La question à laquelle Almamy Fodé Sylla nous invite à répondre est celle de savoir si Sékou Touré était un homme. Au vu de ses métamorphosas, ses sacrifices humains et sa traitrise envers le peuple de Guinée, ses plus proches collaborateurs et son machiavélisme, il est vraiment difficile de répondre à cette question. Dans ce billet tiré de son livre Itinéraire sanglant, l’auteur essaie de répondre à cette question. |
Chaque lectrice, chaque lecteur doit répondre à cette question. Mais pour aider à cela, nous rappelons quelques faits.
Adopté par M. Félix Houphouët-Boigny qui l’introduisit auprès du Gouverneur de la Guinée, ardemment soutenu par toutes les personnes que son apparence a lourdement trompées, Sékou reçoit de son père adoptif Houphouët 13 000 000 de francs C.F.A. et 15 000 000 C.F.A. du Grand Conseil de l’A.O.F. C’est ce même Houphouët qu’il insultera tous les jours pendant sept ans d’affilée 5.
Il insiste auprès de maints hauts cadres « solidement installés » à l’extérieur à se rendre en Guinée indépendante pour le travail de reconstruction nationale. Oh ! quel stratège ! C’était tout juste entraîner dans son sillage tous les cadres capables de le remplacer un jour, les exploiter en vue de profiter de leurs connaissances, culture et expérience, les éliminer dès que possible après les avoir accusés de complots. Les exemples sont si nombreux qu’il importe de ne signaler que quelques cas :
- M. Diop Alhassane un sénégalais, ingénieur des sons, spécialiste de radiodiffusion, habile artisan, très bon cœur, doux et serviable, d’une fidélité rigoureuse à l’amitié, d’un parler franc et sincère et d’une foi religieuse inébranlable. Il le gardera 9 ans au camp Boiro avant de le renvoyer à Dakar dépossédé de tous ses biens.
- M. Fodéba Keita : intellectuel patriote, grand artiste, fondateur des Ballets africains, a mis tous ses fonds à la disposition de Sékou Touré et de son Parti, qui le tuera par jalousie en 1969.
M. Balla Camara : administrateur de la France d’Outre-mer, éminent technocrate, spécialiste des questions financières et de gestion, grand patriote africain qui avait, comme docteur Mamouna Touré, son mot à dire, son avis à donner sur toute question où il est consulté. - Dr. Diallo Taran
- Dr. Najib Roger Accar
- Dr. Barry Abdoul Wahab
- Dr. Barry Alpha Oumar
- Dr. Diallo Abdoulaye
- Dr. Conte Saidou
- Dr. Diané Charles
- Ba Mamadou, de la Banque mondiale
- M’Baye Cheick Oumar
- Naby Youla
- Fofana Karim
- Diallo Abdoulaye dit Portos
- Dr. Diallo Saliou, médecine générale Donka
- Dr. Curtis Georges
- Abdoulaye Ghana Diallo. ancien ministre au Mali
- Sékou Sadibou Touré
- Baydi Guèye
- Petit Touré
ces trois derniers étaient de grands bailleurs de fonds - et tant d’autres cadres de tous bords qui se comptent par centaines ont, pour la plupart été tués dans les camps de concentration, ou gardés pendant de longues années en prison, ou encore mis en liberté provisoire, strictement surveillés par des mouchards du Parti qui se recrutent dans tous les milieux.
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Sékou Touré n’avait aucune considération pour l’avenir. Son action pratique en parfaite contradiction avec sa théorie était forcément réactionnaire par rapport à son propre « moi ». Sa vie durant, Sékou a farouchement lutté contre luimême, contre ses propres idées pourtant émises avec éclat. Toutes ses théories, relatives à toutes les situations, sont souvent très « bonnes », très progressistes. Mais étant donné que tout ce qu’il fait doit contredire toutes ces idées « lumineuses », Sékou n’a jamais eu la paix intérieure. La lutte entre ce qu’il est réellement et ce qu’il prétend être, a sous-tendu sa malheureuse vie faite de guerre froide et d’insécurité morale.
Atteint de folie des grandeurs, résultat de son complexe d’infériorité, Sékou n’a jamais accepté ni la dualité ni la contradiction. Toute bonne idée qui vient d’autrui doit être acceptée comme étant le fruit de son contact ou d’un de ses nombreux enseignements. C’est exactement sa pensée à l’égard de toutes les idées qui viennent de ses collaborateurs.
