Le 3 avril 1984, les portes du Camp Boiro s’ouvraient, révélant toute son horreur

Dépersonnalisé par une politique de chasse à l’homme, une politique d’individus tarés, avides de pouvoir personnel, le peuple guinéen n’avait jamais goûté à un seul instant de bonheur…

Le 3 avril 1984 un groupe de militaires décidaient de s’emparer du pouvoir, suite à la mort du tyran Sékou Touré [qui n’a ajouté « Ahmed » à son nom qu’après son pèlerinage à La Mecque] pour mettre fin aux querelles entre les membres proches de sa famille et l’oligarchie qui gravitaient autour de lui.

Dans un commentaire récent sur la page Facebook de ce blog, je stigmatisais le fait que  lorsqu’on parle du régime sanguinaire de Sékou Touré, ce sont certains des plus jeunes, donc ceux qui ne l’ont pas connu, qui sont ses plus fervents défenseurs et qui condamnent ses victimes sans retenue!

Ce simple constat m’a valu des insultes de toutes natures « vieux con », « pédé », « vieux saoulard », « indigne de respect », « traitre » et il y en a qui m’ont accusé de poursuivre d’autres finalités que d’informer dans mes efforts de dénonciation de ce régime qui a cloué la Guinée au point de départ. Certains de ces jeunes, sont nés lorsque je me préparais à aller à la retraite. Toutefois, lorsque je contacte en privé certains d’entre eux pour chercher à savoir leurs motivations, ils demandent des excuses.

Heureusement, qu’à coté de cette petite dizaine d’individus qui ont oublié l’éducation que leurs parents leur ont donné, il y a eu plus de 2700 personnes de toutes les ethnies et régions de Guinée et du monde qui ont « aimé » mon commentaire. Plusieurs autres l’ont partagé! D’autre part, la page Facebook du site est arrivée en quelques mois à près de 5000 « facebookers » qui la suivent, dont près de 2000 qui l’ont fait après la publication de ma boutade. En quelques années, le nombre d’abonnés a atteint plus de 50 000.

C’est, donc, encouragé par ces réactions positives, qui témoignent d’une réelle volonté de connaitre l’histoire de notre Guinée commune que je continuerai cette dénonciation. Je suis convaincu, en effet, que ce sont ceux qui ne veulent pas voir la vérité sur cette période sombre d’où notre pays tarde à s’en sortir, qui continuent à croire aux mensonges qui souillent notre histoire. Ils sont minoritaires. La majorité des guinéens veulent aller au-delà des slogans qui cachent les responsabilités du tyran Sékou Touré, dans la déchéance de notre pays.

Autrement, voici comment l’unique hebdomadaire de Guinée, Horoya, organe du PDG, décrit cette journée du 3 avril 1984, à la suite de la prise du pouvoir par l’armée et l’ouverture du Camp Boiro, selon Mohamed Selhami, un journaliste marocain, dans le chapitre Le Camp Mamadou Boiro, l’usine de la mort de son livre, intitulé Sékou Touré Ce qu’il fut. Ce qu’il a fait. Ce qu’il faut défaire

« Pendant plus de deux décennies, le peuple de Guinée, labouré dans sa chair et son âme par des mains sanglantes, a connu le plus grand calvaire de son existence. Dans l’éclipse totale, il a marché en égrenant le chapelet de la faim, de la soif et de l’ignorance. Dépersonnalisé par une politique de chasse à l’homme, une politique d’individus tarés, avides de pouvoir personnel, le peuple guinéen n’avait jamais goûté à un seul instant de bonheur… ».

L’histoire suivante illustre à souhait, l’absurdité dans laquelle le régime tyrannique avait plongé notre pays.

