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Réflexions sur le 28 septembre, recueillies sur Facebook

Ce 28 septembre, je ne me suis pas encore remis de la perte de mon ami Tierno Siradio Bah, fondateur entre autre du site du Mémorial campboiro.org. J’ai décidé donc de donner la parole à trois personnes qui se sont exprimées sur leurs pages Facebook respectives.
La première réflexion fait partie des nombreuses publications que Mme Fatou Baldé Yansané a partagées sur sa page Facebook:
En Guinée on s’est résolu à nous créer un slogan vide de sens « PLUS JAMAIS ÇA » mais plus jamais ça et ça continue quand même en toute impunité.

Les morts dans les geôles du camp Boiro
Les morts de Kindia
25 janvier 1971
18 octobre 1971
4 et 5 juillet 1985
Les mutineries de 1996
La rébellion de 2000
Les tueries de 2006/2007
Les massacres et viols du 28 septembre 2009
Les morts de 2010 à 2018
Les massacres de Zohota et Saoro
Les morts de Mandiana la semaine dernière

Avec tout ça on n’ouvre pas les yeux pour faire le procès de l’Etat Guinéen et sa violence excessive envers nous.

Cet État que nous vénérons nous a englouti dans la misère et l’ignorance de nos droits pour nous asservir.

Les dirigeants guinéens ont été des substituts des colons. Ils ont tout simplement pris leur place pour continuer à nous massacrer

Pour des raisons subjectives chacun justifie les morts d’un camp ou de l’autre. L’émotion liée à la mort d’un guinéen est devenue sélective selon que l’auteur est avec vous ou pas.

Si nous ne nous insurgeons contre les tueries injustifiées, si nous banalisons la vie humaine pourtant sacrée et consacrée par Dieu nous ferrons un jour parti ces victimes.

Par ce qu’on a trop tué dans ce pays et sans justice le pays croupi dans la misère par ce que Dieu est fâché avec nous.

Les morts qui sont dans des fosses communes à travers la Guinée veulent une sépulture leurs familles aspirent à cela. Œuvrons ensemble à éradiquer la violence d’Etat.

Bonne célébration de l’indépendance à tous.

Aucun texte alternatif disponible.
Ensuite, il y a une publication partagée par M. Sidikiba Keita, fils de feu Fodéba Keita, martyr de la violence de Sékou Touré:
Chers compatriotes

Aujourd’hui et en mémoire du 28 Septembre 1958, nous commémorons le 60éme anniversaire de l’événement historique qui a ouvert la voie de l’indépendance à l’Afrique subsaharienne.

Seule l’Unité et la Concorde auront permis aux colonisés que nous étions de relever, face à la puissance coloniale, le défi de l’indépendance.

Nous sortions de 60 années de domination coloniale sur un territoire aux frontières arbitraires qui avait fini par devenir le creuset d’une République constituée de communautés qui avaient désormais en partage la volonté de bâtir une nation et un destin.

En 2018, force est de constater que nous sommes un pays fracturé par notre Histoire contemporaine dont nos écarts de lecture sont tels que le passé est devenu un boulet que nous trainons face aux défis d’aujourd’hui et aux enjeux du futur.

Ces divisions et la mésentente qu’elles engendrent sont le lit de la dictature qu’ est entrain de construitre Alpha CONDÉ dans une Guinée qu’il est entrain d’enfoncer chaque jour un peu plus dans la misère et la désolation.

Nous n’avons eu de cesse d’alerter nos compatriotes sur les velléités de putsch civil.
Au vu des mobilisations actuelles sur le terrain et des actes posés contre l’ordre constitutionnel la preuve est faite que ces appels ont été entendus, et qu’ils étaient justifiés.
Je me tourne aujourd’hui vers l’armée et l’ensemble des forces de l’ordre pour leur demander de rester constamment et résolument du côté du Peuple.

D’éviter à tout prix de devenir les instruments de l’oppression de leurs compatriotes si tant est qu’ils se sente et se disent guinéens.

Ni notre Armée, ni nos forces de l’ordre ne doivent se comporter comme des étrangers en pays conquis. Et à y regarder de près, c’est ce qui est entrain d’advenir.
Les brimades et les bastonnades de manifestants pacifiques ouvrent désormais nos droits à la résistance légitime et posent à nos forces militaires et para militaires la question de la baïonnette intelligente.

Il est entrain de se dessiner deux camps entre les hors-la-loi disposant et abusant des pouvoirs régaliens face aux légitimistes aux mains nues qui défendent la République actuelle.

La mobilisation populaire à permis de dessiner cette ligne en contraignant le régime actuel à tomber le masque en affichant le visage hideux de la dictature.

Que Dieu Sauve la Guinée.

