La mésaventure des blogueurs de Zone9 en Éthiopie qui ont passé plus de 14 mois en prison sous l’accusation de terrorisme, pour avoir seulement exprimé leurs idées en matière politique, illustre bien l’intolérance de leur gouvernement. Malheureusement, c’est une pratique répandue dans plusieurs pays africains.
Voici le dernier article que j’ai traduit sur le réseau fr.globalvoices.org. “Notre détention raconte une histoire plus grande sur notre pays” : réflexions des blogueurs éthiopiens de Zone9
Il a été écrit en Amharic collectivement par les blogueurs de Zone9 et traduit en anglais par Endalk, professeur à l’université d’Arba Minch, chercheur sur les théories des nouveaux médias et des jeux vidéo. Il est aussi un des militants pour la liberté d’expression en Éthiopie.
Suite à leur acquittement et sortie de prison, les blogueurs éthiopiens de Zone9 évoquent ce qu’ils ont vécu et remercient leurs soutiens. Ces blogueurs ont été arrêtés en avril 2014 et poursuivis en vertu de la loi antiterroriste de l’Éthiopie. Cinq membres du groupe ont été libérés en juillet 2015 et les quatre autres ont été acquittés et libérés au cours de la semaine du 19 octobre 2015. En savoir plus sur leur affaire.
Ce billet a été collectivement écrit par les blogueurs de Zone9 et traduit de l’amharique en anglais par Endalk Chala.
Notre libération a été aussi surprenante que notre détention. Cinq d’entre nous ont été libérés après le “retrait” des accusations contre nous en juillet. Les quatre autres ont été libérés en octobre parce qu’ils ont été acquittés (sauf appel contre cet acquittement). Un autre membre de notre groupe, Befeqadu, a été libéré sous caution et va devoir se défendre en décembre de cette année. Même si nous avons été libérés dans des circonstances différentes, une chose nous rend tous semblables – notre forte conviction que nous ne méritions pas même un seul jour de prison.
Oui, c’est bien que nous soyons libres, mais nous avons été injustement arrêtés. Tout ce que nous avons fait était d’écrire et lutter pour la primauté du droit parce que nous voulons voir l’amélioration de notre pays et de la vie de ses citoyens. Cependant,
…écrire et rêver pour le meilleur pour notre nation nous a conduits à la détention, au harcèlement, à la torture et à l’exil. Injustement.
Ça nous rend heureux quand nous entendons les gens dire que notre mésaventure les a touchés. Mais ça nous rend aussi tristes quand nous apprenons que des gens ont peur d’écrire parce qu’ils ont vu ce que nous avons subi à cause de nos écrits. Notre incarcération nous fait ressentir bonheur et chagrin en même temps. Ce qui compte, c’est de savoir que nous avons inspiré des gens, mais c’est aussi triste que les gens aient renoncé au débat public suite à notre détention. Il est triste de savoir que notre détention a eu un effet dissuasif sur le débat public.
Nous sommes victimes de mauvaise conduite institutionnalisée. Mais cela ne dépasse pas notre capacité à pardonner. A nos geôliers qui nous ont soumis à ces épreuves, même s’ils n’attendent pas notre pardon, le voilà.
Notre incarcération nous a fait comprendre que nos vies passent. C’est vrai que nous avons oublié et perdu beaucoup de choses. Mais nous avons également beaucoup appris sur notre pays. Nous avons beaucoup appris. Notre détention raconte une histoire plus grande sur notre pays. Nous avons pu constater combien la liberté d’expression était chère. Nous sommes les témoins directs de l’injustice. Plus que tout, nous avons appris qu’une nation qui punit injustement est l’ennemie avant tout de ses citoyens respectueux des lois.
Nous sommes victimes d’un mauvaise conduite institutionnalisé. Mais cela ne dépasse pas notre capacité à pardonner. A nos geôliers qui nous ont soumis à ces épreuves, même s’ils n’attendent pas notre pardon, le voilà. Et pardonnez-nous, car nous sommes des citoyens respectueux des lois qui refusent de vivre selon vos conditions.
Vous qui nous avez soutenus à la fois dans les bons moments et les mauvais moments, ceux d’entre vous qui étiez avec nous, non seulement dans nos succès, mais aussi dans nos échecs, vous êtes magnifiques ! Vous êtes nos amis, vous êtes notre famille, vous étiez nos avocats, vous avez fait campagne pour nous, et vous avez défendu notre cause. Merci ! Les organisations de médias, les groupes de défense des droits et la communauté tout entière qui avez témoigné de la solidarité et de préoccupations pour notre cause. Merci ! Vous méritez tous notre profonde gratitude pour vos actions qui ont réduit la durée de notre incarcération et allégé notre ennui pendant que nous étions en prison.