Des inventions scientifiques sont annoncées chaque jour de partout en Afrique. Toutefois, par manque de moyens, elles vont rarement au delà de l’exercice intellectuel pour atteindre le stade de la production industrielle, à cause de plusieurs obstacles
Dans le domaine médical, il y a eu quelques inventions qui ont dépassé le stade des essais en laboratoire. C’est le cas de l’invention de trois étudiants de l’université Makerere, Aaron Tushabe, Joshua Okello et Josiah Kavuma, qui ont mis au point le WinSenga, un dispositif pour surveiller la santé et les mouvements des foetus dans le ventre de leur maman.
Grâce à un premier prix consistant en une subvention de 50.000 $, que leur a décerné Microsoft, leur invention a abouti à la création de la société Cipher256 qui emploie sept personnes. Leur société est logée dans le Centre d’innovation Microsoft en Ouganda, un centre qui offre des possibilités d’emploi, d’éducation et d’entrepreneuriat pour les jeunes ougandais. Le ministère de la santé ougandais a déjà adopté cette invention dans certains hôpitaux et envisage de l’introduire au niveau national.
Arthur Zang, diplômé en 2010 de l’Ecole nationale supérieure polytechnique de Yaoundé, a remporté Rolex Award For Entreprise dede 27 millions de FCFA. Cet ingénieur en informatique et génie logiciel agé de 26 ans, a mis au point le Cardiopad. Il s’agit d’un dispositif d’examen médical (comme un ECG) électronique qui relève les données cardiologiques et les transmet via Internet à des cardiologues, éloignés du patient qui pourra fournir des conseils et le traitement à suivre.
Concrétisant le dicton selon lequel « à coeur vaillant, rien d’impossible », d’après le site lemonde.fr, Arthur Yang a suivi gratuitement des cours en ligne auprès de l’Indian Institute of technology et pour se financer, il a fait recours au crowdfunding. Devant une telle opiniâtreté couronné de succès, son invention a attiré l’attention du gouvernement camerounais qui lui a fourni plus de 300 mille euros pour le développement et la construction de Cardiopads. Il a construit son entreprise, la Himore Medical est une société qui conçoit et fabrique des équipements médicaux (système électronique et informatique autonome) et fournit des services médicaux dans les hôpitaux en procédant à l’équipement nécessaire pour effectuer des examens à distance à bas prix.
En Afrique du sud, Richard van As a inventé, suite à la perte de quatre doigts de la main droite a mis au point sa propre imprimante 3D dans sa tentative de les reconstruire. Pour s’autofinancer, il a lui aussi fait recours au crowdfunding. C’était en 2011. Depuis lors, son entreprise, Robohand, a équipé plus de 170 prothèses, qui coûtent moins de 500 $ alors que les prix par doigt peuvent atteindre 10 000 $ sur le marché international.
Ses études pour la réalisation des mains sont disponibles gratuitement en ligne, permettant à toute personne qualifiée et ayant accès à une imprimante 3D de fabriquer des doigts.
Mon ami Lova nous décrit dans l’article suivant une invention de scientifiques burkinabè et burundais qui pourrait éviter le paludisme à des milliers de personnes. Cet article a été traduit dans 9 langues sur le réseau globalvoices.org. Sa version française, on la doit à Justine Barrachina.
Cet article est disponible en Malagasy, Español, Deutsch, Română , Aymara , 日本語, bahasa Indonesia, English
Pas besoin de dépenser des millions de dollars pour sauver des milliers de vies. Deux étudiants africains ont récemment démontré qu’il faut à peine plus de 46 centimes d’euros pour sauver des êtres humains et la solution se résume à un pain de savon.
Moctar Dembélé, originaire du Burkina Faso, et Gérard Niyondiko, né au Burundi, étudient à l’Institut International d’Ingénierie de l’Eau et de l’Environnement de Ouagadougou (Burkina Faso). MM. Dembélé et Niyondiko connaissent bien la menace du paludisme, qui représente la principale cause de mortalité en Afrique subsaharienne. Chaque année, dans le monde, près de 600 000 personnes décèdent du paludisme — maladie développée par des parasites et transmise à l’homme par des piqûres de moustiques infectés. Elle comporte généralement des symptômes tels que de la fièvre, de la fatigue, des vomissements ou des maux de tête.
