Khabane Lame, mieux connu sous le nom de Khaby Lame, un Sénégalais de 21 ans vivant à Chivasso, en Italie, est devenu le premier créateur de TikTok en Europe et le deuxième au monde à atteindre les 100 millions de followers le 10 août 2021. L’ascension de Lame met en lumière le sort des créateurs de contenu noirs et a également révélé les insuffisances des lois italiennes sur la citoyenneté et l’immigration
Lame a commencé à utiliser Tiktok l’année dernière en mars 2020 après avoir perdu son emploi d’ouvrier d’usine en raison de la pandémie de COVID-19. Dans ses vidéos, il ne dit généralement pas un seul mot. Au lieu de cela, il utilise des mimiques et des gestes de la main pour se moquer des autres stars d’Internet. Cela a peut-être été salué comme la clé de son succès car ses mouvements et ses expressions contournent les barrières culturelles et linguistiques, rendant ses messages universels.
@khaby.lameLol 🤦🏿♂️ ##learnfromkhaby ##LearnWithTikTok ##ImparaConTikTok♬ suono originale – Khabane lame
Lors d’une interview au New York Times en juin de cette année, Lame, plus connu sous le nom de « TikToker italien », a révélé qu’il utilise toujours son passeport sénégalais bien qu’il vive en Italie depuis l’âge d’un an.
Gains et appropriation culturelle
I love how people are just now discovering TikTok is propped up by cultural appropriation #BlackTikTokStrike pic.twitter.com/WkbVXwmFnx
— Dr. Shanté (I’m Speaking) (@DrShanteSays) June 26, 2021
J’aime la façon dont les gens découvrent que TikTok est soutenu par l’appropriation culturelle
L’ascension de Lame vers la célébrité survient quelques mois seulement après que les créateurs noirs oeuvrant sur TikTok se soient mis en grève en juillet pour parler de l’appropriation de contenu et de leur lutte pour obtenir un crédit approprié. De nombreux Tiktokers noirs se plaignent des maigres gains pour les tendances en ligne qu’ils produisent, tandis que leurs homologues blancs profitent des mêmes tendances pour obtenir un plus grand succès.
Pour chaque sensation d’un TikToker noir comme Lame sur l’application, il y a plusieurs «influenceurs» blancs sur l’application qui se font plus d’argent», note Afrotech.com
Bien que les créateurs de contenu ne reçoivent pas une part des revenus publicitaires de TikTok, les meilleurs artistes gagnent des sommes substantielles sur la plate-forme. Selon Influencer Marketing Hub, le moyen le plus évident est le marketing d’influence qui oblige les créateurs à se constituer un nombre suffisant de followers, puis à se commercialiser auprès des marques pour vendre des produits à leur public.
Tiktok s’est taillé une place de choix en tant que destination de choix pour les tendances de la danse et les vidéos amusantes. Bon nombre des danses les plus populaires proviennent de jeunes créateurs noirs. Cependant, beaucoup ne reçoivent pas la reconnaissance ou la compensation qui leur est due pour leurs vidéos virales. D’un autre côté, souvent, lorsque les TikTokers blancs reproduisent les mêmes tendances, défis ou mouvements de danse, non seulement ils deviennent célèbres, mais parfois d’énormes fortunes suivent rapidement.
Ce fut le cas avec le mouvement de danse « Renegade » créé par Jalaiah Harmon, 14 ans, d’Atlanta, en Géorgie, qui a eu du mal à obtenir le crédit des influenceurs des médias sociaux qui ont fait de la danse un phénomène viral non seulement sur Tiktok mais sur Youtube. et Instagram.
Le hashtag #BlackTikTokStrike créé en juin a été vu plus de 6,5 millions de fois sur l’application et a depuis été tendance sur Twitter et d’autres plateformes de médias sociaux. Les utilisateurs noirs font la promotion du hashtag pour dénoncer ce qu’ils considèrent un traitement préférentiel.
S’adressant au Washington Post , Erick Louis, un créateur de TikTok noir qui a aidé à organiser la grève, a déclaré:
Même dans les espaces que nous avons réussi à créer pour nous-mêmes, des personnes [non noires] s’infiltrent violemment et occupent ces espaces sans aucun respect pour les architectes qui les ont construits.
