Tout guinéen ayant une parcelle de fibre patriotique doit être préoccupé aujourd’hui par une menace qui risque de faire imploser la Guinée si l’on y prend garde, à savoir le fait ethnique.
Il faut à tout prix éviter une « rwandisation de notre pays ».
En effet personne ne choisit de naître Peulh, Malinké, guerzé, Soussou, ou tout autre groupe ethnique. C’est le hasard qui organise la filiation des uns et des autres et ce phénomène se répète de parents à enfants et de génération en génération.
Comme le dit si bien l’adage, on ne choisit pas ses parents, eux non plus ne nous choisissent pas en tant que fils ou filles. Néanmoins nous sommes appelés à vivre ensemble en nous supportant à défaut de nous aimer.
L’individu, devant les vicissitudes de la vie courante, aura une tendance naturelle à se tourner vers les personnes qui lui sont les plus proches à savoir sa famille directe (père, mère, fratrie, cousins, voisinage immédiat, etc.) avant d’aller chercher de l’aide plus loin. Je veux dire qu’il se dirigera en priorité vers les gens en qui il a confiance et qui le rassurent.
Il est donc aisé de se rendre compte que la famille et par extension l’ethnie, le plus souvent, constituent des remparts contre ce qu’on estime comme une agression venant de l’extérieur.
Le véhicule de cette identité se trouve être la langue. Qui d’entre nous n’a pas été agréablement surpris d’entendre un jour dans un quelconque endroit du monde quelqu’un parler notre langue maternelle ? Subitement, cette personne devient notre « frère » parce que ayant en partage l’héritage commun qui est le langage.
Une nation se constitue par le sentiment d’appartenance qu’ont en commun les individus qui la composent.
C’est une communauté de destin dans un espace géographique donné et avec une histoire commune. C’est un pays avec un supplément d’âme.
La nation a cette fonction globalisante de toutes les composantes particulières que sont les individus et les ethnies. C’est le contenant qui englobe toutes les particularités qui essaiment dans un espace donné.
L’ethnie constitue donc la matière première et qui, associée à d’autres est capable de se révéler comme le génie créateur d’une valeur ajoutée, d’une richesse profitable à tous.
La diversité est dans la nature elle-même et constitue une richesse et non pas un handicap.
Par contre l’appartenance ethnique portée aux nues et sublimée peut se révéler un danger pour l’unité nationale, une base chimique instable et volatile prête à exploser au moindre choc.
C’est pour cela que chacun de nous devrait faire très attention aux actes posés à plus forte raison aux paroles qui peuvent se révéler plus dangereuses qu’on ne le pense.
Combattre l’ethnocentrisme peut et doit se faire à plusieurs niveaux : individuel, familial, partisan et gouvernemental.
•Au niveau individuel, ce doit être une attitude, un comportement de tout instant qui privilégiera l’efficacité et mettra l’accent sur des relations personnelles débarrassées de tout à priori ou considération identitaire ethnique.
•Dans une famille, et dans l’éducation des enfants qui seront les citoyens de demain, l’accent doit être mis sur des valeurs de solidarité intergénérationnelle et transversale, valeurs qui ne demeurent pas forcément au sein de la famille ou de l’ethnie. Tout enfant maitrisant plus d’une langue nationale s’enrichit.
Avec les mariages interethniques depuis quelques générations, il n’y a plus une seule famille qui pourrait se targuer d’homogénéité ethnique.
•Les partis politiques dans leur rôle d’éveil des citoyens à la gestion des affaires de la cité ont un rôle de premier plan dans cette lutte.
En Guinée il leur a été reproché, surtout à leurs débuts, de s’être constitués sur des bases ethnocentriques ou régionales. Si tel était encore le cas, ils doivent tout mettre en œuvre pour élargir leur base militante pour en faire un creuset de cette unité et porter le combat au niveau des idées, des programmes et de leur vision de l’avenir du pays. Ils doivent jouer le rôle de vigie en ce domaine.
•Au niveau de la gouvernance politique, l’éducation civique doit très tôt mettre le doigt sur les valeurs de rassemblement, de tolérance, de partage et d’héritage en commun.
L’ethnocentrisme apparait ainsi comme une aberration, un phénomène suranné qui ne doit plus avoir droit de cité. Nous tendons vers la civilisation de l’universel chère au Président poète Léopold Sédar Senghor.
Dans quelle catégorie ethnique se classerait un citoyen issu d’un mariage Peulh-Soussou ?
A partir du moment où les citoyens verront et croiront en un état de droit et dans lequel les conditions économiques et sociales se seront considérablement améliorées, le terreau de ce fléau deviendra de moins en moins fertile.
Méfiez vous donc de tous ceux qui veulent nous mener à notre perte avec des considérations ethnocentriques ou confessionnelles érigées en système de gouvernance politique et sociale.
Nos différences doivent nous enrichir et non pas le contraire.
Aboubacar Fofana
Economiste
Président du Club DLG.
E-mail : aboufof2@yahoo.fr
Blog : www.prospectives.over-blog.net
Paris le 30 octobre 2009.