Mon ami malgache Rakotomalala s’est penché sur le sort que subissent les migrants sub-sahariens qui essaient de regagner l’Europe, par l’enclave espagnole Melilla. Son billet dont le titre original est Violences contre les migrants au Maroc a été publié sur le réseau globalvoicesonline.org, dont il est le responsable pour les contenus francophones. J’en ai assuré la traduction en français et Claire Ulrich la révision, avant publication.
Les autorités marocaines pensaient avoir enfin mis en oeuvre avec succès une nouvelle politique d’immigration enviable. Puis tout s’est effondré.
Ce mois-ci le Maroc a annoncé [fr] avoir mis en place avec succès un programme spécial pour régulariser les migrants. Les autorités ont révélé [fr] que 27 000 demandes de régularisation avaient été traitées et que 60 pour cent des cas avaient été approuvés.
Chaque année, des centaines d’immigrants africains se fraient le chemin jusque dans des zones proches de Melilla [fr], une des deux enclaves espagnoles au nord du Maroc, dans l’espoir de sauter la clôture faisant fonction de frontière [fr] pour entrer en Europe.
Le 10 février, le Maroc a commencé à démanteler [fr] les camps de migrants près de Melilla à la frontière espagnole afin d’expulser les occupants hors du pays. Dans l’opération, les associations de défense des droits humains signalent que les forces locales utilisaient la violence contre les migrants qui tentaient d’émigrer.
Pour les militants pour les droits des migrants au Maroc, l’histoire est familière. Dans un rapport de l’an dernier l’organisation Human Rights Watch avait relevé que [fr]:
La pratique d’expulser sommairement des migrants à la frontière avec l’Algérie semble avoir cessé. Cependant, une enquête conduite à la fin de janvier et début février 2014 à Oujda, Nador et Rabat indique que les forces de sécurité marocaines utilisaient encore la violence contre les migrants expulsés de Melilla.
La vidéo suivante téléchargée sur Vimeo il y a un mois par Pro.De.In. Melilla montre les restes des camps après leur démantèlement:
L’association signale également que des centaines de migrants ont été transportés par autobus vers une destination inconnue. Hicham Rachidi [fr], secrétaire général du groupe antiraciste de défense et d’accompagnement des étrangers et migrants (GADEM) a écrit dans un billet de blog qu’il ne comprend pas pourquoi cette hâte soudaine de démanteler des camps [fr] où des progrès ont été réalisés:
Au moment même où l’on présentait à la presse nationale et internationale les images du “traitement humains et compatissant” que réservaient les forces de l’ordre aux migrants sauvés de la noyade et reconduits au chaud par l’Espagne, au moment même où l’on annonçait les chiffres “glorieux” de la régularisation exceptionnelle, des opérations de ratissage ont été déclenchées contre les tranquillos qui abritaient du froid les centaines de migrants de Gourougou. Les procédures bâclées, la justice dénigrée, la loi et la dignité d’enfants, femmes et hommes, est bafouée.
L’association Terre d’Asile a recueilli quelques témoignages de migrants. Sylvain, un migrant de la Côte d’Ivoire rappelle ce qui s’est passé [fr] à Melilla ce jour-là:
Dès notre arrestation, nous avons été encerclés par des militaires. Il y avait six bus qui nous attendaient, on nous a ordonné d’y monter. Puis nous avons roulé pendant plusieurs heures jusque dans le désert. On n’avait aucune indication d’où on allait. On nous a conduits dans une sorte de maison avec sept pièces. Ça ne ressemble pas à une prison, plus à un camp de détention improvisé. Puis, on nous a séparés. Dans ma cellule, nous sommes douze Ivoiriens, dans une pièce d’environ 15 mètres carrés.
L’association No Borders Maroc ajoute plus de détails sur le sort des migrants après le démantèlement des camps:
Au cours de la journée entre 20 et 30 bus sont partis pour le sud du Maroc et on a distribué les détenus de Gurugu dans une douzaine de villes différentes: Errachidia, Goulmina, El Jadida, Safi, Kelaat, Sraghna, Chichaoua, Tiznit, Essaouira, Youssoufia, Agadir. Jusqu’à maintenant, la plupart des gens sont toujours incarcérés dans des maisons différentes, ils reçoivent de la nourriture et des vêtements. Bien qu’on leur dise qu’ils seront libérés bientôt et que l’état marocain ne fait que prendre leur carte d’identité afin de les régulariser, il semble plutôt que les habitants de Gurugu seront expulsés [..] Dans cette opération, le Maroc a enfreint plusieurs de ses propres lois, y compris l’arrestation de mineurs, l’absence d’évaluation individuelle au cas par cas ou la détention de personnes plus de 24 heures sans donner de raison.
La Commission européenne a exprimé ses préoccupations [fr] au sujet de la manière du Maroc de s’occuper de la santé et du bien-être des migrants.
La crise de l’immigration est malheureusement une vieille histoire aux frontières du Maroc et de l’Espagne. En octobre 2014, une photo de migrants essayant d’escalader une clôture tandis que des golfeurs jouaient à quelques mètres immortalisait l’écart l’inégalité qui alimentait la crise. Une vidéo plus tard a montré un migrant camerounais entrain d’être battu jusqu’à perdre conscience par la police espagnole.