Loffo Camara, militante de la première heure du PDG, tombée dans les mains sales de Sékou Touré

Victime de son innocence et de son engagement politique dès les premières heures pour l’accession de la Guinée à l’indépendance, Hadja Loffo Camara a été une femme qui s’est battue pour défendre son idéologie. Elle fut cette voix montante au sein de son propre parti dirigé par le tyran Sékou, pour défendre les principes démocratiques et la liberté collective. Hélas, son destin balança dans les mains sales de son leader.

Engagement social et militantisme politique pour la réclamation de la Guinée à sa souveraineté sont entre autres, les ambitions de madame Loffo Camara. Elle est aujourd’hui méconnue du grand public dans histoire de lutte du PDG-RDA. Pourtant, elle a toujours défendu la cause commune.

Née en 1925 à Macenta, sud-est de la Guinée, Hadja Loffo a suivi sa formation de carrière à l’école des sages-femmes de Dakar, d’où elle sort avec un certificat d’infirmière. Elle a été de l’élite des 450 femmes formées de l’institut depuis sa création en 1920. Adhérente aux idéaux du Parti démocratique de Guinée (PDG), elle est une pionnière et membre du bureau politique national.

Madame Loffo devient la première femme à siéger au sein du gouvernement de la Guinée indépendante. Elle occupe entre 1961-1968, le poste de secrétaire d’État aux affaires sociales.

Désaccord avec Sékou Touré 

En 1962, Sékou voit sa popularité en chute au sein même de son propre parti politique. D’ailleurs plus d’une fois. Le séminaire de Foulaya (Kindia), le sixième congrès du parti également en font foi.

Il affiche sa volonté de violer les principes du PDG-RDA, pour faire entrer des inconditionnels dans le bureau politique tels que fodéba Keita et Toumani Sangaré. Les anciens dignitaires comme Loffo Camara, Jean Faragué, Émile Condé s’y opposent. Constatant cette imposition anti démocratique, les camarades de luttes prennent position et proposent une séparation des pouvoirs. Désormais, ils demandent à ce que Saifoulaye Diallo soit élu Secrétaire général du PDG, émanant du rassemblement démocratique africain (RDA), avec des valeurs. Ainsi, Sékou Touré continue quant à lui, d’exercer la fonction de président de la République.

Une proposition qui a mal passé au yeux de l’homme au multiples jeux, en l’occurrence Sékou Touré, qui renonce finalement au projet de candidature libre pour imposer ses fidèles dans le bureau politique du parti. Ses anciens collaborateurs abandonnent finalement l’idée de séparation des pouvoirs politiques et étatiques.

Le congrès vote pour confier à Saifoulaye le Secrétariat général du parti. Mis en minorité une fois encore, Sékou panique et quitte le congrès.

N’étant toujours pas satisfait, le directeur réussit à convaincre Saifoulaye de le soutenir en renonçant au poste de Secrétaire général du parti. Celui-ci accepte sans tirailler.

Sékou cumule désormais des fonctions. En 1963, le dictateur bouleverse les structures du PDG. En août de la même année, la conférence nationale prévue statutairement pendant la période postérieure pour préparer le suivant se tient à Kankan.

Elle se trouve d’office transformée par la volonté avide du dictateur de devenir maître absolu d’un parti où il n’est plus question de le contester.

En septième congrès extraordinaire, Bangaly Camara, Jean Faragué, anciens animateurs de la contestation de Foulaya sont éliminés du bureau politique. Sékou Touré impose des éléments inféodés par la voie de cooptation pour participer au bureau politique.

Fodéba Keita et Toumani Sangaré entrent donc dans les rangs du bureau politique. Les anciens camarades de lutte prennent ainsi une distance. Car le PDG n’est plus dans la vision du RDA, dont il est l’émanation.

Une nouvelle appellation est attribuée au cycle qui devient révolution démocratique africaine et non plus Rassemblement démocratique africain. En 1967, au huitième congrès du parti, le gouvernement est exclu. Sékou parvient à consolider son emprise sur le pouvoir et réduit le nombre des membres du gouvernement de 15 à 7. Madame Loffo Camara est alors une des huit autres à être évincée.

Arrestations, tortures, humiliations…

Quelques jours après le complot dit de cinquième colon, madame Camara est arrêtée et accusée de complicité avec les assaillants. Elle tombe dans les mains de son bourreau qui guettait la moindre occasion. Elle est torturée et humiliée avec des aveux et la photo à l’ardoise. Elle est transférée de Kindia à Conakry le 24 Janvier 1971, puis fusillée publiquement le lendemain à Matoto par des assassins dirigé par Mamadi Keita, membre du gouvernement et beau frère du tyran Sékou Touré.

Loffo Camara est considérée comme un symbole des années sombres du régime sanguinaire. Amadou Diallo, prisonnier survivant du camp et auteur du livre « La mort de Telli Diallo », paru aux éditions Karthala raconte :

« On les avait rasées, sans doute pour les humilier, puis comme aux hommes, on leur avait appliqué l’électricité. Allongées sur une natte, jambes écartées, des électrodes avaient pincé leurs oreilles, leur nez, leur bouche, leurs doigts, avaient été introduits dans leur vagin et le courant les avait traversées. De ces séances, elles étaient sorties en sang. »

Dans le groupe des victimes de cette fusillade journalière, Loffo Camara est la seule femme et dont la dépouille est enterrée dans une fausse commune. Son frère Mamadi Camara qui était ambassadeur à Pékin est aussi arrêté et détenu pendant plus de huit ans.

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