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Le référendum du 28 septembre 1958 fut le premier et le dernier acte légal dans la Guinée indépendante

Un autre 28 septembre, le jour où les Guinéens répondant à l'appel de tous leurs dirigeants politiques à voter NON au référendum avaient massivement choisi l’indépendance. Malheureusement, Sékou Touré avait trahi tous leurs espoirs d'une vie meilleure en transformant le pays en un immense camp de concentration. Il n’empêche que le référendum d'il y a 64 ans fut le premier et le dernier acte légal en matière électorale que nos peuples ont connu.     

On n’exagère rien en disant que le référendum du 28 septembre 1958 fut le premier et le dernier acte légal dans la Guinée indépendante. Le régime colonial n’a jamais brillé par le respect de ses propres lois et des droits des colonies. Mais force est de dire qu’en Guinée, l’indépendance est devenue vite synonyme de destruction, de négation des quelques droits élémentaires que reconnaissait le colonisateur. Et après ? Après ce fut l’arbitraire pur et simple porté à un degré, il faut bien le dire, encore plus révoltant qu’avant, puisque les nouveaux gouvernants sont des gens qui ont tout oublié de l’univers africain, mais rien des méthodes des maîtres d’hier.

On imagine aisément ce que peuvent produire de monstruosité sociale, des individus sans amarres culturelles.

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On sait depuis longtemps que dans la Guinée P.D.G., le « complot » n’est autre chose qu’un moyen de gouvernement, qu’une arme politique utilisée par le despote quand il comprit que s’usait cette autre arme : la démagogie primaire et grasse. Il n’est que de remonter la longue chaîne des « complots » pour se convaincre que le « procès » de janvier, malgré son exceptionnelle ampleur, ne tranche nullement sur les précédentes turpitudes baptisées telles. On retrouve les mêmes constantes, le même scénario, désormais inséparables des méthodes du despote et ses complices : intoxication, arrestations plus ou moins massives, annonce du « complot » plus souvent imaginaire que réel, érection d’un « tribunal révolutionnaire », « jugement », rebondissement et, de nouveau, arrestations arbitraires…

Le processus haineux se poursuit jusqu’à ce que le tyran ait liquidé tous ceux qu’il visait, et assouvi sa soif de sang. Pendant qu’il tonitrue à la radio et qu’il terrorise la population, on continue de torturer et d’assassiner, sans autre forme de procès, dans ses camps de dantesque réputation. Notamment au Camp Alpha Yaya, de Camayenne et de Kindia.

Dans ces sinistres lieux, la vie et la mort n’ont plus aucune signification. C’est pourquoi, les anciens prisonniers politiques sont plutôt rares. On sait aujourd’hui que les pensionnaires des camps du P.D.G. vivent dans des conditions infrahumaines. Nous ne les ferons pas parler ici, puisqu’on pourrait les soupçonner d’exagération, de passion partisane. Nous préférons plutôt rappeler le témoignage d’un non-Guinéen 3. Si l’on garde à l’esprit qu’il s’agit d’un cas remontant au premier « complot » de mars-avril 1960, et concernant un prisonnier non guinéen, c’est-à-dire un privilégié relatif, alors on se fera une idée plus précise de la conception que le despote se fait des droits et de la vie de l’homme.

«La prison de Kindia, écrit l’auteur, est emplie d’une étrange clientèle : des anciens combattants soupçonnés de « complot », des métis, suspects en raison de leur ascendance française ; des enfants : les habitants d’un village entier ayant été arrêtés, des bébés sont nés en prison. »

Puis, après avoir dit qu’au début, on laissa le détenu (M. Rossignol, un Français) dans sa cellule (2,20 m sur 1,50 m) pendant vingt jours sans nourriture, l’auteur ajoute :

« La prison de Kindia ne désemplit pas. Au bout d’un certain temps, Rossignol est parvenu à une macabre constatation : les détenus africains meurent généralement le samedi. Explication : l’infirmier du camp passe la visite le vendredi ; soit inexpérience, soit ordres reçus, il fait à certains détenus des piqûres mortelles dont ils succombent le lendemain… Presque tous des morts sans jugement, des cadavres non enregistrés dans la macabre comptabilité du régime.

Voilà comment se conçoit, s’exerce et s’applique la « justice » sous le règne de Sékou Touré. Le mot : arbitraire est faible. Ces quelques lignes lèvent suffisamment le voile sur ses traits monstrueux, sur ces autres constantes de sa façon de régner : procès expéditifs, racisme, génocide.

