Ebola: Nous exigeons un audit sur l'utilisation des dons reçus pour combattre le fléau

Le virus de l’Ebola est entrain d’être déguerpi des trois pays les plus affectés, la Sierra Leone, la Guinée et le Liberia. Dans les deux premiers pays, l’OMS a déjà déclaré la fin de la transmission, tout en invitant les citoyens et les autorités de ces deux pays à ne pas baisser le niveau de garde. Au Liberia, cet objectif est prévu pour le 14 janvier 2016.

Des fêtes ont été organisées à Freetown et à Conakry pour saluer la fin de ce cauchemar qui a emporté, de de 2013 à  2015, respectivement 3 955 vies en Sierra Leone,  4 809 au Liberia et 2536 en Guinée. Ce résultat n’aurait sans doute jamais été acquis sans une forte mobilisation des nationaux, y compris la diaspora, et la communauté internationale.

Maintenant, l’opinion a droit à un compte-rendu sur la manière dont les importantes sommes et les dons en nature ont été utilisés. En février 2015, l’ONG Transparency International avait déjà invité les pays concernés et les Nations Unies à effectuer un audit complet de tous les dons internes et externes fournis pour combattre le fléau. L’ONG partait de la constatation que des systèmes de gouvernance peu efficaces avec un niveau élevé de corruption dans ces trois pays pouvaient créer de nombreuses opportunités pour l’abus de pouvoir, la corruption et les actions contraires à l’éthique.

Hélas! Malheureusement, les pires craintes  se sont révélées possibles. En Sierra Leone, un rapport d’audit du bureau du vérificateur général relève que depuis l’apparition de l’épidémie, le gouvernement a dépensé plus de Le84 milliards [1 Euro= 4447 Le] au cours de la période finissant en octobre 2014 sans suivre les procédures établies.

Dans une analyse du rapport publiée sur guineenews.org, Bah Boubacar Caba relevait en mai dernier:

C’EST EN EFFET PRÈS DE 18 MILLIONS DE DOLLARS QUI AURAIENT ÉTÉ IMPLIQUÉS DANS DES MALVERSATIONS DU FOND QUE LE GOUVERNEMENT A ENGAGÉ DANS LE CADRE DE LA LUTTE CONTRE EBOLA, PENDANT LA PÉRIODE VISÉE. LA PRÉSIDENCE DE LA SIERRA LÉONE ET LE BUREAU DE LA PREMIÈRE DAME N’ARRIVENT PAS À JUSTIFIER 5 MILLIONS DE DOLLARS DE CE FOND DIT LE RAPPORT…

L’AUDIT DÉVOILE DES STRATAGÈMES CLASSIQUES DE DÉTOURNEMENT DES FONDS PUBLICS: FAUSSES FACTURES, SUR-FACTURATIONS, SERVICES PAYÉS NON RENDUS, BIEN ACHETÉS NON LIVRÉS OU LIVRÉS EN DEÇA DE LA QUANTITÉ OU QUALITÉ PROMISE.

Le rapport a fait l’objet d’un débat au Parlement en juillet 2015. Mais lorsque le Président Koroma, sa femme et des parlementaires sont cités pour des utilisations à éclaircirconcernant d’importants fonds, difficilement ce débat pouvait conduire  aux conclusions auxquelles on pouvait s’attendre.

Au Liberia aussi, la General Auditing Commission (GAC) a examiné la manière dont les dons ont été utilisés. Citant des noms de dignitaires soupçonnés, le rapport a trouvé, entre autre que:

QUELQUES 800 000 $ DÉPENSÉS DANS LE CADRE DE LA LUTTE CONTRE LE VIRUS EBOLA AU MOMENT OÙ L’ÉPIDÉMIE A ATTEINT LE PIC L’AN DERNIER NE L’AVAIT PAS ÉTÉ FAIT EN TOUTE TRANSPARENCE,  DONT LA PLUPART PASSAIT À TRAVERS LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE..

Ce rapport a été rejeté par les responsables de  l’organisme Incident Management System Team, qui supervise la réponse du Libéria à l’épidémie du virus Ebola. Son rejet a obtenu le soutien et la défense de la Présidente du Liberia, Mme Ellen Johnson-Sirleaf, qui a déclaré lors d’une conférence de presse, le 13 avril 2015, selon un billet de Rodney D. Sieh publié sur le site frontpageafricaonline.com:

JE N’AI PAS LU LE RAPPORT D’AUDIT, MAIS J’EN AI REÇU UN BRIEFING. ET JE SAIS QU’IL SE POURRAIT QU’IL AIE EU DES ERREURS DE PROCÉDURES, MAIS JE CROIS QUE SI QUELQU’UN DIT QU’IL FAUT ACHETER UN BUS POUR TRANSPORTER DES GENS QUAND DES CENTAINES DE PERSONNES MEURENT DANS LA RUE, SANS PASSER À TRAVERS TOUT LE PROCESSUS D’APPEL D’OFFRES, JE VOUS LAISSE LE SOIN DE DIRE QU’ELLE EST LA MEILLEURE SOLUTION….

C’EST PENDANT CES JOURS DIFFICILES QUE NOUS AVONS DU  PRENDRE DES DÉCISIONS, DES DÉCISIONS QUI PEUVENT AVOIR ÉTÉ À L’ENCONTRE DE TOUTES LES PROCÉDURES.