Arrestation de Mokhtar Baldé

Ce fonctionnaire [Mokhtar Baldé] des Nations Unies était venu à Conakry, quatre ans auparavant, rendre visite à sa famille. « Dès mon arrivée à l’aéroport, la police m’a expédié manu militari, sans explication, au Camp Boiro. Le commissaire m’a accusé de « menées subversives » contre le régime. Ce qui était faux. Je pense que mon arrestation a été due au mépris que Sékou Touré et sa milice avaient pour les intellectuels… “Suivez nous au commissariat central, n’ayez aucune crainte, il s’agit d’une simple formalité de routine” m’a dit un officier de police. » Et Mokhtar Baldé de raconter son calvaire.

Sa libération

Le 3 avril 1984, un coup d’état militaire a mis fin aux 26 années de règne de la terreur imposé par Sékou Touré et sa famille à travers la machine à fabriquer des mensonges qu’était le PDG, Parti démocratique de Guinée.

J’étais en train de panser, à l’aide d’un vieux chiffon, la blessure d’un compagnon de cellule lorsque des cris venant d’assez près parvinrent à mes oreilles. Je n’y ai d’abord pas prêté une attention particulière, songeant à une bagarre entre les gardiens de prison ; cela arrivait souvent ». La voix saccadée, les yeux en larmes, Cheikh Ahmed Baldé raconte sa libération, le 3 avril, après quatre années de détention au Camp Boiro. « Soudain, j’entends le grincement des loquets. L’une après l’autre les cellules s’ouvrent. Trois gardiens armés, mais tout sourire, nous lancent : “Sortez vite, vous êtes libres”. Je me retourne alors vers mon compagnon stupéfait : “Adieu, notre tour est arrivé …” lui dis-je.

Mokhtar Baldé connaissait le procédé. Beaucoup sont morts après qu’on leur ait fait miroiter la liberté. « Car, lorsqu’on quittait la cellule, c’était pour disparaître à jamais ». Devant l’insistance de ses tortionnaires, Mokhtar Baldé eut ces mots : « Puisque mon heure a sonné, je me remets à Dieu ! » Tout à coup, une foule surexcitée criant « Liberté ! liberté ! » envahit le camp Boiro. « Parmi les gens un grand nombre de militaires dont — j’allais le savoir par la suite — le nouveau président, le colonel Lansana Conté, et son Premier ministre, le colonel Diarra Traoré. Ils sont venus, en personne, assister à la libération des détenus et principalement le commandant Abraham Kabassan Keita. » Ce dernier avait été arrêté deux mois avant le décès de Sékou Touré pour « complot contre la sûreté de l’Etat ». A sa sortie du Camp Boiro, le nouveau régime l’a nommé ministre de l’Energie.

« Devant ce spectacle qui frôlait l’hystérie, J’ai compris que cette fois j’étais libre pour de bon, mais je craque et je pleure… ». Premier geste de Mokhtar Baldé : il s’agrippe à un militaire et le couvre de baisers. Pendant ce temps, des jeunes envahissent les cellules et font sortir les prisonniers qu’ils porteront en triomphe. Tandis que les gardiens s’éclipsent l’un après l’autre discrètement, de peur d’être lynchés. « Mais les visages des manifestants ne reflètent pas de haine… ». Le temps est à la joie. Les compagnons de détention de Mokhtar Baldé, environ deux cents, courent et sautent. « Enfin ! pour ceux qui le peuvent… car beaucoup, à force d’être restés debout des mois durant, ont perdu l’habitude de marcher, sans parler des détenus qui, à la suite des sévices, ont eu les jambes paralysées ou amputées. Et il y a les aveugles, quelques dizaines. Ceux-ci retrouvent la liberté, mais pas la lumière du jour. »

C’est à ce régime qui a été capable de réduire des guinéens zombies que des jeunes qui n’en ont qu’entendu parler vouent une grande admiration au point d’insulter quiconque dénonce ses abus basés sur des documents écrits par les survivants et même par l’organe officiel du PDG, Horoya. C’est à ce régime que notre Président Alpha Condé avait promis de s’inspirer à sa prise de pouvoir. 

Voici le sort des membres du premier gouvernement guinéen:

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