Aux dernières nouvelles, après avoir décidé dans une intervention à la TV de revenir sur l’admission de sa défaite, M. Yahya Jammey aurait décidé, en fin de compte de suivre la voie légale pour contester les résultats des élections présidentielles qui ont vu la victoire de son adversaire M. Adama Barro.
Cependant, il y a quelques problèmes. En effet, d’après la constitution gambienne, tout candidat a droit à introduire un recours dans un délai de dix jours après le vote. Dans le cas présent, ce délai de 10 jours se termine le 12 décembre, c’est-à-dire demain lundi. Malheureusement, pour M. Yahya Jammey, le douzième jour est férié dans son pays. La Cour suprême devrait observer la journée de congé.
Sans doute, comme après plus de 22 ans d’un pouvoir autocratique, M. Yahya Jammey a mis des fidèles dans toutes les institutions de l’état, il est fort probable qu’une solution le favorisant sera trouvée.
Dans le commentaire suivant publié sur sa page Facebook, et qu’il m’a autorisé à reproduire sur mon blog M. Thierno Sadou de la diaspora guinéenne aux États-Unis explique les raison qui le poussent à ne pas attribuer trop d’importance aux déclarations de M. Yahya Jammey.
Le revirement de Yahya Jammeh
Bien qu’on lise du n’importe quoi sur les réseaux sociaux, et que chacun soit libre de ses opinions, j’ai toujours été déconcerté par la naïveté politique d’une certaine opinion publique africaine. Quand on voit les réactions de certains face au revirement de Yahya Jammeh en Gambie, on se demande quelles indignités peuvent encore susciter leur émoi.
Si je parle de naïveté, c’est parce que moi je n’ai jamais cru un seul instant au discours de concession de Yahya Jammeh, ni à sa volonté de rendre le pouvoir de manière pacifique. Devant une audience publique internationale, il a organisé une véritable mise en scène à la télévision gambienne pour faire avaler le canular téléphonique à tout le monde. Beaucoup sont tombés dans le panneau ! C’est ce qu’on appelle se faire piéger sans s’en rendre compte ! Ce faisant le dictateur de Banjul s’est moqué des gambiens, de tous ceux qui ont cru naïvement en sa sincérité, de tous ceux qui cherchent à le défendre, et en faisant honte ainsi à toute l’Afrique !
Si je parle d’indignités, c’est parce que je connais bien le personnage et son genre. Voici un « président » qui a pris soin de mettre en prison, le leader historique de l’opposition, Oussaini Darboe et au moins 18 des hommes politiques les plus importants du pays, avant d’aller aux élections. Il a pensé qu’il ne restait plus personne suffisamment fort pour l’affronter dans les urnes, tant il a martyrisé son peuple et l’a fait broyer sous ses bottes. C’est pourquoi il n’a même pas pensé à assurer ses arrières en organisant une fraude électorale. Il a voulu prouver au monde entier qu’il était légitime et aimé de son peuple. Ce qu’il ne savait pas, c’est que les gambiens sont si fatigués de lui qu’ils sont prêts a voter même pour un singe juste pour le chasser du pouvoir. Adama Barrow, un parfait inconnu avant le scrutin, n’était qu’un candidat de recours, un candidat consensuel de l’opposition, ou mieux un candidat de la chance. Choqué, dérouté, et dégouté par un tel résultat devant un novice, Yahya Jammeh, cédant à l’émotion, a voulu donc jouer le jeu jusqu’au bout en fomentant ce canular téléphonique dans lequel il reconnaissait sa défaite. Mais il savait déjà qu’il ne lâcherait jamais le pouvoir et se préparait à revenir au devant la scène par cette porte tournante qu’affectionnent tant les dictateurs.
Ceux qui pensent que ce sont les vainqueurs de l’élection qui ont poussé Yahya Jammeh à faire ce revirement n’ont absolument rien compris. On nous dit que le nouveau président Adama Barrow a promis d’engager des poursuites judiciaires contre Jammeh et même l’envoyer à la CPI. Comme si c’était aussi facile d’envoyer quelqu’un à la CPI, surtout un ancien chef d’état qui a renoncé volontairement au pouvoir. Ce qui démontre une ignorance totale des règles internationales. Selon eux, Yahya Jammeh a eu raison de confisquer le pouvoir parce qu’il se sentait menacé, insulté et craignait pour sa sécurité. Quelle naïveté ! Quand on se laisse manipuler de la sorte, je me demande ce qu’il faut espérer pour l’Afrique.
