Après les évènement du 22 novembre 1970, le dictateur a instauré un climat de peur ouvrant la période de la terreur qui lui servit à éliminer de nombreux cadres, entrepreneurs et citoyens lambda. C’est une parodie de justice qui porta à la condamnation à mort de 29 civiles pour la plupart des hauts cadres et des entrepreneurs d’un pays qui avait atrocement besoin de ceux-ci pour son développement, 21 militaires de tout rang, de 21 personnalité civiles par contumace, de 12 anciens militaires et à la prison à perpétuité de 68 autres à perpétuité et l’expulsion des épouses étrangères des condamnés. On s’étonnera de trouver le nom de Alpha Condé, actuel Président de la Guinée, parmi les condamnés par contumace. En effet, après ses récentes déclarations qu’il entretenait de bonnes relations avec le tyran qui le recevait d’après lui, il est évident que sa condamnation n’était qu’une tentative de mystification pour mieux camoufler le fait qu’il était un traitre au sein des groupes de Guinéens qui vivaient à l’extérieur. Ce billet est extrait du Chapitre 65. – 22 novembre 1970 – Forces portugaises et opposants débarquent à Conakry et ouvrent la « Période sombre de l’histoire de la Guinée » du mémoire de feu l’ambassadeur de la France en Guinée, André Lewin, intitulé Ahmed Sékou Touré (1922-1984). Président de la Guinée 1958-1964). |
Un Comité révolutionnaire est institué, présidé dans un premier temps par Moussa Diakité, ensuite par Ismaël Touré. C’est ce comité et sa commission d’enquête qui, installés au camp Boiro, mèneront pendant des mois les interrogatoires de dizaines et de dizaines de détenus, et obtiendra, grâce aux méthodes que l’on imagine, les dépositions qui seront ensuite publiées dans la presse et dans plusieurs Livres Blancs sur l’agression portugaise ou sur l’action de la 5ème colonne.
Lire également: Les effets pervers du système de gouvernement par la méthode du complot permanent adopté par Sékou Touré
Les arrestations sont très nombreuses, et elles concernent essentiellement des Guinéens ou des étrangers (Libanais, Français, Allemands), puisqu’une grande partie des agresseurs qualifiés de mercenaires ont pu se rembarquer et fuir. Outre les mercenaires eux-mêmes, il y a donc une longue liste de traîtres, de complices, d’espions, de spéculateurs et de trafiquants, ainsi que des personnes qui n’auront pas dénoncé des faits dont ils avaient été le témoins ou dont ils avaient connaissance. Sékou Touré ouvre le 18 janvier 1971, avec Nkrumah assis à ses côtés la session extraordinaire de l’Assemblée nationale guinéenne, qui par une loi votée le même jour s’est érigée en Tribunal Révolutionnaire Suprême “pour juger de tous les crimes et délits commis en corrélation avec les événements des 22, 27 et 28 novembre 1970” (ces deux dernières dates sont celles des incursions frontalières à partir de la Guinée-Bissau). Les membres du Bureau Politique National du Parti, des ministres et d’autres responsables nationaux ou régionaux prennent ensuite la parole, successivement :
- Saifoulaye Diallo
- Lansana Béavogui
- Général Lansana Diané
- Mamouna Touré
- Ismaël Touré
- Nfamara Keita
- Sékou Chérif
- Barry Sory
- Kaba Mamadi
- Emile Condé
- Diallo Alpha Amadou
- Bela Doumbouya
- Dramé Alioune
- Moussa Diakité
- Diallo Alpha « Porthos »
- Damantang Camara
- Marcel Mato
- Alassane Diop
- Hadja Mafory Bangoura
- Nenekhali Camara Condetto
- Tibou Tounkara
- El Hadj Salifou Touré
- Mamadi Sagno
- Mohamed Lamine Touré
- Mamadi Keita
- Louis Senainon Béhanzin
- Toumani Sangaré
- Mohamed Bangoura Kassory
- Lamine Condé
- Diallo Alpha Taran
- Bangoura Karim…
Tous font des déclarations souvent d’une grande violence, clament leur fidélité au président, au Parti, à la Révolution, et tous réclament des châtiments exemplaires (pratiquement tous préconisent la peine de mort pour une grande partie des 231 inculpés, qu’ils soient guinéens ou étrangers), la confiscation de leurs biens, ainsi que la rupture des relations diplomatiques avec les pays qui sont complices de l’agression.
Triste paradoxe, ironie du sort, ou tragique retournement de situation : plusieurs parmi les responsables qui se sont montrés les plus sévères dans leurs déclarations seront eux -mêmes arrêtés au cours des mois suivants, seront à leur tour torturés et jugés, seront exécutés, mourront de diète noire, disparaîtront purement et simplement, ou resteront de longues années au Camp Boiro avant d’être graciés ou libérés :
- Émile Condé
- Marcel Mato
- Alioune Dramé
- Bangoura Karim
- Alassane Diop
- Alpha-Abdoulaye Porthos Diallo
- etc…
Le 19 janvier 1971, la commission d’enquête du Comité Révolutionnaire remet au Tribunal Révolutionnaire Suprême (c’est-à-dire à l’Assemblée nationale) son rapport, qualifié de « magistral ».
