C’est triste de voir à quel point de petits intérêts personnels peuvent faire perdre à Hadja Saran Daraba le sens de la vérité. Sinon comment peut-on expliquer qu’une personnalité de son niveau, elle qui est entre autre l’une des fondatrices du Réseau des femmes de la Mano River Union, elle qui se vante d’avoir travailler avec de nombreux docteurs, non seulement guinéens mais aussi provenant d’autres pays africains, puisse affirmer que le tyran ne connaissait pas les horreurs infligées aux victimes dans ses camps de la mort pour leur extirper de fausses confessions ou bien qu’il y a une hiérarchisation des prisonniers politiques du régime sanguinaire de Sékou Touré?
Si même elle, elle connait les degrés de difficultés des différents camps de concentration comment peut-elle affirmer que le tyran n’était au courant de rien, lui qui, par le travail zélé de ses milliers de miliciens, savait tout ce qui se passait dans le pays?
Elle reconnaît tout de même, qu’il y a eu bel et bien des tortures dans les camps Boiro, Alpha Yaya et Kindia. Qu’elle nous dise donc alors qui torturait dans ces camps et sur ordre de qui? Elle ne peut nier que Sékou Touré savait au détail près (par plusieurs sources: armée, gendarmerie, milice, membres des comités révolutionnaires et même par quelques détenus) ce qui se passait dans ces camps et dont il était l’ordonnateur attitré, principal. Qui d’autres aurait pu ordonner les arrestations massives et successives, ayant entraîné la mort de plusieurs milliers de personnes, par pendaison, exécution, diète et autres formes de liquidation, sans que ne le sache le mandataire de ce gâchis dont le pays continue d’en payer les conséquences 36 ans après sa disparition?
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En outre il y a ces nombreux survivants qui ont raconté comment fonctionnait la chaine de commandement entre ce qu’ils enduraient et le tyran. A titre d’exemple, il y a le cas de Sagno Mamadi. Voici le témoignage, cité par Alsény Gomez dans son livre « Camp Boiro. Parler ou périr’’:
Membre fondateur du parti en région forestière, Sagno Mamadi, ancien ministre de la Défense, véritable force de la nature, râblé, tout en muscles, avait fini par se convaincre que tout ce qui se passait à Boiro était l’œuvre et n’était l’œuvre que d’Ismaël, à l’insu de son frère. Il se servit donc des papiers et des stylos qu’on lui avait remis pour sa déposition, pour écrire à ce dernier et l’informer de tout, par le menu détail. Il trouva un garde qui se chargea de la transmission de sa correspondance. Celle-ci parvint à son destinataire qui la lut et la renvoya à Ismaël avec l’annotation: « président comité révolutionnaire » suivie de son paraphe, et, comme en interligne :
- Tu te targues de ta vigilance, comment expliques-tu que cette correspondance me soit parvenue? »
Si comme elle dit pendant 26 ans Sékou Touré n’a pas conduit la Guinée seul et qu’il y avait une équipe, mais qui osait le contredire?
Elle affirme avoir perdu ses parents ainsi que 41 personnes de sa famille dans les prisons de Sékou Touré. Après de telles pertes, comment peut-elle défendre le régime qui les lui a infligées ? Est-ce uniquement le résultat de la banalisation des crimes de Sékou Touré ou de mesquins profits politiques personnels?
En énumérant les performances de la Guinée, notamment en ce qui concerne la promotion de l’art, elle oublie comment a fini Keita Fodéba créateur des célèbres Ballets Africains de Keita Fodéba rebaptisés ensemble national de la Guinée en 1960. Des créations artistiques pendant sa trop longue présidence, qu’est-ce qui est resté aujourd’hui pour la postérité à part celles de Sory Kandja, le seul chanteur guinéen qui ait refusé d’être le griot du régime?
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Hadja Saran pourrait-elle nous expliquer quant aux performances économiques du régime dictatorial, comment se fait-il qu’un tiers de la population avait fui le pays, cet Eldorado, pour aller se réfugier principalement dans les pays voisins? Ils avaient fui le manque d’électricité, d’eau courante, de route et la valeur de la monnaie qui n’atteignait pas celle du papier ou du métal avec lesquels elle était faite. Les militaires ont du la dévaluer d’environ 90 pour cent.
La réalité est celle que nous relate Horoya du 3 avril 1984, organe officiel du PDG que le journaliste marocain Mohamed Selhami, nous rappelle dans son livre Sékou Touré: Ce qu’il fut. Ce qu’il a fait. Ce qu’il faut défaire:
Pendant plus de deux décennies, le peuple de Guinée, labouré dans sa chair et son âme par des mains sanglantes, a connu le plus grand calvaire de son existence. Dans l’éclipse totale, il a marché en égrenant le chapelet de la faim, de la soif et de l’ignorance. Dépersonnalisé par une politique de chasse à l’homme, une politique d’individus tarés, avides de pouvoir personnel. Le peuple guinéen n’avait jamais goûté à un seul instant de bonheur…
Au lieu de la mamaya dont la Guinée a été abreuvée pendant 26 ans, on aurait préféré plus d’écoles, plus d’hôpitaux, plus de routes, une production agricole capable de nourrir la population., etc.