Ce 7 avril marque le 20ème anniversaire du génocide qui a eu lieu au Rwanda en 1994. Je suis arrivé à Kigali, le 9 aout 1994, soit quelques 3 semaines après le génocide. A l’aéroport, il n’y avait que notre avion, avec les lettres UN imprimées en noir comme le deuil que des survivants. Les fonctionnaires qui assuraient les formalités à l’arrivée étaient des Marines de l’armée américaine. Les bâtiments étaient couverts de traces de balles.
La ville était comme habitée par des fantômes. A part des chiens errants bien nourris, dans les rues, on ne voyait que les véhicules des ONG et de la MINUAR2, dont je faisais partie. Une odeur indescriptible des corps en putréfaction planait sur la ville. Tout était fermé ou en ruines: banques, postes, hôtels, restaurants, etc.Nous mangions les rations militaires. Les plus appréciées étaient celles du contingent français. Même avec de l’argent, il était impossible de trouver un restaurant ouvert.
Dès que l’administration a commencé à fonctionner, on a vu les conditions de vie s’améliorer rapidement. Seulement, ma première facture d’électricité était tellement élevée que lorsque je suis allé au service compétent, les employés m’ont dit que même l’Hôtel des Mille collines ne consommait pas autant. Sans aucune difficulté, ils me l’ont annulé sans demandé de pourboire, comme ça aurait été le cas dans plusieurs autres pays africains.
J’y suis retourné, il y a 2 ans bientôt. J’ai été surpris par la reprise qu’il y avait eu. La ville était un vrai chantier, des lumières, des hôtels de haut standing, avec accès à Internet, des routes propres avec des feux de circulation qui fonctionnaient, à certains endroits avec le chronomètre décroissant visible.
Ensuite, la sécurité! Après un dîner chez des amis, ils m’ont appelé un taxi. Lorsque j’y suis monté quelle ne fut ma surprise de constater que c’était une belle femme qui le conduisait. Je lui ai demandé si elle n’avait pas peur. Elle a ri en me disant qu’à Kigali il y avait la sécurité. Un autre trait de caractère rwandais qui pourrait étonner quelqu’un qui provient de l’Afrique de l’ouest, c’est leur amour pour les fleurs et la manutention des jardins et îlots de fleurs le long des routes.
Je reconnais que des violations des droits humains sont signalées par les ONG, mais au moins contrairement à d’autres dirigeants africains peu soucieux du respect des droits humains, le Président Kagamé est entrain de sortir son pays de la pauvreté ! Le Rwanda est un des rares pays africains non exportateurs de pétrole qui pourraient atteindre plusieurs objectifs du millénaire du développement.
A mon retour en Europe, j’avais écrit ce billet pour mon réseau de bloggers Global Voices online qui avait été traduit en 8 langues. Je vous le propose:
Rwanda : après le colonialisme et le génocide, la reconstruction
Le 1er juillet était un jour très particulier au Rwanda qui a fêté le cinquantenaire de son indépendance et le 18ème anniversaire de la fin du génocide rwandais. Le Rwanda a acquis son indépendance de la Belgique le 1er juillet 1962 et la fin officielle du génocide a été prononcée le 4 juillet 1994.
Le site www.interpeace.org a écrit :
C’est une semaine importante pour le Rwanda. Il y a 50 ans, le 1er juillet, le Rwanda a acquis son indépendance. Mais ce n’est pas tout. Le 4 juillet 1994, les rwandais ont été libérés d’un régime génocidaire. Ce n’est que le mois dernier que les “gacaca” (tribunaux communautaires villageois) ont officiellement fermé et marqué la fin d’une période de justice transitoire.
Cependant, comme le fait remarquer à juste titre le Président Paul Kagamé dans son discours à la nation du 1er juillet, ce n’est qu’au cours de ces 18 dernières années que le peuple rwandais :
a retrouvé la dignité et l’identité qu’il avait perdues – d’abord sous la colonisation puis, paradoxalement, à l’époque de l’indépendance.