La responsabilité de ces mêmes collaborateurs a été justement cette faiblesse qu’ils ont manifestée en faisant croire à Sékou qu’il n’avait pas de semblable parmi eux ; surhomme, homme extraordinaire, envoyé spécial de Dieu sur terre pour sauver l’humanité de tous ses péchés, soigner tous les maux qui l’accablent, Sékou s’est finalement considéré comme tel et, petit à petit, le mythe grandissant avec le temps et les éloges des journalistes, des artistes, des femmes, des cadres politiques, le petit syndicaliste d’hier, d’une modeste famille de paysans, est subitement devenu le leader le plus écouté, le plus craint, le plus admiré d’un parti qu’il n’a ni fondé ni même dirigé avant 12 ans de l’existence de celui-ci.
Le hasard aidant, les circonstances historiques favorisent son ascension politique considérée comme mystérieuse dans un pays dont les populations, les cadres de tous les secteurs, les hommes politiques, les syndicalistes, se sont valablement imposés en Afrique depuis bien avant la pénétration coloniale et, aussi, depuis la domination française. L’on comprendra difficilement ce qu’un Sékou Touré a bien pu utiliser pour s’imposer à un peuple aussi éclairé que le peuple de Guinée, à des cadres dont toute l’Afrique était fière :
- Koumandian Keita, Secrétaire général du Syndicat des enseignants d’Afrique noire
- Diallo Abdoulaye « Ghana » vice Président de la Fédération syndicale mondiale
- Madeira Keita, premier Secrétaire général du Parti démocratique de Guinée
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Sékou s’impose également devant trois sommités intellectuelles de l’époque ayant toutes brillamment réussi le diplôme supérieur d’aptitude pédagogique (D.S.A.P.) :
- Mamba Sano
- Ouezzin Koulibaly
- Yacine Diallo
- et plus tard une autre valeur intellectuelle, Baldé Chaikou, également reçu au D.S.A.P. (il est père de notre collègue Baldé Mountaga).
Sékou prévalut face à :
- Fodé Mamoudou Touré, premier licencié en droit guinéen
- Framoi Bérété, président de l’Assemblée
- Dr. Momo Touré, président de l’Union
- Dr. Deen Ignace, secrétaire général du Syndicat de la santé de l’Afrique occidentale française
- Barry Diawadou, fils de chef de canton, leader du Bloc Africain de Guinée (BAG), parti rival du PDG
- Barry III, secrétaire général de la Démocratie Socialiste de Guinée (DSG), parti rival du PDG
- Amara Soumah, 2e secrétaire général du P.D.G., de la famille régnante de Kaporo (Conakry)
- Bangoura Karim, fils de chef de canton, leader du BAG, conseiller de l’Union
- Louis David Soumah
- Almamy David Sylla de Tondon, chef de canton
- Telli Diallo, premier Secrétaire général de l’O.U.A.
- Baldet Ousmane
- Balla Camara
- Dr. Fernandez Louis
- Coumbassa Firmin
- El Hadj Thierno Ibrahima Bah, chef de canton de Dalaba
- Almamy Ibrahima Sory, chef supérieur de la branche Alfaya !
Il triompha plus tard face à la jeune génération, celle de
- Diallo Portos
- Baldet Oumar, ingénieur des Ponts & Chaussées, auteur du carrefour Constantin de Conakry, secrétaire général de l’Oorganisation des Etats Riverains du fleuve Sénégal (O.E.R.S.) 6
- Karim Fofana, ce brillant ingénieur des mines, que le Président Senghor du Sénégal a qualifié de fierté de l’Afrique moderne après son allocution de présentation des travaux finis du barrage hydro-électrique de Kinkon (Pita)
- Fofana Almamy, ingénieur, major à l’école supérieure d’électricité, jeune frère de Fofana Karim
- M’Baye Cheick Oumar
- les 3/4 de tous les cadres formés en France et aux États-Unis d’Amérique
A toutes ces valeurs, dont la plupart ont été tuées dans les camps de la honte, le peuple de Guinée doit rendre un hommage mérité pour les services rendus au jeune État guinéen, avec foi et confiance en l’avenir, dont Sékou était supposé être la véritable incarnation.