Les lecteurs du site ont été nombreux a fustigé ces déclarations, comme Nyemade Wani, qui a relevé:

Donc, c’est seulement lorsque les choses vont bien dans le pays que les règles doivent être respectées? Ebola a été blâmé pour tout au Libéria, du chien qui mord quelqu’un au bourdonnement des moustiques à nos oreilles.
Un autre lecteur, Bestman K. Mondaye  relève que:
pour moi, la réponse de l’IMS ou des autorités nationales responsables de la lutte contre le virus Ebola n’est pas surprenante du tout, c’est le genre de système que nous avons dans notre pays ………………. ………….. aucun rapport d’audit n’a été accepté par tout audité depuis l’arrivée du Parti de l’unité, même lorsque John Morlu était DG.

 Un autre lecteur, Harrison Gunkarwon Paye Sr. de Monrovia, écrit:

Pourquoi ces gens sont tellement irrités à propos de ce rapport de vérification? Si leurs mains sont propres, je pense qu’ils devraient plutôt utiliser ce rapport d’audit en tant que plate-forme pour justifier leur travail à la population du Libéria par le dépôt d’une plainte contre le GAC ou encore le Libéria les gens vont penser autrement à leur sujet.
En Guinée, le pays d’où est partie l’épidémie, d’importants dons en nature et en argent ont été annoncés et la plupart délivrés. Ce sont au total 271.689.910 dollars qui auraient été débloqués à la daye du 20 mars 2015 selon un rapport de l’Association guinéenne pour la transparence livré en mars 2015, cité par Mamadou  Aliou Diallo pour le blog guineeconakry.info.
On n’est pas informé d’une réponse des autorités à la demande des comptes faite par Transparency International. Au niveau national, à plusieurs reprises des voix se sont élevées pour critiquer la manière dont les fonds étaient attribués.

Maurice CONDE, sur guineeemergence.com, rappelle que:

… LE PRÉSIDENT CONDE A TENU A FAIRE SAVOIR QUE ‘’L’ARGENT D’EBOLA N’EST PAS GÉRÉ À LA COORDINATION NATIONALE DE LUTTE CONTRE EBOLA’’. MAIS PLUTÔT, ELLE EXPRIME SES BESOINS À L’UNICEF QUI FAIT LE NÉCESSAIRE ET PRÉSENTE LA FACTURE À LA BANQUE MONDIALE. POUR AINSI DIRE, AUCUN DOLLAR N’EST PERÇU PAR LA COORDINATION, TOUT SE JOUANT ENTRE LES DONATEURS ET LES ONG.

Dans un article pour africaguinee.com, Diallo Boubacar 1, rappelle l’émergence d’ONG qui ont été créées par des personnalités qui n’avaient comme objectifs que détourner des fonds:

IL Y A, PAR EXEMPLE, UNE ONG DONT FODÉ TASS SYLLA, A PRÉFÉRÉ TAIRE LE NOM, QUI A DEMANDÉ UN FINANCEMENT DÉPASSANT LES DEUX MILLIARDS DE FRANCS GUINÉENS, POUR MENER UNE SENSIBILISATION SUR TOUTE L’ÉTENDUE DU TERRITOIRE NATIONALE. UNE AUTRE ONG ANONYME DEMANDE PLUS D’UN MILLIARD DE NOS FRANCS POUR SENSIBILISER SEULEMENT À CONAKRY. IL Y A UNE AUTRE QUI DEMANDE UN FINANCEMENT DE 30 MILLIONS DE FRANCS GUINÉENS POUR SEULEMENT LA PRODUCTION D’UNE CHANSON.

Un article de Fabien Offner  pour Médiapart publié sur le site de nrgui.com, qui traite de l’opacité dans la gestion des dons, citant Marc Poncin, Coordinateur des activités de  Médecins Sans Frontières contre l’épidémie d’Ebola en Guinée, rapporte:

« Je soupçonne que le manque d’organisation flagrant autour de la gestion des donations est délibéré, car cela permet toutes les dérives. Le président a bien tenu des discours de transparence et a demandé à l’OMS ou à d’autres agences d’être les garants de cette transparence, mais en même temps les moyens de cette transparence n’étaient pas donnés et ces agences n’avaient pas la volonté de faire des remous. »…

Au nom de sa diplomatie médicale, Cuba n’a pas bronché quand sa délégation a dû débourser près de 4 000 dollars de taxes pour faire atterrir son équipe médicale sur le tarmac de l’aéroport de Conakry. L’ambassadeur de Cuba, contacté, n’a pas souhaité s’exprimer. Selon ses communiqués, l’Unicef a distribué depuis septembre 2014 au moins 183 véhicules tout-terrain et 700 motos pour plus de six millions de dollars. Des véhicules destinés notamment au « suivi des contacts et aux missions de supervision ». Peu de gens doutent qu’une grande partie se retrouvera dans quelques mois dans les garages personnels de quelques notables locaux.

En plus du geste louable de la déclaration de ses biens faite le 6 janvier 2016, on attend, avec impatience que le Président Alpha Condé, nomme une commission pour faire l’audit sur l’utilisation des dons reçus.

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