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C’est volontairement que nous avons choisi cet exemple remontant à une date où le régime avait à peine plus d’un an et demi. Déjà ses méthodes fascistes étaient évidentes. Le silence qui les avait entourées ne change pas grand-chose à leur nature intrinsèque.
Mais allons plus loin. Demandons-nous si de telles conceptions et méthodes ne sont pas, en quelque sorte, congénitales au « Parti Démocratique de Guinée ». Il suffit de remonter aux deux ou trois ans qui ont précédé l’indépendance. C’est-à-dire à une époque où ce parti était devenu majoritaire, et qui coïncide en gros avec le temps d’application de la Loi-cadre de 1956 accordant l’autonomie interne aux territoires français d’outre-mer. Le parti n’avait donc pas les mains tout à fait libres. Mais que pouvait-on voir déjà? Un R.D.A.-P.D.G. de plus en plus sûr de lui, intolérant et démontrant à sa manière sa force : incendies de maisons, et assassinats des militants non R.D.A. qualifiés par lui de « saboteurs »…

Les « saboteurs » d’hier, dans la terminologie P.D.G , sont devenus les « comploteurs », « traîtres », « valets de l’impérialisme », « agents de la 5è colonne » aujourd’hui. Les provocations et démonstrations de force d’alors annonçaient les « complots » et « procès » de l’ère d’indépendance. Bref, les méthodes employées naguère par le P.D.G. étaient en soi tellement révélatrices qu’on se demande aujourd’hui quel aveuglement a bien pu empêcher les Guinéens d’en tirer les enseignements qui s’imposaient avec tant d’évidence. Engagés alors dans la lutte anti-coloniale, ils n’avaient pu y prêter l’attention voulue, ni penser qu’elles pouvaient être utilisées contre eux, contre leur dignité d’homme, leur liberté et tout ce pour quoi ils se battaient.

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Il n’y a donc pas eu, en janvier 1971, mutation profonde dans la nature du pouvoir P.D.G., ni « tournant ». Tout juste, a-t-on assisté à une accélération de la machine de mort du despote, accélération qui lui a imprimé, pour ainsi dire, le régime de croisière qu’on lui connaît depuis.

C’est cette vérité élémentaire pourtant qu’on a ignorée même dans certains milieux de l’émigration guinéenne au lendemain du « procès ». Là, on s’est efforcé, mais en vain, de dresser un bilan en énumérant d’une façon incomplète d’ailleurs des personnalités et anciens camarades d’université victimes de la démesure du tyran. Mais où sont donc tous ces Guinéens disparus avant, pendant et après le « procès », sans jugement même arbitraire ? Que sont devenus ces centaines et centaines de Guinéens de toutes conditions sur qui se sont refermées les portes des sinistres camps de Sékou Touré ? Nous renonçons d’avance, pour notre part, à faire cet impossible martyrologe. Disons simplement que le gâchis humain est effroyable.

En un mot, disons une fois de plus que les chiffres officiels ne rendent compte que d’une façon très imparfaite de l’ampleur des forfaits perpétrés par un tyran aujourd’hui ivre de sang. Tout au plus, le « carnaval » du mois de janvier 1971 a-t-il aidé à une certaine prise de conscience chez nombre de Guinéens de la diaspora 4.

Reste la seconde série de raisons : la démentielle publicité orchestrée par le régime autour de ce « procès ». Pourquoi le tyran de Conakry, ce récidiviste de l’assassinat collectif perpétré à l’insu de l’opinion internationale et même guinéenne, pourquoi donc est-il sorti cette fois des ténèbres ?

Pourquoi a-t-il étalé à la face de l’Afrique et du monde ses hideux forfaits ?

Les raisons en sont bien simples. La première réside dans l’affaiblissement du sens moral du despote. Absolument corrompu par l’exercice illimité et sans contrôle du pouvoir, il ne se soucie plus du tout des échos de ses tueries dans l’opinion internationale. On se souvient avec quelle arrogance il accueillit le mouvement d’indignation provoqué par son « carnaval ». On se rappelle aussi la désinvolture dont il fit preuve dans sa réponse au Saint-Père intervenu en faveur de Mgr Tchidimbo, archevêque de Conakry, arrêté en fin 1970 et soumis à un traitement d’une sauvagerie insoutenable. Manifestement, il jubilait, il se glorifiait d’être au centre de cette étrange publicité. On s’en rend compte encore aujourd’hui : il ne se passe pas de mois sans qu’il fasse parler de lui, accuse tel ou tel pays de « complot », profère quelque grossière injure contre le responsable de tel ou tel Etat voisin…

Il faut rappeler ici les allusions fréquentes et concordantes faites sur l’état de santé mentale du tyran guinéen. Le président Senghor, chef d’Etat connu pour sa modération et sa patience face aux vociférations incendiaires du despote, a pu dire de lui, pendant les événements de 1970-1971, qu’il était en état de « déséquilibre mental » 5.

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konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

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