D’abord, Adama Barrow n’a jamais dit, à ma connaissance, qu’il va envoyer Jammeh à la CPI. Aux multiples pressions qui ont été faites de part et d’autre, il a simplement répondu que la justice suivra son cours. Est-ce là un engagement ferme de traduire l’ancien président devant les tribunaux ? Mieux 24 h avant le revirement de Yahya Jammeh, le nouveau président a fait sa première intervention télévisée ou dans un discours très positif, il a appelé à l’unité et à la solidarité des gambiens. Même s’il y a eu des membres de cette victorieuse coalition qui ont tenu des propos acerbes à l’égard du président sortant, est-ce à dire que le nouveau pouvoir était prêt à juger coute que coute Yahya Jammeh ? Tout le monde sait qu’au lendemain d’une élection aussi surprenante, on entend toutes sortes de déclarations aussi saugrenues les unes que les autres. Mais ces déclarations n’engagent que leurs auteurs. Est-ce à dire maintenant que Yahya Jammeh peut revenir sur sa parole et faire un coup d’état constitutionnel sur la base de déclarations aussi fantaisistes ? Un peu de sérieux quand même !!!
Aussi il y a des gens qui croient tout ce qu’ils lisent sur Internet. Or les réseaux sociaux sont remplis de fausses nouvelles dont il faut beaucoup se méfier. Quand vous lisez une information, il faut chercher d’abord à identifier la source pour s’assurer de la crédibilité et de la légitimité des infos qu’on vous balance. Au lieu de s’empresser à former des opinions sur la base d’informations totalement erronées.
Et quand on veut se faire une opinion d’un personnage publique, il ne faut jamais mettre de coté son parcours ou son bilan pour ne retenir qu’un seul acte. Il a fait ceci, donc c’est bon ! On n’a plus rien à lui reprocher ! Quelle façon de penser !!
Or voici un dirigeant au pouvoir depuis 22 ans qui a ordonné l’exécution en masse de prisonniers politiques, fait arrêter tous ses adversaires politiques, et pratiqué la torture dans ses prisons. N’est-ce pas la marque d’un dictateur sanguinaire ?
Voici quelqu’un qui se promène avec un sceptre, un chapelet et une copie du saint coran pour se livrer à des pratiques fétichistes au vu et au su de tout le monde sans la moindre protestation des musulmans dont il profane ainsi la religion. Le dirigeant d’une nation qui prétend guérir le Sida, fait boire une décoction à ses proches pour soi disant identifier les sorciers parmi eux ! N’est-ce pas là les signes d’une maladie mentale ?
Et voici un chef d’état qui déclare qu’il va gouverner son pays pendant un milliard d’années si Dieu le veut, qui se fait appeler « Son excellence, le Cheick, Professeur Al Haji, Docteur Yahya Abdul Aziz Jemus Junking Jammeh », et qui dit être titulaire d’un titre d’Amiral du Nebraska. N’est ce pas là les signes d’une mégalomanie ?
Après tout cela, comment peut-on un tant soit peu prendre un tel personnage au sérieux ? Comment peut-on croire à ses mises en scène et comment peut-on se laisser manipuler aussi facilement ?
Yahya Jammeh doit partir et le plus tôt serait le mieux pour que le peuple gambien soit délivré de cette folie sanguinaire. Je note que l’Union Africaine, la CEDEAO, le gouvernement des Etats-Unis ont tous condamné le revirement de Yaya Jammeh. Espérons qu’ils pourront lui tordre le bras à défaut de lui faire entendre raison.
God saves Gambia!
Signé: Thierno Sadou
Ce commentaire a généré plusieurs interventions dont voici quelques unes/
Kenda Diallo Mon cher ami. J’ai voulu réagir autant que toi et peut être de la même façon face à la naïveté de ceux qui croient encore que ce fameux yaya djammeh est un homme fréquentable. Oublie-t-on s’invite toutes les atrocités qu’il a commises pour le dédouaner
Saadou Nimaga Homo, tu te souviens du cas de Robert Mugabe? Il a voulu quitter il y a quelques années, il a d’abord accepté les résultats des législatives mais des opposants ont commencé a le menacer et il s’est accroché depuis. Pourquoi en effet quitter si cela ne change rien en ton sort. Mieux vaut résister dans ce cas… Quand un fou tient ton oeuf frais, amadou le jusqu’à le lui retirer.
Abdoulaye Bah Une belle analyse! De toutes les façons que ce soit de la part du dictateur lui-même ou de celle de l’oligarchie qui a bénéficié de ses 22 ans de pouvoir, il était difficile de croire qu’il l’aurait abandonné si facilement. Cependant, soit le vainqueur des urnes que son entourage, il y a eu des déclarations pour le moins hasardeuses. Comment pouvait-on parler d’audit dans une situation pareille sans avoir eu toutes les clés du pouvoir, sans s’etre assuré d’avoir son prédécesseur hors d’état de nuire?
Paul Théa Des amateurs, la politique ne s’improvise pas et on s’entoure de conseillés en communication. Apprendre à parler en public, à peser ses mots. Nous avons encore du chemin à faire