C’est avec une profonde douleur que j’ai appris les détails sur les circonstances du massacre d’une équipe de sensibilisation en tournée pour informer la population sur la fièvre Ebola, son mode de contamination et les mesures de prévention.
C’est arrivée à Womey à 50 Km de Nzérékoré première étape de la campagne de sensibilisation que l’équipe a été prise à partie des gens armés. Mme Anna Diakité, Kabanews raconte les circonstances de l’agression mortelle:
Sept morts et deux disparus, c’est le bilan que le premier ministre, lui-même, a annoncé au cours de son adresse de circonstance. Les victimes étaient parties dans la localité de Wömè pour sensibiliser les populations dans le cadre de la lutte contre Ebola. Mais à leur plus grand étonnement, elles auront finalement eu en face leurs bourreaux. Reprochant à la délégation conduite par le gouverneur de N’Zérékoré en personne, de divulguer l’invention que constitue, à leurs yeux, l’épidémie, les populations de Wömè se sont attaqués à cette dernière comme s’il s’agissait d’ennemis pris au front. Quelques rares membres de la délégation ont réussi à fuir et a sauvé leur peau.
A Labé, à l’autre extrémité du pays, des plaisantins s’amusent à saper le travail d’information en cours en envoyant des SMS mensongers. Voici un message que Sally Bilaly Sow a publié sur Facebook
#GNstopEbola , #GuineeSansEbola Voilà pour quoi il le #Guinéen n’est pas facile à sensibiliser. En longueur de la journée, ce sont ces genres de messages #INTOX qui circulent dans les différents téléphones : #Lisez
**information : Une vaccination va commencer bientôt ne nous faisons pas vacciner en disant que c’est la prévention contre le virus Ébola, car ce vaccin est empoisonné par le virus Ébola uniquement pour détruire les Guinéens. Des docteurs sont payés pour cela avec des militaires armés. Ils passeront maison en maison, de quartier en quartier. Ne GARDE pas ce message pour toi seul, si tu aimes ton envoi le à tout ton répertoire.***
Nous demandons le concours des opérateurs de téléphonies de nous aider pour qu’on puisse stopper ces genres de messages. #GuinéeSansEbola
Dans un article sur guineenews.org, Amadou Tham Camara décrit le climat de peur dans lequel travaillent les membres du corps médical dans les principaux hôpitaux de Conakry, la capitale guinéenne:
Déjà traumatisé par la mort de six collègues au mois d’avril dernier, le personnel soignant de l’hôpital sino guinéen de Kipé est dorénavant dans une sinécure paranoïaque : les médecins refusent de soigner. Et tous les jours, ils maudissent le17 mars, ce jour où ils ont reçu ce patient venu de Dabola qui a contaminé neuf de leurs collègues… Dans les autres grands hôpitaux nationaux de Conakry, des services entiers ne sont plus ouverts à cause des cas d’Ebola détectés. Ainsi, depuis deux semaines, le service de réanimation de l’hôpital Ignace Deen est fermé. Le service gynécologique du même hôpital est barricadé pour les mêmes raisons. De même la maternité de l’hôpital Donka, la plus grande du pays, ne fonctionne plus.
Pendant ce temps, le Président Alpha Condé sillonnait le monde en faisant des déclarations à caractère médical sans consulter les spécialistes qui travaillent sur le terrain. Au siège de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) à Genève, il a déclaré:
Pour le moment, la situation est bien maîtrisée et nous touchons du bois pour qu’il n’y ait pas de nouveaux cas
Quelques jours plus tard, recevant ses pairs de la sous-région à Conakry, il les remerciait d’être allés à Conakry « malgré tout le bruit fait autour de l’Ebola », signifiant ainsi clairement ses doutes sur la réalité de l’épidémie. Ce « bruit » venait de Médecins sans frontières (MSF), qui avait estimé qu’avec 60 foyers actifs en Guinée, elle devenait « hors de contrôle ».
