L’introduction du mandarin dans les programmes scolaires d’Afrique de l’Est montre l’influence croissante de la Chine sur le continent en tant que superpuissance mondiale.
En janvier 2019, le Kenya Curriculum Development Institute a annoncé [fr] qu’en 2020, le mandarin ferait partie du programme scolaire kényan comme matière facultative dans les écoles élémentaires. Le Kenya est le dernier pays d’Afrique orientale à suivre la tendance de l’introduction de cette langue dans les écoles, après, entre autres, la Tanzanie [fr], le Rwanda [fr], l’Ouganda, le Zimbabwe et l’Afrique du Sud.
Alors que la Chine renforce ses liens commerciaux et infra-structurels déjà solides avec l’Afrique, les instituts Confucius (IC) [fr] et les salles de classe Confucius (CC) financés par le gouvernement chinois se multiplient en Afrique de l’Est. En 2018, la Chine avait mis en place 27 CC et au moins 51 établissements [fr] partout en Afrique.
La Chine parraine des IC depuis 2004 et des centaines d’entre eux ont également été établisaux États-Unis, en Australie et au Canada.
A simple map of all the Confucius Institutes on the African Continent. For interest there are 51 in total; South Africa has 5, while Kenya has 4. Map made using @cmapit Thanks to @xniyi
Une carte simple montrant tous les instituts Confucius du continent africain. Pour information, il y en a 51 au total ; l’Afrique du Sud en a 5, le Kenya 4. Carte réalisée avec @cmapit, merci à @xniyi.
Les dirigeants de l’Afrique de l’Est ont généralement soutenu l’idée que se familiariser avec la langue et la culture chinoises améliore la compétitivité de l’emploi et facilite de meilleures relations commerciales avec la Chine.
L’Ouganda, cependant, est le seul pays d’Afrique de l’Est à avoir ajouté le mandarin en tant que matière scolaire obligatoire [fr]. Au lieu de faire appel à des professeurs de chinois, le ministère de l’Éducation ougandais proposera un programme de neuf mois pour former cent enseignants du secondaire locaux à la lecture, à l’expression et à l’écriture du mandarin au Collège Luyanzi. Ceux-ci pourront ensuite enseigner cette langue dans d’autres classes du secondaire.
En 2016, Luyanzi est devenue la première école secondaire en Ouganda à enseigner le mandarin. L’Ougandais Ayub Sooma et Wang Li Hong Sooma, son épouse (chinoise) depuis vingt ans, possèdent et gèrent le Collège Luyanzi, une école privée. A. Sooma, qui a également présidé l’Association de l’amitié entre l’Ouganda et la Chine, estime qu’il est nécessaire d’apprendre le mandarin pour bénéficier des avantages qu’offre la Chine.
Cependant, les relations entre la Chine et l’Ouganda sont également tendues en raison de plaintes concernant des pratiques commerciales et de travail inéquitables.
Le président tanzanien John Magufuli a annoncé en mai 2019 que le mandarin avait été ajouté à l’examen du certificat d’enseignement secondaire (CSEE) et que les étudiants pourraient se présenter à un examen de mandarin. Tout comme en Ouganda, les enseignants locaux reçoivent une formation pour maîtriser le mandarin et l’enseigner dans les écoles secondaires.
Début juillet 2019, l’Université musulmane de Morogoro, dans l’est de la Tanzanie, a lancé un institut Confucius de langue chinoise. Lors de l’inauguration, Ave Maria Semakafu, secrétaire permanente adjointe du ministère de l’Éducation du pays, a révélé que le Marangu Teachers College de Kilimanjaro, dans le nord de la Tanzanie, pourrait également proposer un cursus spécialisé en mandarin. Des négociations en cours entre la Tanzanie et la Chine pourraient déboucher sur l’introduction d’un programme de mandarin au Marangu Teachers College qui permettra aux enseignants d’apprendre le mandarin de la même manière que les programmes d’anglais et de swahili, comme ceux proposés à l’Université de Dar es Salam et à l’Université de Dodoma, qui offrent un diplôme de mandarin.
Confucius Institute Online@chinese_cio
Learning Chinese language has become a trend in Tanzania in recent years. The picture shows a Tanzanian Chinese language teacher giving guidance to students on learning Chinese language at the Confucius Institute at the University of Dar es Salaam
Apprendre la langue chinoise est devenu une tendance en Tanzanie ces dernières années. La photo montre un professeur de chinois tanzanien qui guide les étudiants dans l’apprentissage de la langue chinoise à l’Institut Confucius de l’Université de Dar es Salaam.
Le Rwanda reconnaît également l’importance des CI et des CC dans ses relations bilatérales avec la Chine. Le mois dernier, le Rwanda a accueilli la 12ème édition de “Chinese Bridge”, un concours de maîtrise de la langue chinoise organisé pour les élèves du secondaire. Les élèves des écoles secondaires à travers le Rwanda y ont participé.
