Lors de sa visite au Bureau des Nations unies à Nairobi, le Pape François a fait un discours que j’ai bien aimé et qui tombe bien à propos avec l’ouverture ce 30 novembre de la COP21 à Paris.
Il a commencé par commenter un geste simple qu’il venait d’accomplir dans le jardin de l’UNON: planter un arbre!
Le Pape François a abordé plusieurs domaines:
Planter un arbre, c’est d’abord une invitation à continuer de lutter contre des phénomènes tels que la déforestation et la désertification. Cela nous rappelle l’importance de protéger et d’administrer de façon responsable ces « poumons de la planète pleins de biodiversité [comme nous pouvons bien l’apprécier dans ce continent avec] le bassin du fleuve Congo », lieu important pour toute la planète et pour l’avenir de l’humanité »….
Dans quelques jours, commencera à Paris une importante rencontre sur le changement climatique, où la communauté internationale, en tant que telle, se confrontera de nouveau à cette problématique. Ce serait triste et j’ose le dire, catastrophique, que les intérêts particuliers l’emportent sur le bien commun et conduisent à manipuler l’information pour protéger leurs projets….
« Le climat est un bien commun, de tous et pour tous ; […]
Le changement climatique est un problème global aux graves répercussions environnementales, sociales, économiques, distributives ainsi que politiques, et constitue l’un des principaux défis actuels pour l’humanité, dont la réponse « doit incorporer une perspective sociale qui prenne en compte les droits fondamentaux des plus défavorisés ». Car « l’abus et la destruction de l’environnement sont en même temps accompagnés par un processus implacable d’exclusion ».
La COP21 est un pas important dans le processus de développement d’un nouveau système énergétique, qui dépende le moins possible des combustions fossiles, vise l’efficacité énergétique et se structure grâce à l’utilisation d’énergie au contenu en carbone réduit ou nul. Nous sommes face au grand engagement politique et économique qui consiste à reconsidérer et à corriger les dysfonctionnements et les distorsions du modèle de développement actuel…
Nous devons veiller à ce que nos institutions soient réellement efficaces » (Ibid.). C’est pourquoi j’espère que la COP21 débouchera sur la conclusion d’un accord global et ‘‘transformateur’’ fondé sur les principes de solidarité, de justice, d’équité et de participation, et qui oriente vers la réalisation de trois objectifs, à la fois complexes et interdépendants : l’allègement de l’impact du changement climatique, la lutte contre la pauvreté et le respect de la dignité humaine…
Malgré de nombreuses difficultés, s’affirme la « tendance à concevoir la planète comme une patrie, et l’humanité comme un peuple qui habite une maison commune ». Aucun pays « ne peut agir en marge d’une responsabilité commune. Si nous voulons réellement un changement positif, nous devons humblement assumer notre interdépendance ». Le problème naît lorsque nous croyons qu’interdépendance est synonyme d’imposition ou de soumission de quelques-uns aux intérêts des autres. Du plus faible au plus fort.
Un dialogue sincère et ouvert est nécessaire, avec la coopération responsable de tous : autorités politiques, communauté scientifique, entreprises et société civile…
Le changement de direction dont nous avons besoin, il n’est pas possible de le réaliser sans un engagement substantiel à travers l’éducation et la formation. Rien ne sera possible si les solutions politiques et techniques ne sont accompagnées d’un processus d’éducation qui promeuve de nouveaux styles de vie. Un nouveau type de culture. Cela exige une formation destinée à susciter chez les enfants, les femmes et les hommes, les jeunes et les adultes, l’assimilation d’une culture de protection; la protection de soi-même, la protection de l’autre, la protection de l’environnement; en lieu et place de la culture de détérioration et de rejet…
Ils sont nombreux les visages, les histoires, les conséquences évidentes chez des milliers de personnes que la culture de la détérioration et du rejet a conduit à sacrifier aux idoles du gain et de la consommation. Nous devons nous protéger d’un triste signe de la ‘‘mondialisation de l’indifférence’’, qui nous fait lentement nous ‘‘habituer’’ à la souffrance de l’autre, comme si elle était normale », ou pire encore, qui nous conduit à la résignation face aux formes extrêmes et scandaleuses de ‘‘rejet’’ et d’exclusion sociale, comme sont les nouvelles formes d’esclavage, le trafic des personnes, le travail forcé, la prostitution, le trafic d’organes. « L’augmentation du nombre de migrants fuyant la misère, accrue par la dégradation environnementale, est tragique ; ces migrants ne sont pas reconnus comme réfugiés par les conventions internationales et ils portent le poids de leurs vies à la dérive, sans aucune protection légale ». Ce sont de nombreuses vies, de nombreuses histoires, de nombreux rêves qui se noient dans notre présent. Nous ne pouvons pas rester indifférents face à cela. Nous n’en avons pas le droit.