Interrogé sur la grève et ses pratiques de modération de contenu, un porte-parole de TikTok a déclaré au Washington Post :
Nous nous soucions profondément de l’expérience des créateurs noirs sur notre plate-forme, inculquant une culture où créditer les créateurs est la norme en favorisant un environnement communautaire sûr et favorable.
Dans une vidéo TikTok largement partagée, Louis a écrit :
La grève est une question de reconnaissance et de crédit là où il se doit.
En regardant les revenus potentiels de la création de contenu sur TikTok, on comprend pourquoi les créateurs noirs sont amers.
Selon le calculateur d’engagement et de revenus de l’influenceur TikTok Influencer Marketing Hub, Charli d’Amelio gagne potentiellement entre 56 000 et 94 000 dollars américains par publication. D’Amelio est une star et danseuse américaine des réseaux sociaux qui compte actuellement 122 millions de followers. Lame est la deuxième personne à atteindre 100 millions après D’Amelio.
La croissance phénoménale de TikTok en Afrique
En avril 2020, Tiktok a ravi la première place aux applications appartenant à Facebook pour devenir la plus téléchargée au monde.
TikTok a particulièrement bien réussi [fr] en Afrique, et encore plus au Sénégal, le pays de naissance de Lame. TikTok se classe actuellement au troisième rang des applications de médias sociaux les plus téléchargées parmi les Nigérians sur le Google Play Store et au sixième rang parmi les Kenyans.
En juillet, TikTok a annoncé une subvention en espèces pour 20 créateurs sud-africains. Cependant, beaucoup de personnes soutiennent qu’il faut faire davantage pour garantir le fair-play et un environnement inclusif où les pratiques déloyales telles que l’appropriation culturelle ou les cas signalés de discrimination raciale sont traités de manière décisive.
Afrotech.com a mis en garde contre le succès de Lame :
Bien que nous devions certainement célébrer des victoires comme celle de Lame, nous devons également rester vigilants quant à l’écart salarial entre les influenceurs noirs et blancs, en particulier sur une application aussi populaire que TikTok.
Un Sénégalais en Italie
La renommée de Lame a également attiré l’attention sur son statut de citoyen italien, qu’il décrit comme un processus long et difficile. Bien qu’il vive dans le pays depuis que sa famille a émigré alors qu’il avait un an, il n’est toujours pas un citoyen italien reconnu. L’Italie a des lois de naturalisation notoirement strictes.
La loi sur la nationalité italienne stipule [fr] que pour obtenir la nationalité italienne:
Une personne qui réside légalement en Italie depuis au moins dix ans peut demander et obtenir la naturalisation en tant que citoyen italien si elle n’a pas de casier judiciaire et dispose de ressources financières suffisantes. La condition de résidence est réduite à trois ans pour les petits-enfants des citoyens italiens et pour les étrangers nés en Italie, quatre ans pour les ressortissants des États membres de l’UE, cinq ans pour les réfugiés ou les apatrides et sept ans pour une personne qui a été adoptée enfant par un citoyen italien.
Lame espère que sa nouvelle renommée et reconnaissance encouragera les responsables italiens à enfin l’embrasser comme leur fils alors qu’il atteint les étoiles.
Comme il l’a dit au New York Times, son manque de citoyenneté italienne n’a jamais été un problème auparavant jusqu’à ce qu’il commence à recevoir des invitations à se rendre aux États-Unis par d’autres influenceurs des médias sociaux. Lame est désormais une star internationale, et ce manque de citoyenneté européenne est susceptible d’inhiber ses chances d’obtenir des soutiens internationaux et des partenariats avec des marques mondiales au-delà de l’Italie.
Peut-être que je peux changer les lois avec ma popularité » , a- t- il déclaré avec optimisme au New York Times.
Lame, communément appelé le TikToker italien par ses fans, est la personnalité la plus suivie sur TikTok et Instagram en Italie avec respectivement 100 millions de followers et environ 33 millions de followers (en juin 2021, il en avait environ 25 millions).
Abdoulaye Bah a contribué à cet article
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Ce billet que j’ai traduit de l’anglais en français a été écrit pour globalvoices.org par la poétesse Njeri Wangari qui est la co-rédactrice régionale de Global Voices pour l’Afrique subsaharienne.