L’acte d’accusation est immédiatement dressé
Les trente Fédérations régionales du PDG ont délibéré et fait part au Tribunal révolutionnaire des peines qu’ils préconisent, tant pour les détenus arrêtés en 1970 que pour ceux qui restent encore emprisonnés à la suite du « complot des militaires ». On sait dès le 21 janvier que la peine de mort a été abondamment réclamée. Les Fédérations demandent en outre « la répartition des condamnés dans toutes les régions pour que le peuple leur inflige le châtiment qu’ils méritent.
Par ces motifs
En exécution de ces dispositions de la loi CONDAMNE :
A la Peine Capitale
- Francisco Joseph Sampayion
- Mariyore Techera
- Antoine Kouya
- Jean Moréa
- Loua Paul, lieutenant
- Lama Michel, sergent
- Baldet Abdoulaye, 1ère classe
- Sow Alfa Oumar, 2ème classe
- Baldé Thierno Moussa, 2ème classe
- Diallo Talla Yéro
- Baldé Abdourahmane, agent Tourisme
- Baldet Ousmane, secrétaire d’Etat au Plan
- Fofana Almamy, directeur adjoint S.N.E.
- Makadji Tidiane, agent S.N.E.
- Condé Sékou, agent S.N.E.
- Camara Sékou, secrétaire d’Etat au Commerce Extérieur
- Sylla Mamadouba, chef réseau S.N.E.
- Dramé Lamarana, aide-ingénieur S.N.E.
- Makassouba Moriba, directeur cabinet Domaine Social
- Barry Ibrahima dit Barry-III, secrétaire d’Etat Contrôle Financier
- El Hadj Habib Tall, directeur à la Présidence
- Hadja Loffo Camara, sage-femme
- Kéita Kara de Soufiana, commissaire de Police
- Soumah Issiaga, president de Comité Conakry-I
- Soumah Théodore, directeur adjoint B.G.C.E.
- Camara Boundou, Bureau Fédéral Conakry-II
- Camara Bakary, président du Comité Madina-Cité-II, Conakry II
- Conté Ansou, Bar Eldorado
- Kaba Laye, commerçant Kankan (…)
A Mort par Contumace
- David Soumah, directeur IPRAO Dakar
- Konaté Mamadi, directeur école Dakar
- Kéita Moussa, fonctionnaire Dakar
- Soulé Sidibé, inspecteur de Police Commissariat Central Dakar
- Barry Moundjirou, Prestations Familiales Dakar
- Amara Soumah, agent à la B.I.A.O. Place Indépendance Point E
- Diallo Mamadou, Douane Dakar
- Diallo Sadou Bobo, Dakar
- Diallo Siradiou, correspondant Jeune Afrique Paris
- Ibrahima Kaké, professeur Paris
- Docteur Diallo Moustapha dit Tout-Passe, Paris
- Condé Alpha, professeur Paris
- Docteur Charles Diané, Monrovia
- Docteur Conté Saidou, Abidjan
- Diallo Mamoudou Lélouma, Paris
- Condé Sako, Paris
- Condé Julien, France
- Sow François Durand, France
- Sy Savané Sékou Oumar, Paris
- Firmin Johnson, infirmier à Dakar
- Sow Alpha Ibrahima, à Paris
Anciens Militaires
- Commandant Diallo Thierno, SICAP Liberté-II Dakar
- Lieutenant Boiro Yaya, Sénégal
- Barry Antoine, officier de réserve Cité Amitié face Point E, Dakar
- Capitaine Dieng, quartier Pikine, Dakar
- Capitaine Diawara, quartier Thialy, Thies
- S/Lieutenant Diallo Chérif, Fann quartier Wagou-Niaye, Maison 217, Dakar
- Adjudant Nama Clairon, Thiés, Sénégal
- Sergent-chef Abdoulaye Sow, à Bagdad Front de Terre, Dakar
- Ex-Adjudant Koly Kourouma, quartier MiIitaire, Dakar
- Sergent-chef Boiro Mamadou, quartier Militaire, Dakar
- S/chef Bailo, Dieuppeul, Villa n° 2940 E Dakar
- Sergent Amadou Diallo, Parcelle n° 528. Pikine, Dakar
Aux Travaux Forces à Perpetuité
- Raymond Marie Tchidimbo, ex-archevêque
- Démarchelier Jacques, industriel
- El Hadj Barry Oury Malal, commerçant Pita
- Barry Saidou, cultivateur Pita
- Baldé Talabiou, marchand de colas Yambéring (Mali)
- Diallo Mamadou Aliou Sampiringui
- Baldé Abdourahamane Diogo, ex-comptable T.P. Tougué
- El Hadj Bah Thierno Mamadouba, retraité Labé
- Diallo Boubacar Lamine, cultivateur Yambéring (Mali)
- Juan Lopez Januaro, lieutenant
- Joao Dasilva
- Daniel Andrade
- Pedro Lopis
- Mario Diez