Enfin, le dernier témoignage est de Abdoul Salamy Sylla un compatriote qui vit à Lyon, France. Son témoignage porte sur le livre memoire-collective-guinee.org écrit par la Fédération internationale des droits humains et Radio France internationale, qui retrace la douloureuse histoire de la Guinée faite de violences, de repli identitaire et de déni de justice pour les victimes.

CE QUE JE PENSE… DU LIVRE « MÉMOIRE COLLECTIVE »:

Le livre « Mémoire collective, une histoire plurielle », présenté par RFI (radio France internationale) et la FIDH (fédération internationale des droits de l’Homme) ce mardi 25 septembre 2018 à Conakry, a été diversement accueilli par les guinéens selon leurs bords politiques et ce sur fond de rivalités interethniques.

Il est indéniable que la question mémorielle constitue un des points de frictions en Guinée. L’ objectivité est rarement de mise, le manichéisme a toujours été la doxa en la matière. Et pourtant, ce livre donne la parole aux bourreaux et aux victimes, ceux qui étaient dans le système et ceux qui étaient opposés. Pour répondre aux exigences d’équilibre, les auteurs ont associé à la rédaction, des guinéens et non-guinéens. Comme ils le disent eux-mêmes: ils ne cherchent ni à juger ni à encenser, mais simplement à comprendre ce qui s’est passé.

En Guinée, la question mémorielle est telle une plaie non encore cicatrisée. En dépit du fait que le livre « Mémoire collective » retrace les violences politiques en Guinée depuis 1954: c’est à dire, avant même l’indépendance de notre pays, la paranoïa convulsive a fini par s’emparer des inconditionnels de Ahmed Sékou Touré et du PDG-RDA. Un ensemble composite regroupant d’anciens dignitaires de la 1ère république encore en vie, des nostalgiques du PDG-RDA, des enfants et/ou petits enfants d’anciens dignitaires de ce régime, des jeunes prétendument révolutionnaires et aussi paradoxal que cela puisse paraitre: des personnes qui, pour des raisons d’appartenance ethnique, se sentent obliger de soutenir AST au nom de la solidarité communautaire.

Sans même le lire, ce livre a provoqué des réactions épidermiques chez de nombreux ouailles du premier président guinéen. Pour eux, il s’agit d’un énième complot ourdi par des impérialistes français dans le but de salir la mémoire d’AST. Cette vision parcellaire, n’est pas de nature à favoriser la réconciliation nationale. Dans la mesure où, les familles des victimes et les victimes encore en vie, souffrent encore dans leurs chairs des supplices subis directement ou indirectement durant cette période. Ce livre ne se focalise pas que sur la présidence de AST, la période coloniale n’est pas épargnée, les violences politiques des régimes de Lansana Conté et celles de la transition militaire de 2008 y sont également traitées.

Il est à noter que dans cette compétition mémorielle, les gens du RPG (parti au pouvoir) sont aussi en grande majorité pro-AST. Les anti-AST sont en grande majorité partisans de l’UFDG (opposition). En réalité, il s’agit de contractions sur fond de rivalité politico-ethnique: entre Malinkés et Peulhs. Aucun des deux groupes ne veut perdre la face.

Chacun y va de sa version: pour les pro-AST, essentiellement Malinkés, il n’y avait aucune victime politique sous ce régime, tous ceux qui furent executés ainsi que ceux qui furent incarcérés et torturés n’étaient que des comploteurs, des traîtres et des renégats. Pour les antis AST, souvent peulhs : il s’agit d’un régime criminel qui, sous prétexte de complots: éliminait systématiquement des membres de l’intelligentsia ainsi que des opposants politiques. Ils se focalisent généralement sur les 50 milles victimes du régime. Pour eux, les violations graves et répétées des droits de l’Homme, ont fini par conduire des centaines de milliers de guinéens en exil principalement dans les pays voisins notamment: la Côte-d’Ivoire et le Sénégal.

Dans ce capharnaüm politique teinté de querelle historique, il est aussi à souligner que l’actuel président de la république: Alpha Condé, qui est pourtant d’ethnie Malinké, faisait partie des farouches opposants à Ahmed Sékou Touré. Exilé, il fut même condamné à mort par contumance par le régime d’AST. Paradoxalement, les pros AST l’ont absous: son nom ne figure plus dans la liste des traîtres et autres suppots de l’impérialisme. En face, dans la sphère PDG-RDA, le bras droit de AST avait pour nom: Saïfoulaye Diallo, un peulh originaire du Fouta. Pourtant AST était considéré comme anti-peulh. Pire encore, les détracteurs de ce régime essentiellement peulhs, ne citent jamais Saïfoulaye Diallo dans la liste des bourreaux.

À force de me creuser la tête, je découvre chaque jour que la Guinée est un pays empli de paradoxe.

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konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

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