Chaque année au Bangladesh, 62 000 nouveau-nés meurent après la naissance – dont la moitié, le premier jour de leur vie. Partant du principe que si « un nouveau-né est allaité avec du lait maternel dans l’heure suivant la naissance, jusqu’à un tiers de ces décès pourraient être évités », l’Institut bangladais pour la santé de la mère et de l’enfant a lancé l’initiative de créer un lactarium, c’est-à-dire un endroit où les bébés qui n’ont pas la chance d’avoir une maman en mesure de les allaiter pourraient en recevoir d’autres femmes qui en ont en excès, sous des conditions bien strictes. Mais il y a des gens qui s’y opposent pour des motifs religieux. Pourtant, il y a des pays à majorité musulmane qui ont créé des lactariums, dont l’Iran.
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Pour la première fois au Bangladesh, un lactarium — une initiative de l’Institut bangladais pour la santé de la mère et de l’enfant, un hôpital du quartier de Matuail à Dhaka — a été créé pour conserver le lait maternel pour les nouveau-nés qui ne peuvent pas l’obtenir de leur mère.
Les mères allaitantes qui ont perdu leur nourrisson ou à qui il reste du lait après avoir allaité leur bébé peuvent donner du lait maternel au centre. L’idée est que le don soit gratuit : il n’y aura aucune compensation pour les donneuses et le lait sera disponible gratuitement pour les bénéficiaires. Cependant, le lancement du lactarium a été reporté à plusieurs reprises, vraisemblablement en raison des sensibilités religieuses des Bangladais conservateurs, principalement les islamistes convaincus.
L’importance du lait maternel pour les nouveau-nés
Bien que l’allaitement maternel soit idéal pour les nouveau-nés, la réalité est que certains bébés ne peuvent pas avoir le lait de leur mère. Certains ont perdu leur mère lors de l’accouchement, d’autres peuvent être adoptés et certaines mères sont incapables d’allaiter leur bébé pour des raisons diverses.
Cependant, de nombreux bébés ne peuvent pas développer suffisamment leur système immunitaire sans lait maternel. Certains nouveau-nés, qui ne peuvent pas digérer le lait de vache ou le lait en poudre, se retrouvent en soins intensifs et risquent de mourir s’ils n’ont pas accès au lait maternel.
Bien que le lancement officiel du lactarium ait été prévu pour le 1er décembre 2019, il a été reporté suite aux objections [bn] de certaines organisations religieuses et de particuliers, qui considèrent l’initiative comme anti-Islamique.
Pourquoi s’opposer au lactarium ?
L’organisation Tafsir Parishod, a mis en garde [bn] contre les conséquences d’avoir des « frères de lait » inconnus, une situation qui, selon elle, pourrait se produire à cause du lactarium.
L’islam encourage l’allaitement jusqu’à deux ans, mais une fois que les nourrissons sont allaités par une mère nourricière, elle devient une « mère de lait » pour l’enfant — une relation qui détient des droits spéciaux au regard de la loi islamique. L’enfant allaité est reconnu comme un demi-frère des autres enfants de la mère nourricière, et le mariage entre eux est interdit. Les islamistes conservateurs craignent donc que le lactarium ne rende difficile l’identification des « mères de lait » et des « frères et sœurs de lait » qui en résultent. Si, à l’avenir, les « frères et sœurs de lait » devaient se marier, cela serait considéré comme haram (péché) [fr].
Citant les textes sacrés de l’Islam, Saiful Islam a tweeté :
L’interdiction du mariage sur la base des relations inclut les relations issues de la mère de lait – #Bukhari et #Musulman (Hadiths).Vous sont interdites (pour le mariage) vos mères de lait et sœurs de lait – Sourate : Nisa-25 (du Coran)Je demande instamment la fermeture immédiate du lactarium.
Mamunur Rashid a également jugé préférable de ne pas prendre ce risque :
Le mariage entre frères et sœurs du lait est interdit. Si le lait maternel provient du centre, le receveur ne saura pas si la personne qu’elle épousera à l’avenir a reçu le même lait. Il y a un risque de haram et il vaut mieux éviter cela.
Mohammad Mahmudul Hasan, un avocat de la Cour suprême du pays, a déjà envoyé un avis juridique [bn] contre le lactarium aux autorités concernées, en citant les complications juridiques et religieuses du don de lait.
Toutefois, le Dr Mujibur Rahman, qui dirige le projet du don de lait maternel, a défendu le centre dans une interview accordée à la Bangla Tribune [bn], expliquant qu’il y aura un relevé précis des donneuses et des bénéficiaires: