent combien de fois ils avaient été trompés, abusés, roulés dans la farine par un IMPOSTEUR OBSCENE qu’était Sékou TOURÉ. C’est le cas de cette innocente dame, Fanta MARA, torturée, vraisemblablement violée quotidiennement en prison, puis assassinée. Dans tous les cas, personne ne la reverra plus jamais, ni ses proches, ni ses parents. Son cas n’est pas exceptionnel. C’était le sort réservé à des milliers de GUINÉENS et GUINÉENNES par le sinistre Sékou TOURÉ, et son P.D.G.

Après cette brève présentation, je souhaite une bonne lecture et une bonne et heureuse année à tous les compatriotes, sans exclusive.

 

Citation extraite du livre du doyen Alpha Abdoulaye Diallo ‘Portos’
La vérité du ministre. Dix ans dans les geôles de Sékou Touré

« …….

Bientôt les interrogatoires reprennent.

C’est Ismaël qui préside la commission. La cabine technique fonctionne de nouveau avec toutes ses méthodes habituelles. Mais Ismaël en invente de nouvelles. Dans un souci de rapidité, le feu et le fouet viennent seconder efficacement la corde et l’électricité : on allume un feu qu’on oblige les victimes à éteindre avec leurs mains et leurs pieds… nus. Nous voyons ainsi arriver des êtres affreusement brûlés, le dos en sang, lacéré de coups de lanière. Mais nul n’en parlera jamais, ce sont de « petites gens ».

Bientôt, la cabine technique se transporte au bloc. Le chef de poste central, Fadama, en prend le relais et l’interrogatoire se poursuit. Nous « assistons » alors, souvent, à un dialogue que nous connaissons bien :

— « Avoue et tu vas cesser de souffrir. » C’est la voix de Fadama parlant en malinké. Pourquoi veux-tu protéger ces gens-là ? Eux, ils sont dans leurs villas, dans leurs Mercedes, tandis que toi, tu es là à souffrir pour rien. Dès que tu avoueras, on va te libérer, tu sais que le patron est humain, c’est un homme…

— Je ne sais rien… », répond en un gémissement, en une plainte, une voix que nous ne connaissons pas. Plus tard, nous saurons que c’est celle de Barry Sory (à ne pas confondre avec le ministre qu’on « a suicidé  » six ans plus tôt), et nous apprendrons qu’il est chef percepteur au marché.

— « Je ne sais rien, poursuit-il, je n’ai participé à aucun complot. Je ne suis pas contre-révolutionnaire… »

Nous saisissons qu’il faut qu’il dénonce un certain nombre de ministres. Les noms qui reviennent le plus souvent sont ceux de Thiam Saïkou, ministre des Transports et de Chérif Nabahaniou, ministre des Affaires islamiques, dont l’arrestation à ce que nous révélera un ami d’Ismaël qui avait passé quelques mois avec nous, était prévue depuis longtemps.

Une nuit encore, nous entendons une voix de femme, énergique et ferme, s’exprimant en un soussou imagé :

— « Allez dire à votre maître qu’il se rappelle que c’est nous, les femmes de Guinée, qui l’avons mis là où il se vautre. A ce moment-là, il y avait en face de nous les fusils des colons que nous n’avons pas hésité à braver… Nous l’avions fait, car il nous demandait de l’aider pour l’amour de Dieu et de son Prophète.

— « Aujourd’hui, il a trahi toutes ses promesses et nous ne voulons plus de lui. Ses fusils ne pourront rien contre nous. Allez le lui dire. Mais je sais que vous n’avez pas ce courage…

— … il faut reconnaître la vérité, on vous a poussées vous les femmes… », hasarde une voix. Elle s’attire aussitôt un flot d’invectives de la part de son interlocutrice qui poursuit :

— « Qui peut nous pousser? C’est Sékou Touré seul qui nous a poussées, avec ses mensonges. Wule falà nara. Mikhi fakhè nara 7. Il a affamé tout le peuple, nous n’avons rien à mettre dans nos marmites pour nos maris, nos fils… mais nous ne voulons plus de lui… lui, il sait ce que cela veut dire, il nous connaît. Ce qu’on m’a fait là-haut 8… la façon dont les jeunes militaires m’ont vue nue, jamais mon mari lui-même ne m’a vue comme ça. Le courant passé sur tout mon corps m’a laissée toute en sang, comme si le courant pouvait m’amener à avouer les grossiers mensonges qu’ils veulent me faire dire. Je comprends bien maintenant la façon dont ils procèdent pour faire mentir et tuer les gens. »

Nous saurons, plus tard, que cette maîtresse femme, symbole de la femme de Guinée, de son courage et de sa détermination, s’appelle Mara Fanta. C’est un nom que je n’oublierai jamais. Malgré le traitement brutal, sauvage qu’on lui infligea, elle ne céda jamais ni aux brutalités ni à la torture. Les gardes, Fadama lui-même, avaient peur de l’affronter. Et plus d’un parmi nous, se sera senti petit devant sa résistance et sa détermination. Et, personnellement, du fond de l’obscurité de ma cellule, elle me fera me reposer cette question qui gît toujours enfouie quelque part dans le tréfonds de mon cœur, depuis ce jour, lointain et pourtant si proche, où j’ai enregistré ma déposition : pourquoi ai-je cédé ?

Mara Fanta disparaîtra du bloc, comme elle y était apparue, c’est-à-dire, une nuit comme un feu follet. Libérée ? Exécutée ? Je n’en saurai rien. A ma libération j’essayerai de la retrouver. Vains efforts. Peine perdue. Autant rechercher, par une nuit noire, une aiguille dans une botte de foin !

A la suite des interrogatoires, trois personnalités de premier plan feront leur entrée au bloc. El hadj Chérif Nabahaniou, ministre des Affaires islamiques, président du Conseil national islamique, arrêté à l’issue d’une séance du comité central.

Thiam Saïkou, ministre des Transports qui, d’après ce qu’on nous en dira, avait des problèmes personnels avec un grand commerçant, El hadj Kebé, beau-neveu du président, beau-frère du ministre Moussa Diakité et à qui il refusait d’accorder un certain nombre de privilèges relevant de son autorité.

El hadj Himi Touré, secrétaire fédéral de Forécariah 9 que des problèmes personnels persistants opposaient à son gouverneur Chérif Ibrahima et qui, jusqu’à sa libération et dans sa naïveté, exprimera la conviction qu’il « a été arrêté à l’insu du président Sékou Touré et du ministre de l’intérieur Moussa Diakité ».

Il faut citer, à côté d’eux, un garagiste de la place, Sankoumba Diaby, brillant et ingénieux mécanicien, dont les cars avaient pratiquement pris le relais de l’entreprise officielle T.U.C. 10 C’était dangereux pour la ligne prétendument socialiste du parti. C’était dangereux pour Sankoumba : il sera arrêté et passera plus de quatre ans en prison, le temps de démanteler tous ses garages !

Par la même occasion, on arrêtera aussi Molota Camara, un oncle du ministre N’Famara Keïta, membre du B.P.N. C’est une constante de la politique de Sékou Touré de toujours humilier ses collaborateurs les plus proches et qui ont une certaine influence sur les masses populaires, comme pour les déconsidérer aux yeux de celles-ci. …. ».

Commentaire qui a retenu mon attention

[quote name= »Mamadou Billo SY SAV »]Hé Hé M’Barényi Youssouf BANGOURA,

Non! Vous me faites dire ce que je n’ai jamais dit. Moi je soutiens que :

1°. s’opposer à la tyrannie est légitime, et doublement légitime de chercher à se débarrasser d’une tyrannie sanguinaire comme celle de l’obscène Sékou TOURÉ, car Sékou Touré était fondamentalement OBSCENE.

2°. Ne pas être d’accord avec un parti politique ne doit en aucun cas être interpèté comme un « complot ».

3°. J’ajoute que Monsieur Kobélé KEITA est moins un historien qu’un conteur villageois de légende. Je ne parle pas de son esprit partisan. Normal qu’il le soit. Moi aussi je suis partisan. Mais je conteste sa méthode. Un « Enseignant-Chercheur » doit d’abord indiquer d’où il parle ou écrit, c’est-à-dire à partir de quelle position. Ensuite il récupère toute sa latitude de « chercheur ».

Voici quelques billets déjà publiés qui témoignent des rapports entre Sékou Touré et les femmes:

Guinée: Il y a 36 ans, la “révolution” secouée par la révolte des femmes

Guinée: La “confession” de Saran à Kankan

Cruauté, rapacité et discours soporifiques au nom de la révolution dE Sékou Touré

Mara Fanta, symbole de la femme de Guinée, de son courage et de sa détermination

 

 

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konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

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