Né en 1916, mort en 2002 ; instituteur guinéen ; secrétaire général du Syndicat du Personnel Enseignant Africain de Guinée (1951 – 1958) puis du Syndicat National des Elèves et Enseignants de Guinée (SNEEG – 1958 à 1961) et secrétaire général de la Fédération des Enseignants de l’Afrique Noire (FEAN – à partir de 1952) ; Membre de la Fédération Internationale Syndicale de l’Enseignement (FISE) ; président du parti politique le Bloc Africain de Guinée (BAG – 1955 à 1958).
Ce billet a été extrait du site maitron.fr |
Koumandian Keïta est un instituteur guinéen formé à l’Ecole William Ponty. Il est marié à une institutrice soudanaise [aujourd’hui Mali], Kadé Sissoko, elle-même diplômée de l’Ecole normale de Rufisque. Il est élu à la tête du Syndicat du Personnel Enseignant Africain de Guinée en 1951 et anime, à partir de 1952, son organe de presse, intitulé L’école guinéenne, avec d’autres instituteurs engagés comme Tibou Tounkara, Mamadou Traoré dit « Ray Autra », Mamadou Aribot, Kafory Bangoura et Fodé Lamine Touré. Il parvient à faire grimper les adhésions de 60 à 224 syndiqués entre 1951 et 1953, ce qui correspond à l’engouement plus général des travailleurs guinéens pour le syndicalisme dans ces années-là.
Au congrès syndical de Labé, du 11 au 15 août 1953, il propose la scolarisation massive des enfants, un programme de constructions de bâtiments scolaires, la formation et la valorisation des enseignants et la mise en place de « comités de défense de l’Ecole guinéenne » engageant la participation des parents d’élèves.
Sa popularité est liée à ses interventions répétées pour contrer les sanctions administratives frappant les enseignants. Il est décrit par certains instituteurs de l’époque comme un homme cultivé et un orateur de talent. Parallèlement à ses fonctions territoriales, il exerce aussi des responsabilités à la Fédération des Enseignants de l’Afrique Noire, à partir de 1952.
En août 1955, il devient le premier président du Bloc Africain de Guinée (BAG), un parti issu d’une coordination des associations régionales de Guinée (le Comité d’Entente Guinéenne), rassemblant les notables des différentes régions sous la houlette de Barry Diawadou. Ce parti était le principal rival du Parti Démocratique de Guinée, section guinéenne du Rassemblement Démocratique de Guinée, dirigé par Sékou Touré à partir de 1952. Keïta Koumandian avait été choisi comme secrétaire général du BAG précisément parce qu’il était capable de concurrencer Sékou Touré sur son propre terrain en tant que syndicaliste de la fonction publique et malinké membre de l’Union du Mandé.
De fait, Keïta Koumandian s’impose comme une personnalité syndicale de premier plan. Lors du congrès constitutif de l’Union Générale des Travailleurs d’Afrique Noire (UGTAN) à Cotonou en janvier 1957, il représente les enseignants de Guinée et la Fédération des Enseignants de l’Afrique Noire. Il est aussi membre de la Fédération Internationale des Syndicats de l’Enseignement (FISE). Il est élu, aux côtés de Sékou Touré et Abdoulaye Diallo (dit « Ghana » ou « syndicaliste »), membre du comité directeur de l’UGTAN.
Il anime la contestation des enseignants contre le gouvernement guinéen à deux reprises, en 1957 et 1961. En août 1957, le congrès des enseignants tenu à Mamou aborda les thématiques suivantes : l’organisation des sections syndicales, le problème du logement, des locaux scolaires, de la réforme de l’enseignement, de la laïcité et de la scolarisation des associations de parents.