Le Président a entamé une violente diatribe contre MSF et l’OMS. Si dès lors, il avait pris les mesures nécessaires pour circonscrire les zones infectées, peut-être que le nombre de malades et l’extension géographique de l’épidémie n’auraient pas atteint le niveau actuel. Personnel soignant et religieux, c’est-à-dire ceux qui soignent les malades et ceux qui enterrent les morts, ne cachaient pas leurs préoccupations. Un article du site 20min.ch nous rapporte leurs opinions sur les déclarations du Président et le manque d’informations:
Ils ont tellement menti, Ebola est sous contrôle, Ebola c’est fini, Ebola c’est du passé»: pour un médecin furieux du plus grand hôpital de Conakry, les déclarations rassurantes des dirigeants guinéens ont joué un rôle dans la propagation du virus.
L’imam Thierno Ousmane Camara – une fonction très respectée en Guinée musulmane – demande lui «au président de ne pas minimiser cette maladie qui continue d’endeuiller des familles …
A Conakry, il n’y a plus de campagne d’information, ni à la radio, ni à la télévision, ni dans les rues, a constaté un journaliste de l’AFP. Dans les gares routières, au port et à l’aéroport, les contrôles sont réduits au strict minimum, voire inexistants.
Six mois après l’apparition de l’épidémie, le site de l’OMS pour l’Afrique faisait savoir que lors d’une réunion avec les autorités à laquelle participaient MSF ainsi que la Croix et le Croissant rouges, le Dr. Zitsamalé-Coddy, Représentant de l’OMS en Guinée avait attiré l’attention du gouvernement sur les difficultés que leurs organisations rencontraient sur le terrain:
Vingt-cinq (25) villages répartis dans 7 des 9 Sous-préfectures de Gueckédou font de la résistance à la mise en œuvre des activités, notamment les enterrements sécurisés, le suivi des cas contacts et les activités de sensibilisation. En outre, ces villages ne veulent plus de la présence des humanitaires dans leurs localités….
Des véhicules de MSF et de l’OMS ont subi des dommages en fin de semaine dernière. Nous plaidons pour une forte implication des autorités afin de nous permettre de continuer à travailler pour stopper la propagation de l’épidémie.
Malgré tous ses appels, le site de l’OMS pour l’Afrique publiait le 8 septembre, soit huit mois après le début de l’infection, un compte-rendu sur les contraintes constatées sur le terrain par une mission de l’ambassade américaine, la région où le drame s’est vérifié ces jours-ci:
Il s’agit, entre autres de : L’analphabétisme des populations ; les rumeurs ; la pesanteur des coutumes et des mœurs ; le manque d’implication des ressortissants crédibles des communautés dans la sensibilisation; l’insuffisance de la sensibilisation; le manque de confiance aux agents de la santé publique; l’insuffisance de moyens financiers et logistiques; l’insuffisance de kits d’hygiène; la faiblesse de l’émetteur de la Radio rurale locale; l’absence de Centre local de traitement d’Ebola ; le déplacement des malades et/ou des personnes contacts à l’intérieur de la Guinée et entre la Guinée, le Liberia et la Sierra Leone et les points d’entrées clandestins le long des frontières.
Mme Fatou Baldé Yansané, qui a participé à la réunion de restitution des résultats de cette mission en sa qualité de présidente de la coalition des femmes leaders de Guinée (COFEL), une des organisatrices du premier Téléthon en Guinée et qui rend compte régulièrement sur sa page Facebook des dons reçus des membres de la diaspora résidents dans plusieurs autres pays livre ses sentiments:
Leur constat est plus qu’alarmant car il y a des autorités au plus haut niveau dans la préfecture de Guéckédou qui n’ont aucune notion sur EBOLA à plus forte raison croire à l’existence de la maladie ou alors songer à sensibiliser pour prévenir.
Ce n’est pas étonnant que par ignorance des individus affamés de sang se livrent à des actes barbares contre le personnel soignant comme les évènements tragiques auxquels on vient d’assister. Les mensonges cachent mal la réalité!
Où est allé tout l’argent qui a été décaissé pour la lutte contre cette épidémie?