Début janvier 2018, un nuage de découragement a enveloppé les médias sociaux ougandais après que le président du pays a signé une loi [fr] qui relève la limite d’âge supérieure pour exercer la présidence sans tenir compte d’un précédent sondage faisant ressortir qu’une majorité d’Ougandais s’opposait à cette modification.
L’amendement à la constitution ougandaise signifie que le président Yoweri Museveni, âgé de 73 ans, peut briguer un sixième mandat en 2021 et prolonger sa présidence qui a duré déjà 32 ans, faisant de lui l’un des plus anciens dirigeants d’Afrique.
Cette loi controversée a également prolongé le mandat des législateurs ougandais de cinq à sept ans.
Les changements surviennent à un moment où l’espace pour l’engagement civique s’est rétréci et où les autorités répriment continuellement les voix dissidentes.
Museveni a remporté ses dernières élections en 2016, un vote au cours duquel l’opposition avait très peu accès aux médias et aux journalistes pendant que les membres de la société civile étaient victimes d’intimidation. “Les observateurs locaux ont déclaré que les élections n’étaient pas libres et justes”, a rapporté Human Rights Watch dans son World Report 2017 :
Les violations de la liberté d’association, d’expression, de réunion et le recours excessif à la force par les responsables de la sécurité se sont poursuivies pendant les campagnes et pendant la période post-électorale. Le candidat à l’élection présidentielle de l’opposition, le Dr. Kizza Besigye du Forum pour le changement démocratique (FDC), a été détenu à titre préventif chez lui pendant plus d’un mois alors qu’il tentait de contester les résultats des élections.
La police a utilisé des moyens illégaux, notamment des balles réelles, pour empêcher des rassemblements pacifiques d’opposition et les manifestations, ce qui a parfois entraîné les pertes en vie humaine.
Pendant le débat sur la limite d’âge, 25 députés, provenant pour la plupart de partis de l’ opposition, ont été suspendus.
Les groupes d’opposition politique ougandais ont combattu le projet de loi avant qu’il ne soit signé par le président – au sens figuré et littéral. À divers moments, la situation s’est envenimée au Parlement. En décembre, les parlementaires ont voté à 315 contre 62 pour autoriser la suppression de la limite d’âge.
Beaucoup d’Ougandais ont exprimé leur colère quand Museveni a signé le projet de loi le 2 janvier. Un utilisateur de Twitter nommé Oma a écrit :
32 ans d’inefficacité et nous sommes maintenant coincés avec cet individu incompétent et égoïste dont le gouvernement est caractérisé par le népotisme !
Musiime Alex Martin était inquiet que Museveni donne le mauvais exemple dans la région :
Sa avidité pour le pouvoir le hantera maintenant qu’il est totalement au-dessus de tout. Ce qui est mauvais, c’est qu’il contamine même les autres dirigeants de la région.
Un jour avant que le Président Museveni ne signe le projet de loi, Parliament Watch, une initiative du Centre d’analyse politique indépendant basé en Ouganda, a rappelé les propos d’un député, Henry Maurice Kibalya, à propos de l’article sur la limite d’âge :
LA CITATION : En tant que10e législature, nous pouvons réussir à modifier l’article 102 (b) mais ne pouvons pas réussir à amender les cœurs brisés des Ougandais
C’est à ces moments-là que le sarcasme est utile, comme l’a tweeté Kevrx :
Des millions d’Ougandais joyeux et excités descendent dans la rue pour célébrer le vote tant attendu de la loi sur la limite d’âge
Compte tenu de l’histoire récente, cependant, il n’y a pas de quoi rire pour l’opposition politique ou la société civile. Après que le vote au parlement de la loi sur la limite d’âge, NBS TV a interviewé le porte-parole de la police du pays qui a semblé caractériser l’opposition comme “le mal” :
Ce n’est pas la première fois que des politiciens de l’opposition et d’autres activistes en appellent au peuple, mobilisent le soutien du public … pour s’engager dans des activités illégales. Même pendant le débat sur l’amendement constitutionnel, ils se sont mobilisés, ils ont essayé de défiler comme ils le pouvaient. Cependant, nous étions en avance sur eux et nous avons contré tous les plans funestes qu’ils voulaient.
Ce billet a été écrit en anglais par Prudence Nyamishana, que j’appelle ma fille ougandaise et publié sous le titre deWith Age Limit Abolished, Ugandans Fear They Are ‘Stuck’ With President Museveni le 11 janvier 2018 pour notre réseau commun globalvoices.org. J’en ai assuré la traduction en français qui a été publiée le 21 janvier 2018 sous le titre de La limite d’âge abolie, les Ougandais craignent d’être “coincés” avec le président Museveni