Dans environ un mois, les guinéens sont appelés aux urnes. Comme d’habitude, l’approche des élections présidentielles est une source de préoccupation pour les guinéens et la communauté internationale qui suit l’actualité de ce pays.
Dans un décret signé le 31 août, le président de la République, Alpha Condé a convoqué les électeurs guinéens aux urnes pour le dimanche 11 octobre 2015 pour le 1er tour de l’élection présidentielle, une initiative contraire à la constitution. En effet, selon Aliou Baldé, répondant à la question que lui-même s’est posée dans un article intitulé Présidentielle 2015:Peut-on convoquer un corps électoral avant la sortie de la liste des candidats?, répond en ces termes sur le site democrature.com:
Conformément à la constitution, en Guinée c’est impossible.
Alors Alpha condé vient encore de violer la constitution guinéenne qu’il avait juré de respecter et de faire respecter le 21 déc. 2010; à travers un décret, en date du 31 aout 2015, il a convoqué le corps électoral guinéen aux urnes pour la présidentielle du 11 oct 2015.
En principe, selon le dernier alinéa de l’article 29 de la constitution guinéenne, c’est après la publication de la liste des candidats que le Président de la République peut convoquer le corps électoral.
Cependant, ce sont d’autres griefs qui avaient alimenté le climat politique pendant de longues semaines. Heureusement, sous l’égide de la communauté internationale, un accord a été signé entre le gouvernement, les partis politiques et Ibn Chambas, représentant l’ONU. Cet accord met fin aux problèmes soulevés par la composition de la commission électorale nationale indépendante (CENI), la révision du fichier électoral et le choix des élus communaux.
La société civile guinéenne s’est impliquée de plusieurs manières dans la préparation d’élections apaisées. L’Association des blogueurs de Guinée (ablogui), notamment, entend jouer un rôle de veille électorale, de la période préélectorale à la publication des résultats.
Le 8 septembre 2015, la Haute Autorité de la Communication (HAC) a procédé à un tirage au sort de l’ordre d’apparition sur les médias publics des candidats, fixant la durée d’intervention à 7 minutes, à partir du 10 de ce mois. Pour plus de transparence cet exercice a été fait sous la présidence de Mme Martine Condé et à la présence de représentants des candidats retenus, des institutions nationales et internationales ainsi que du corps diplomatiques accrédité en Guinée.
De son coté, forte de son expérience passée et en prévision des problèmes qui pourraient surgir avec leurs lots de violences, Amnesty International s’est impliquée par la publication d’un rapport d’où j’ai extrait le texte suivant.
Extrait du rapport d’Amnesty International intitulé GUINÉE. EMPÊCHER LE RECOURS EXCESSIF À LA FORCE ET RESPECTER LE DROIT À LA LIBERTÉ DE RÉUNION PACIFIQUE – APPEL À L’ACTION
La Guinée a une histoire de violences en période d’élections, liées aux restrictions imposées à la liberté de réunion et à la liberté d’expression, ainsi qu’au recours excessif à la force par les forces de sécurité. Selon les informations recueillies par Amnesty International, au cours des 10 dernières années, au moins 350 personnes sont mortes et plus de 1 750 ont été blessées lors de manifestations dans le pays. La plupart des victimes étaient des manifestants, et parfois des passants, tués ou blessés par les forces de sécurité.
Le recours excessif à la force a engendré des drames particulièrement choquants et connus de tous, survenus lors de campagnes électorales ou à l’occasion d’autres formes de contestation du pouvoir. Citons par exemple le meurtre de 135 manifestants qui réclamaient le départ du président Lansana Conté en janvier et février 2007.
Citons aussi le massacre dans le stade de Conakry, le 28 septembre 2009, où les forces de sécurité, y compris des militaires, ont ouvert le feu sur des manifestants de l’opposition, tuant 150 personnes et en blessant au moins 1 500 ; ou encore les neufs morts au moins et les 40 blessés lors de contestations de l’opposition durant la campagne électorale législative de 2013.
Jusqu’à présent, l’obligation de rendre des comptes pour ces graves atteintes aux droits humains a été bien mince, malgré certaines inculpations récentes liées au massacre du stade, en 2009…..
Toutefois, le recours excessif à la force qui a marqué les manifestations d’avril et de mai 2015 montre que de plus amples réformes s’imposent de toute urgence. Au cours de ces manifestations, six personnes, manifestants ou passants, ont été tuées et plus de 100 ont été blessées, dont des enfants. Des centaines de manifestants ont été arrêtés, souvent dans des circonstances permettant de qualifier ces arrestations d’arbitraires.
Quelques mois plus tard, une nouvelle loi sur le maintien de l’ordre public, adoptée en juillet 2015, a quelque peu amélioré le cadre juridique encadrant le recours à la force et le droit de réunion pacifique dans le pays. Mais cette loi est encore loin de respecter les normes internationales.
Le cadre juridique guinéen et les actions des autorités et des forces de sécurité sont tous deux souvent à l’origine de restrictions injustifiées à la liberté de réunion, qui conduisent à la poursuite en justice de manifestants aux intentions pacifiques, l’accroissement des confrontations avec les forces de sécurité et l’instauration d’une situation d’impunité pour les violations des droits humains perpétrées par les forces de sécurité. Et le cycle continue : les troubles civils sont alors pris comme prétexte pour accroître encore les restrictions à la liberté de réunion.
C’est pourquoi la campagne électorale pour les présidentielles, prévues le 11 octobre 2015, risque fort d’être le cadre d’autres violences et atteintes aux droits fondamentaux. Le problème immédiat qui se pose aux autorités, aux candidats et aux forces de sécurité en 2015 est de casser le cycle de la méfiance et de la violence et d’encourager l’instauration d’un climat où tous les Guinéens puissent jouir de leurs droits à la liberté de réunion pacifique et d’expression, sans restriction injustifiée et en toute sécurité. Le problème suivant consistera à mettre en place d’autres réformes pour garantir ces droits à long terme, afin de tourner définitivement la page de la violence et des atteintes aux droits humains dans l’histoire de la Guinée.
Amnesty International lance un appel à l’action aux autorités guinéennes pour qu’elles prennent les mesures nécessaires pour respecter et protéger les droits humains lors de la campagne électorale et après les élections. L’organisation appelle aussi tous les candidats à l’élection présidentielle à s’engager, s’ils sont élus, à mettre en oeuvre les réformes juridiques et institutionnelles nécessaires pour aider la Guinée à briser le cercle de l’impunité en matière de violence étatique illégale. Vous trouverez des recommandations plus détaillées dans la section concernée du présent document. Elles incluent notamment un appel aux autorités, aux forces de sécurité et aux candidats à :
protéger le droit à la liberté de réunion pacifique et faciliter de manière active la tenue de manifestations, y compris si elles sont spontanées, et à s’engager à réviser le cadre juridique guinéen pour supprimer toute restriction arbitraire de ce droit ;
empêcher le recours à la force excessive et arbitraire par les forces de sécurité lors de manifestations, s’engager à modifier le cadre juridique guinéen pour le rendre conforme aux lois et aux normes internationales, allouer des ressources suffisantes aux forces de sécurité et leur proposer des formations adéquates ;
veiller à ce que les forces de sécurité soient tenues entièrement responsables des atteintes aux droits humains qu’elles commettent, notamment en s’assurant que le cadre juridique du pays respecte les exigences en matière d’obligation de rendre des comptes énoncées dans le droit international et les normes afférentes, et à mettre en place un mécanisme de contrôle indépendant chargé d’évaluer les règles et pratiques en vigueur dans les institutions chargées de l’application des lois.