Lu sur la page Wikipedia consacrée à Koumandian Keita:Les débuts politiques de Koumandian Keita sont peu connus. Peut-être était-il membre d’un groupe d’étude communiste (GEC). Il aurait voyagé à Bamako avec Mamadou Madeira Keita (fi), Amara Souma, Abdourahmane Diallo, Sékou Touré et Lamine Kaba pour assister à la fondation du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) en 1948. En parallèle avec ses activités syndicales, Koumandian se lança dès le début des années 50 dans des activités politiques. Il fonda l’Union du Mandé avec, entre autres, Sinkoun Kaba et Framoï Bérété. Puis, en 1954, il fondait avec Diawadou Barry de Bloc africain de Guinée. Selon les administrateurs français observant les courants politiques guinéens, les relations entre Koumandian Keita et Sékou Touré furent tendues depuis le début. Des membres dirigeants du Syndicat des Enseignants ne se privaient pas de qualifier le Parti Démocratique de Guinée (la branche guinéenne du RDA) comme une organisation d’illettrées; Koumandian aurait traité Sékou Touré en 1953 d’arriviste mal éduqué. L’intellectualisme de Koumandian et son attachement à la France n’allait cependant pas aider à promouvoir la cause de son parti politique. Koumandian savait parfaitement négocier avec les hauts fonctionnaires du Rectorat; il était beaucoup moins à l’aise dans un environnement politique où la plupart des voteurs étaient analphabètes. Les élections municipales de 1956 étaient dramatiques pour le BAG, le parti de Koumandian recevait que 2 % des votes à Kankan, 3 % à Conakry, 11 % à Kindia. |
Alors que le PDG-RDA était devenu le parti majoritaire et dirigeait le gouvernement semi-autonome de la Guinée issu de la loi cadre, les enseignants choisirent de reconduire le mandat de Keïta Koumandian, pourtant rival politique de Sékou Touré. Ils votèrent aussi une motion contre la « balkanisation » induite par la loi-cadre de 1956, dénoncèrent « l’embourgeoisement naissant d’une minorité d’Africains » et reprochèrent au nouveau gouvernement guinéen de poursuivre la pratique des mutations administratives comme outil de répression politique (un cas litigieux les opposait au gouvernement, celui du militant Mamadou Traoré dit Ray Autra).
Le gouvernement territorial réagit par l’intransigeance, en s’étonnant qu’un congrès rassemblant une majorité de militants du PDG puisse en arriver à voter des motions « anti-RDA » et accusant Keïta Koumandian de les subvertir. Le conflit dura jusqu’à début novembre, mais les enseignants, bien que solidaires de leur syndicat et de son secrétaire général, finirent par céder en constatant qu’ils n’avaient pas le soutien des parents d’élèves.
En 1958, il se prononce en faveur de l’indépendance et rédige plusieurs éditoriaux, dans l’Ecole guinéenne, pour célébrer l’accès à la souveraineté. Il préconise la décolonisation des programmes scolaires (histoire, géographie, morale) : « l’Ecole doit associer le respect des traditions les plus valables, les cultures africaines, avec les conquêtes scientifiques et l’apport culturel des autres pays ». Il participe ainsi à la réforme de l’enseignement en Guinée au lendemain de l’indépendance.
Keïta Koumandian joue également un rôle clé dans la crise majeure entre les syndicats des enseignants et le gouvernement qui éclate quatre ans plus tard, après l’indépendance, lors du « complot des enseignants » de 1961. Le désaccord portait sur la revalorisation de la fonction enseignante. Les instituteurs considéraient qu’ils avaient subi plus durement que d’autres cadres la refonte des salaires de la fonction publique. Mais la réforme proposée par le gouvernement en septembre 1961 les surprit et les déçut. Ils rédigèrent alors un mémorandum, en date du 3 novembre 1961, qui critiquait ce nouveau statut, notamment la suppression d’un certain nombre d’indemnités.
Lorsque le congrès de la Confédération Nationale des Travailleurs de Guinée (CNTG) se réunit, du 16 au 18 novembre 1961 à Conakry, l’ambiance était surchauffée. Les enseignants y étaient venus en grand nombre (220 sur 400 délégués) pour faire approuver leur mémorandum, qui suscitait par ailleurs quelques espoirs chez les autres cadres de la fonction publique pour une amélioration de leur traitement. Lorsque Keïta Koumandian monta à la tribune, il fut tellement ovationné que la séance fut suspendue. Sékou Touré arriva à la Bourse du travail pour défendre la nouvelle République et accusa le SNEEG de menées subversives.
La nuit même du 18 novembre, Koumandian Keïta est arrêté, puis jugé par un tribunal ad hoc et condamné à dix ans de travaux forcés le 23 novembre, aux côtés de quatre de ses collègues (Djibril Tamsir Niane, Mamadou Traoré dit Ray Autra, Seck Bahi, Ibrahima Bah Kaba). Dans son témoignage, il affirme avoir été successivement détenu au Camp Almamy Samory (décembre 1961-avril 1962), au Camp de Camayenne, le futur Camp Boiro (avril-décembre 1962), à l’hôpital municipal de Conakry (décembre 1962-mai 1963), dans la petite ville de Somayah, à côté de Coyah, puis de nouveau au Camp de Camayenne (septembre 1964-septembre 1966) et enfin dans la ville de Macenta (septembre 1966 – octobre 1967). Il y subit des tortures diverses pour lesquels il met en cause principalement le Ministre de l’Intérieur Fodéba Keïta et le chef des services de sécurité Moriba Magassouba. Il semble qu’il ait perdu la raison à la suite de sa détention et des mauvais traitements qu’il y a subis.