- Siprianu Mendis Perera
- El Halj Diallo Oumar Kounda, ex-gouverneur
- Diallo Mamadou Oury, ex-inspecteur des Finances
- Elie Hayeck, commerçant
- Baldé Mamadou Saliou, chauffeur SNE
- Diop Boubacar, Royal Saint-Germain
- Gnan FéIix Mathos, directeur Crédit National
- Doudou Faye, Bar Restaurant
- Touré Kerfalla, Président du Comité Coléah-Centre
- Tassot Bar-Restaurant
- El-Hadj Camara Baba, ex-gouverneur
- Barry Amadou Kenda, Restaurateur
- Barry Mody Oury, Tailleur
- Koumbassa Abdoulaye, ex-commissaire de Police
- Yattara Ali Badara, Président de Comité Dixinn-Gare, Conakry
- Seibold Hermann, ex-directeur Centre Bordeau, Kankan (suicidé)
- Marx Adolf, directeur technique Sobragui, Conakry
- William Gemayel, industriel
- Zaidan Joseph, commerçant
- Sampil Mamadou, directeur Musée National
- Camara Ibrahima, Musée National
- Malkoun Melhem, commerçant
- Nehme Abdallah, commerçant
- Bittar Georges, commerçant
- Amin, planteur (en fuite)
- Zechandelar, industriel (en fuite)
- Lepan Michel, chef centre SIAG, Kankan
- Robert Marcel, agent technique Texaco Boké
- Hekmat Abou Kalil, commerçant transporteur
- Barry Baba, directeur B.G.C.I.
- Diallo Souleymane, ex-directeur Prix et Conjoncture
- Diallo Thierno Mamadou Saliou, ex-inspecteur du Travail
- Diallo Thierno, ex-chef service Planification P.T.T.
- Seck Thierno Oumar, ex-chef de cabinet Economie Rurale
- Touré Moriba, ex-directeur ERCOP
- Akin Mohamed Lamine, directeur général Sily-Cinéma
- Pory René, ex-directeur adjoint ENTRAT
- Bah Telly Oury, agent Météo Conakry, membre du Comité Directeur IIIè Arrondissement
- Camara Théodore, Education Nationale
- Baldé Mamadou dit Marlon, Sily-Cinéma
- Bah T’nierno Mouctar, Sily-Cinéma
- Bangoura Mouctar, surveillant Sobragui
- Mara Ibrahima Kékouta, boulanger, Kankan
- Bangoura Adrien, Sobragui
- Diallo Kindi, chef magasinier Conakry
- El-Hadj Fodé Yacouba, Président de Comité
- Diallo Alpha Mamadou, Transitaire
- Kleit Mohamed, commerçant, Conakry-II
- Alata Jean Paul, agent à la Présidence
- Barry Boubacar, inspecteur Affaires Administratives
- El-Hadj Aribot Souleymane, Président de Comité, Conakry-I
- Kapet de Bana, professeur
- Docteur Kozel, dentiste, Kankan
- Auperin Henri, planteur COBAG
Ordonne la confiscation de tous leurs biens Ordonne l’expulsion s’ils ne sont pas retenus pour autre cause de :
- Mme Camara Julia Béatrice Blakmane, Hollande
- Mme Hadifé Françoise, libanaise, couturière 2 enfants
- Mme Tassos
- Gilberette Hayeck, libanaise sans profession, 1 enfant
- Mme Hayeck Marie Sassine, libanaise sans profession
- Mme Gemayel Eliane Steinbery, française sans profession, 1 enfant,
- Mme Melhem Marie Miled, française, sans profession 3 enfants,
- Mme Lepan Sofia Klita, française, sans profession
- Mme Kleit Kachour Odette, libanaise sans profession, 4 enfants
- Mme Zaidan Odette Zaidan Haguib, fançaise, sans profession
- Mme Neme Juliane Franco, française, sans profession
- Mme Robert Cazau Annie, française, sans profession, 2 enfants,
- Mme Auperin Marie Rose française, secrétaire, 1 enfant
- Mme Hekmat Nouhad Balaghi, libanaise, sans profession, 3 enfants
- Mme Barry Marie Ellisa, française, couturière
- Mme Diallo Alpha Nouria Nares Vidal, espagnole
- Mme Soumah Ruvura Marinette, française, professeur
Laisse ouvert le dossier de la 5è colonne avec la conviction profonde que nos dignes et valeureux camarades de la Commission d’Enquîte du Comité Révolutionnaire, feront toute la lumière sur les faits compromettants mis à la charge des cadres du Parti et du gouvernement cités dans leurs aveux par les individus condamnés par le présent arrêt. Signé: Le Tribunal Révolutionnaire Suprême.