Pour pouvoir contrer la maladie, les chercheurs Dembélé et Niyondiko ont inventé un savon fabriqué à partir de plantes locales et d’ingrédients naturels, comme le beurre de karité ou l’essence de citronnelle, véritables répulsifs face aux moustiques vecteurs. Les étudiants ont appelé ce savon le « Faso soap ». Ce concept présente l’avantage d’être à la fois très pratique et abordable :
Afin de soutenir leur initiative, le Concours de l’Entrepreneuriat Social Étudiant de l’université UC Berkeley a récemment attribué à MM. Dembélé et Niyondiko la somme de 26 500 USD.
La science derrière le projet est relativement simple, nous explique Hugo Jalinière [fr], journaliste à Sciences et Avenir, magazine scientifique français :
Le savon possède deux caractéristiques : d’abord, une capacité à repousser les moustiques par son odeur. Mais il contient également un composant intérieur qui tue les larves et empêche leur prolifération dans les eaux stagnantes. Les tests effectués sur un échantillon de la population à Ouagadougou se sont en tous cas révélés assez concluants.
D’après l’Organisation mondiale de la santé, on recense environ 200 millions de cas d’infections du paludisme par an, à l’origine de près de 660 000 décès. Il n’existe pas encore de vaccin contre le paludisme, mais une pléthore d’antipaludiques est disponible pour traiter les divers symptômes. Les mesures de prévention sont nombreuses, bien qu’il n’existe pas de protection complète contre les moustiques vecteurs ; l’emploi de répulsifs fait partie des mesures préventives mises en place dans la région.
Les scientifiques ont étudié de façon approfondie les répulsifs antimoustiques à base de plantes. Sarah Moore, chercheuse à l’École d’Hygiène et de Médecine Tropicale de Londres, maintient que les résultats des études sur l’efficacité de tels répulsifs étaient peu probants jusqu’à présent, toutefois leur usage s’est développé, et ce, pas seulement à cause des mesures mises en place :
Le secteur des répulsifs à base de plantes est en pleine expansion, car les consommateurs recherchent des moyens de protection contre les piqûres d’arthropodes, à la fois sans danger pour la santé, agréables et durables sur le plan écologique. La situation se révèle en outre extrêmement favorable grâce à une grande variété de plantes aux composés insecticides potentiellement efficaces contre les insectes. Les nouveaux pyréthroïdes, pilier de la lutte antipaludique actuelle, sont à l’origine de progrès considérables et sans danger pour les mammifères.
Les experts Dembélé et Niyondiko sont malheureusement bien conscients des obstacles économiques à la lutte antipaludique. Le Burundi, pays natal de Gérard Niyondiko, se trouve en proie à une sérieuse crise humanitaire et se situe à la 167e place sur 177 pays évalués par l’Indice de développement humain des Nations Unies. Le Burkina Faso traverse depuis peu une période de bouleversements politiques et près de la moitié de sa population vit avec moins de 1,25 USD par jour.
Toute solution antipaludique durable proposée en Afrique se doit d’être abordable, étant donné le contexte historique et l’instabilité actuelle de la région. C’est en gardant cela à l’esprit que MM. Dembélé et Niyondiko ont cherché à concevoir un « Faso soap » aussi bon marché que possible.
Le projet tombe en somme à point nommé, alors que le Réseau international sur la résistance aux antipaludiques (WWARN) a récemment mis en garde les agences de santé sur le fait que la résistance à l’artémisinine était en augmentation :
Depuis février 2015, la résistance à l’artémisinine a été confirmée dans 5 pays […] Sur la plupart des sites, les patients infectés de parasites résistant à l’artémisinine guérissent tout de même au terme du traitement, à condition qu’il s’agisse d’une combinaison thérapeutique à base d’artémisinine (CTA) contenant un médicament associé efficace. Toutefois, le long de la frontière Cambodge-Thaïlande, le parasite P. falciparum a développé une résistance à presque tous les antipaludiques disponibles. Il existe un risque réel de multirésistance médicamenteuse qui émergera bientôt dans d’autres parties de la sous-région.
Les scientifiques Dembélé et Niyondiko savent que du chemin reste à faire ; ce qui ne risque pas de les décourager. M. Dembélé maintient que ce combat ne se limite pas à lutter contre la maladie ; il s’agit également d’apporter un regain d’espoir concernant l’avenir de l’Afrique. Après avoir remporté le concours de l’université UC Berkeley, il a annoncé :
Je suis très content que ce prix revienne en Afrique et particulièrement au Burkina Faso. C’est la première fois qu’une équipe non américaine remporte ce prix. C’est la fierté pour la jeunesse, c’est la fierté pour l’Afrique. Ça doit encourager la jeunesse à aller de l’avant.