Parallèlement à la négligence de l’environnement, depuis un certain temps, nous sommes témoins d’un rapide processus d’urbanisation qui, malheureusement, conduit souvent à une «croissance démesurée et désordonnée de beaucoup de villes qui sont devenues insalubres [et] inefficaces » (Ibid., n. 44). Et ce sont aussi des endroits où se répandent des symptômes préoccupants d’une tragique rupture des liens d’intégration et de communion sociale, qui conduit à l’« augmentation de la violence et [à] l’émergence de nouvelles formes d’agressivité sociale, [au] narcotrafic et [à] la consommation croissante de drogues chez les plus jeunes, [à] la perte d’identité » (ibid. n. 46), au déracinement et à l’anonymat social (cf. ibid. n. 149).
Je voudrais exprimer mon encouragement à tous ceux qui, au niveau local et international, travaillent pour que le processus d’urbanisation devienne un instrument efficace en vue du développement et de l’intégration, afin de garantir pour tous, et surtout aux personnes qui vivent dans les quartiers marginaux, des conditions de vie dignes, garantissant les droits fondamentaux à une terre, à un toit et au travail. Il est nécessaire de promouvoir des initiatives de planification urbaine et de protection des espaces publics qui aillent dans ce sens et prévoient la participation des habitants, essayant de combattre les nombreuses inégalités et les poches de pauvreté urbaine, non seulement économiques, mais aussi et surtout sociales et environnementales. La prochaine Conférence Habitat-III, prévue à Quito en octobre 2016, pourrait être un moment important pour identifier les façons de répondre à ces problématiques.
Dans quelques jours, cette ville de Nairobi, abritera la 10ème Conférence Ministérielle de l’Organisation Mondiale du Commerce. En 1971, face à un monde toujours plus interdépendant, et anticipant de quelques années la présente réalité de la globalisation, mon prédécesseur Paul VI réfléchissait sur la manière dont les relations commerciales entre les Etats pourraient être un élément fondamental pour le développement des peuples ou, au contraire, cause de misère et d’exclusion ( Cf. Paul VI, Populorum progressio, nn. 56-62). Même en reconnaissant tout l’effort réalisé dans ce domaine, il semble qu’on ne soit pas encore arrivé à un système commercial international équitable et totalement au service de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Les relations commerciales entre les Etats, une part indispensable des relations entre les peuples, peuvent tant servir à porter préjudice à l’environnement qu’à l’assainir et le rendre sûr pour les générations futures.
Je forme le vœu que les délibérations de la prochaine Conférence de Nairobi ne soient pas un simple équilibre des intérêts en conflit, mais un vrai service à la sauvegarde de la maison commune et au développement intégral des personnes, surtout des plus défavorisées. En particulier, je veux m’unir aux préoccupations de nombreuses réalités engagées dans la coopération au développement et dans l’assistance sanitaire – dont les congrégations religieuses qui aident les plus pauvres et exclus – préoccupations qui concernent les accords sur la propriété intellectuelle et l’accès aux médicaments ainsi qu’aux soins essentiels de santé.
Les Traités de libre commerce régionaux sur la protection de la propriété intellectuelle, en particulier dans le domaine pharmaceutique et biotechnologique, non seulement ne doivent pas limiter les facultés déjà accordées aux Etats par les accords multilatéraux, mais, au contraire, devraient être un instrument pour assurer un minimum d’assistance sanitaire et d’accès aux traitements de base pour tous. Les discussions multilatérales, à leur tour, doivent donner aux pays les plus pauvres le temps, la flexibilité et les exceptions nécessaires à une adaptation ordonnée, et non traumatisante, aux normes commerciales.