Le site www.newsofrwanda.com donne des explications qui permettent de comprendre les liens qui existent entre ces deux périodes :
Le 24 mars 1957, Grégoire Kayibanda, avec l’aide de l’Évêque Catholique Perrudin, a rédigé le célèbre manifeste Bahutu, dans lequel, pour la première fois, un problème politique trouvait des explications raciales, et qui demandait l’émancipation des Bahutu et l’instauration de quotas raciaux dans l’éducation et l’emploi.
Margee Ensign, actuellement Présidente de l’Université Américaine du Nigeria, traite de la genèse du génocide rwandais :
Les structures coloniales et religieuses et les politiques ont posé les fondations du génocide de 1994, qui a fait près d’un million de morts. En 1994, ignoré par la communauté internationale, le Front Patriotique Rwandais a mis fin au génocide.
Dans son billet, Margee Ensign ajoute :
Voici à quoi ressemblait le pays en 1994 :
- plus d’un million de personnes – majoritairement des Tutsi – avaient été massacrées
- il n’y avait plus d’infrastructures
- la cohésion sociale était détruite
- tous les secteurs clés du pays – éducation, agriculture, santé, justice et économie – étaient inexistants.
Au cours des 18 dernières années, beaucoup a été fait tant en termes de réconciliation qu’en termes de développement socio-économique.
Conscient de l’importance de la réconciliation nationale, il était urgent pour le nouveau gouvernement de montrer aux survivants comme à la communauté internationale que justice était faite. Il aurait fallu de nombreuses années avec le système judiciaire moderne pour poursuivre en justice toutes les personnes impliquées dans le génocide (environ 2 millions de personnes). En 2001, le gouvernement a mis en place des tribunaux traditionnels appelés Gacaca.
Jean Kayigamba explique ce que sont les Gacaca sur le site www.newint.org :
Durant ces procès, les accusés ont la possibilité d’être condamnés à de plus courtes peines s’ils reconnaissent leurs fautes et ils sont incités à demander le pardon des familles des victimes. Les survivants peuvent aussi savoir comment ont été tués ceux qu’ils aimaient et où ils ont été enterrés.
Will Jones donne ses conclusions sur le travail et les réalisations des Gacaca :
Cette année au mois de juin, le Rwanda a terminé une expérience de justice post conflit sans équivalent dans le monde. Depuis 2001, environ 11 000 cours de justice se sont réunies dans tous les coins du Rwanda pour examiner les dossiers des crimes résultant du génocide rwandais, qui a vu l’assassinat systématique de quelques 800 000 Tutsis et de leur alliés Hutu et Twa. Ces tribunaux se sont réunis toutes les semaines. Ils ont traité environ 1,9 million de dossiers – soit 400 000 auteurs présumés de génocide. L’opération a coûté environ 40 millions de dollars.
Depuis la fin du génocide rwandais, le pays a connu un développement socio-économique notable. Au plan politique, le Rwanda est remarqé pour être le seul pays au monde à compter plus de femmes que d’hommes au parlement.
Malgré tout, la situation des droits humains au Rwanda n’est pas brillante. Le rapport annuel d’Amnesty International, qui dénonce l’usage de la torture et de mauvais traitements dans le monde et qui a été soumis au Comité des Nations unies contre la torture en mai 2012, montre du doigt le régime du Président Paul Kagamé. www.jambonews.net commente ce rapport :
L’organisation rapporte 18 allégations de torture et autres mauvais traitements. Elle souligne par ailleurs des cas de disparitions forcées, de détention illégale, de refus d’accès à un avocat, à l’assistance de la famille ou d’un médecin, en contradiction avec la Convention contre la Torture et Autres Peines ou Traitements Cruels, Inhumains et Dégradants (CAT).
Les divisions et tensions ethniques qui ont suivi l’indépendance ont conduit au génocide de 1994 contre les Tutsi. On estime que plus d’un million de personnes sont mortes sur une période de 100 jours.