Le swahili en Chine
Les relations de la Chine avec l’Afrique de l’Est remontent à des milliers d’années et a plusieurs reprises, la Chine a également reconnu l’importance d’apprendre le swahili dans le cadre de ses relations commerciales et des affaires. En Afrique de l’Est, 144 millions de personnes parlent le swahili, une langue bantoue qui s’est répandue le long de la côte swahilie [fr] en tant que langue de commerce entre Arabes et Africains de l’est. L’Union africaine reconnaît le swahili comme l’une de ses langues officielles et il a été question de faire du swahili la lingua franca adoptée par d’autres pays africains.
Au début des années soixante, l’ Université de la communication de Chine donnait des cours de swahili comme signe de solidarité avec la vision socialiste de Julius Nyerere, premier président de la Tanzanie, mais cela a pris fin en 1966, lorsque la Chine a procédé à ses propres réformes de l’éducation pendant la Révolution culturelle. L’université d’études internationales de Shanghai (SISU), dans l’est de la Chine, a récemment lancé un programme de licence en études de la langue swahilie.
La diplomatie douce
La Chine n’est pas le seul pays à promouvoir sa langue et sa culture en Afrique de l’Est : les nations européennes agissent depuis longtemps de la même manière par le biais d’agences telles que l’Alliance française, le British Council et l’Institut Goethe.
For all of the concern about the growth of #China’s Confucius Institutes in #Africa, their presence is still relatively small compared to the French and the US who have double, almost triple the number of language/culture institutes on the continent, according to @DevReimagined.
En dépit des inquiétudes suscitées par la croissance en nombre des instituts Confucius de la Chine en Afrique, leur présence est encore relativement faible comparée à celle des Français et des États-Unis, qui comptent le double, voire le triple du nombre d’instituts linguistiques / culturels sur le continent, selon @ DevReimagined.
Mais les IC s’affilient à des écoles locales et aux établissements d’enseignement supérieur, alors que les instituts culturels des autres pays restent indépendants et séparés. Certains éducateurs et analystes critiquent [fr] les IC en tant que promoteurs de la propagande chinoise. Ils notent que le gouvernement chinois injecte plus de 9 milliards d’euros par an dans les IC pour améliorer le “pouvoir discret” de la Chine à l’étranger.
Les éducateurs tirent également la sonnette d’alarme quant à l’absence de conversations des organisations de défense des droits de l’homme, de répression des enquêtes critiques et à la promotion de la propagande politique. Certains responsables américains ont évoqué la possibilité qu’ils pourraient même menacer la sécurité nationale. Les États-Unis ont récemment adopté des réglementations imposant aux IC basés sur leur territoire de s’inscrire comme des “agents étrangers” et obligeant les universités à choisir entre un financement du Pentagone ou des IC pour leurs cours de mandarin.
Confucius Institutes… spread propaganda and sometimes manage to squelch discussion of topics embarrassing to China, such as the conquest of Tibet and the camps in Xinjiang Province,
Les Instituts Confucius… propagent la propagande et parviennent parfois à faire taire les discussions sur des sujets embarrassants pour la Chine, tels que l’occupation du Tibet et les camps de la province du Xinjiang,
En raison de ces préoccupations, certains étudiants ont été retirés des programmes des IC et CC en Australie et au Canada. La Suède et l’Allemagne ont également fermé plusieurs IC en raison de controverses récentes sur leurs intentions et leur programme.
Jusqu’à présent, cependant, les autorités est-africaines ne se sont pas inquiétées de l’influence de ces établissements ni de la manière dont le mandarin pourrait affecter le swahili ou d’autres langues autochtones.
Les internautes ont néanmoins exprimé leur inquiétude face à la nature des IC en Afrique :
This is a great piece:
Much ink has been spilled on the effects of China’s engagement with Africa on the economic front, but little has been said about its cultural diplomacy — and the Confucius Institutes that are at the forefront of this
C’est un excellent article :
Les effets de l’engagement de la Chine sur l’Afrique sur le plan économique ont fait couler beaucoup d’encre, mais peu de choses ont été dites sur sa diplomatie culturelle – et sur les instituts Confucius qui en sont au premier plan.
What constitutes Chinese imperialism? As Chinese gov’t run Confucius Institutes bring #Mandarin to #Uganda, but Uganda’s exports to China decline, who gains?
Qu’est-ce qui constitue l’impérialisme chinois? Les Instituts Confucius gérés par le gouvernement chinois apporte le mandarin en Ouganda, mais les exportations de l’Ouganda vers la Chine diminuent. Qui gagne ?
Chambi Chachage se demande si le mandarin va remplacer le swahili comme langue nationale :
@ShangweliBeria Is Chinese taking over from Kiswahili as one of the two official languages in Tanzania? #Daressalaam
Le chinois remplace-t-il le kiswahili comme l’une des deux langues officielles de la Tanzanie ?
L’auteur de ce billet que j’ai traduit du français en anglais pour le site globalvoices.org qui l’a publié le 28 juillet 2019, est Susie Berya, également connue sous le nom de Nasikiwa Susie, une poétesse, écrivaine et artiste de la création parlée tanzanienne. Elle est également une militante féministe et sociale.