Économie

Suleiman Diara et Cheikh fondateurs de la coopérative Barikamà sont devenus producteurs de yaourt en Italie

J’ai lu avec beaucoup d’intérêt cet article, écrit pour la chaine France 24 par Suleiman Diara et Cheikh Diop en collaboration avec Chloé Lauvergnier.

En le partageant sur ma page Fb personnelle, il a suscité de nombreuses réactions d’admiration. Malheureusement, les africains qui arrivent à se tirer d’affaires sont rares. Au contraire, la plupart finissent par dormir dans la rue vivant de mendicité. Il y en a aussi qui, après avoir risqué leur vie pour arriver ici se livrent à l’alcoolisme ou à des actes criminels. 

Après avoir travaillé dans des exploitations agricoles dans le sud de l’Italie pour un salaire de misère, des immigrés d’Afrique subsaharienne ont décidé de créer leur propre coopérative en 2012, non loin de Rome, afin de subvenir à leurs besoins. Une coopérative 100 % écolo puisqu’ils produisent des yaourts et légumes bio, qu’ils livrent à vélo.

Cette coopérative s’appelle Barikamà, ce qui signifie « résilience » en bambara, la principale langue au Mali. Ce terme fait référence à la capacité des individus à rebondir après avoir rencontré des obstacles au cours de leur vie. Un clin d’œil au parcours des huit personnes qui y travaillent à temps plein actuellement, originaires du Mali, du Sénégal, de Gambie, du Benin et de Guinée.

C’est Suleiman Diara, un Malien de 32 ans, qui a créé cette coopérative. Arrivé en Italie sans papiers en 2008, après avoir traversé la Méditerranée en bateau, il a d’abord travaillé dans une exploitation agricole près de Rosarno, dans le sud du pays, où il gagnait 20 euros par jour pour 12 heures de labeur. « On dormait dans des baraques faites de cartons et de bâches en plastique ; on était comme des esclaves », raconte-t-il.

Tout bascule en janvier 2010. Des centaines d’ouvriers agricoles africains se révoltent à Rosarno à la suite de l’agression de plusieurs d’entre eux par des habitants. Une véritable « chasse aux émigrés » se produit alors, poussant les autorités à les évacuer de la zone.

Directement concerné par ces événements, Suleiman Diara décide de se rendre à Rome, avec une centaine d’autres immigrés. Problème : il est difficile de trouver du travail sur place. Avec un ami gambien, il commence alors à fabriquer des yaourts, avec quelques litres de lait dans un premier temps, pour les vendre et gagner un peu d’argent. Ils sont ensuite rejoints par Cheikh Diop, un Sénégalais de 31 ans arrivé en Italie en 2007.

Des Africains originaires du Mali, du Sénégal, de Gambie, du Benin et de Guinée travaillent au sein de Barikamà. Photo publiée sur la page Facebook Barikamà.

« Nous livrons nos yaourts à vélo car c’est un moyen de transport non polluant »

Suleiman Diara et Cheikh Diop

Suleiman Diara et Cheikh Diop

Suleiman Diara et Cheikh Diop expliquent en quoi consiste leur travail.

Nous avons commencé à préparer des yaourts car c’est facile à fabriquer. En Afrique, il suffit de laisser reposer le lait durant quelques heures pour qu’il caille et obtenir ainsi du yaourt. Cela dit, nous avons rapidement réalisé que c’était plus compliqué en Italie, notamment car il fait beaucoup moins chaud qu’en Afrique. Une dame nous a donc conseillé de rajouter un ferment lactique [une bactérie, NDLR] dans le lait, pour qu’il se transforme plus vite. Désormais, c’est comme cela qu’on fabrique nos yaourts.

Au début, nous produisions nos yaourts dans le centre social où nous étions hébergés et nous les vendions sur un marché. Nous nous sommes faits connaître progressivement.

Vente de yaourts sur un marché. Photo publiée sur la page Facebook Barikamà.

En 2012, nous avons ainsi gagné 20 000 euros grâce à un concours récompensant les jeunes entrepreneurs. C’est à ce moment-là que nous avons créé la coopérative et commencé à produire nos yaourts dans une ferme — la « Casale di Martignano » — située à une quarantaine de kilomètres au nord-ouest de Rome. Nous pouvons les fabriquer sur place moyennant le versement d’une certaine somme d’argent aux propriétaires de la ferme. Actuellement, nous transformons 250 litres de lait par semaine, ce qui permet d’obtenir 220 litres de yaourt environ.

« Nous sommes sensibles à l’environnement, probablement car nous venons de zones rurales »

Nous sommes sensibles à la défense de la nature, probablement car nous venons de zones rurales. Nous utilisons donc du lait bio. Nous le faisons venir d’Amatrice [une localité située à 160 km de leur ferme, NDLR], car nous n’en avons pas trouvé plus près. Nous livrons également nos yaourts à vélo, car c’est un moyen de transport non polluant et rapide. Par ailleurs, nos clients nous rendent toujours les pots des yaourts après utilisation, ce qui nous permet de les réutiliser.

Le vélo, un mode de livraison écologique, rapide et peu coûteux. Photo publiée sur la page Facebook Barikamà.

Les pots des yaourts sont réutilisés, après avoir été re-stérilisés. Photo publiée sur la page Facebook Barikamà.

Nous vendons notre production à des particuliers, dans des bars et des restaurants, autour de la ferme et à Rome. Un litre de yaourt leur coûte 6,60 euros. Les gens apprécient nos yaourts car ils sont artisanaux. Certaines personnes âgées nous disent : « Il y a 50 ans, c’était naturel comme ça, il n’y avait pas de conservateur. »

Un litre de yaourt est vendu 6,60 euros. Photo publiée sur la page Facebook Yogurt Barikama.

En 2014, nous avons également commencé à produire des légumes bio à la ferme. Nous en vendons actuellement 200 kilos par semaine. Puis nous avons recruté un Italien atteint du syndrome d’Asperger [une forme d’autisme, NDLR], à temps partiel. Il gère notre compte Facebook, notre site Internet et répond aux e-mails.

Production de légumes à la « Casale di Martignano ». Photos publiées sur la page Facebook Barikamà.

Vente de légumes sur un marché. Photo publiée sur la page Facebook Barikamà.

« Ce travail nous permet de renvoyer une image positive des migrants »

Au-delà du salaire, ce travail nous a surtout permis d’apprendre la langue italienne, de connaître Rome et de rencontrer de nombreuses personnes. Par ailleurs, il nous permet de renvoyer une image positive des migrants. C’est important car ils sont souvent diabolisés en Italie. Nous aimerions d’ailleurs faire passer le message suivant : il ne faut surtout pas attendre que quelqu’un vous donne du travail actuellement !

À court terme, nous aimerions continuer à développer nos activités, pour embaucher davantage de personnes. Mais à long terme, nous souhaiterions retourner en Afrique pour faire la même chose et créer des emplois là-bas, tout en expliquant aux gens que la vie n’est vraiment pas facile en Europe pour les Africains…

L’article se termine avec cette invitation de France24: Vous voulez contacter nos Observateurs ou nous parler d’une initiative que vous avez lancée ? Contactez-nous à obsengages@france24.com !
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konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

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