Jusqu’à présent, le gouvernement sénégalais s’était montré pour le moins complaisant, sinon très compréhensif à l’égard es autorités de facto en Guinée, dirigé par la capt Dadis Camara, qu’on appelait le fils de Me Wade. En tout cas Sud Quotidien de Dakar a publié une interview intéressante signé de Madior FALL a une personnalité sénéglaise qui semblait avoir choisi le camp des militaires
AMETH KHALIFA NIASSE, MINISTRE CONSEILLER « Il faut briser la règle qui écarte les peulhs du pouvoir en Guinée »
Madior FALL | SUD QUOTIDIEN
Publié le 18 décembre, 2009 à 10 h 14 min
Hamet Khalifa Niasse, l’ancien ambassadeur itinérant, ancien ministre de la ville ? tourne-t-il casaque et change-t-il d’amis en Guinée Conakry ? L’homme politique et d’affaires sénégalais très impliqué au début dans le parrainage par le président Wade de la junte militaire en Guinée, prend ses distances d’avec le capitaine Dadis Camara victime d’une tentative d’assassinat dernièrement et soignée présentement au Maroc où peu d’informations circulent sur son état de santé. Il n’a d’yeux que pour le nouvel homme fort de la Guinée, le général Konaté surnommé le tigre à qui il suggère d’aller vite à des élections libres et démocratiques et de briser auparavant la règle qui veut que les peulhs soient écartés des centres de décisions en Guinée. Il lui demande également de mettre un coup de frein au bradage du pays aux Chinois de Pékin. La situation sanitaire du capitaine Moussa Dadis Camara soigné au Maroc s’améliore, a affirmé la semaine dernière, le ministre guinéen des Affaires étrangères, Alexandre Cécé Loua. Pensez-vous que rétabli, il soit en mesure de reprendre les rennes de la Guinée ?
Je dis « Yakou », expression ivoirienne qui veut dire « masça » en wolof et qui peut être traduite par courage en français, au président Dadis. Que le Dieu tout puissant le ramène saint et sauf parmi les siens. Je pense que ce vœu est partagé par toute la classe politique guinéenne en particulier et africaine en général. Ceci dit, la période Dadis est tournée. Elle est derrière nous. Je ne suis pas convaincu que même s’il sortait de l’hôpital qu’il soit en mesure de gouverner à nouveau. Cela n’est pas souhaitable pour le peuple guinéen qui aspire à un retour à la normal le plus rapidement possible, ce que Dadis n’est plus capable de lui offrire en dépit même de son état de santé, un ressort s’est brisé. Je pense qu’il revient au général Konaté, l’actuel homme fort de la Guinée de rassurer. Il doit réaffirmer son intention dans une déclaration publique d’organiser vite des élections libres, transparentes et démocratiques pour que la Guinée.
Le général Konaté est-il l’homme de la situation ainsi que vous semblez le suggérer ?
Oui. Je le crois profondément. Car c’est à cause de leur engagement personnel de transmettre rapidement le pouvoir aux civils en organisant des élections libres et démocratiques, lui et le capitaine Dadis aujourd’hui alité, que j’ai convaincu le président Wade de les parrainer. Tous les deux ont réitérer leur serment devant Me Wade à leur première rencontre de transmettre rapidement le pouvoir aux civils. Ils réclamaient simplement en retours, qu’on leur trouve un pays d’accueil et que l’on améliore leur situation financière pour leur permettre de vivre décemment et se faire oublier un temps. Et qu’un jour, ils puissent retourner comme de simples citoyens dans leur pays. Personnellement, je m’étais investi pour leur trouver ce pays et déjà, trois voire quatre offres s’étaient signalées. Auparavant, ils auraient fini d’organiser des élections auxquelles, ils ne participeront pas, mais qu’ils superviseront pour qu’elles se passent dans la plus parfaite transparence. Je dois à la vérité de dire que si le général Konaté me semblait sincère, le capitaine Dadis le paraissait moins. C’est du bout des lèvres qu’il s’était prononcé. On voit avec la suite des événements qu’il n’était pas aussi déterminé que son camarade.
Ne dites-vous pas cela aujourd’hui en le sachant simplement hors de course et en cherchant à vous mettre dans les bonnes grâces du nouvel homme fort de la Guinée ?
Non, pas du tout ! Ce que je dis est la vérité, le général Konaté m’a à maintes reprises réaffirmer son désir de retourner le pouvoir aux civils, car pour lui, la mission du militaire n’est pas de gérer un pays mais d’en garder intangibles les frontières et de protéger les personnes et les biens de toutes agressions extérieures. Il voulait partir le plus tôt possible. Il ne faut pas par ailleurs oublier qu’en parrainant le capitaine Dadis Camara, je l’ai mis non seulement en contact avec le président Wade mais aussi avec le guide libyen Khadafi et avec d’autres chefs d’Etat, d’Afrique et du monde arabe dont je voudrais taire le nom pour ne pas les gêner. C’est ainsi que le président Khadafi a offert au Cndd des véhicules, de l’argent et des armes. Les autres aussi leur ont apporté un soutien effectif. C’est dire que Dadis était reconnaissant au Sénégal et à son président, le président Wade. Mais, très tôt il a eu des ambitions qui l’ont dévoré. Je l’ai compris le jour où me recevant je lui ai redemandé s’il allait organiser les élections sans y participer, car le bruit courrait qu’il voulait être de la course. C’était devant son ami, Boubacar Barry le ministre de l’Urbanisme. Je me suis rapidement rendu compte qu’il s’était renié. C’est même son ami qui a répondu à sa place en disant que pour le moment nous, on travaille et nous allons faire comme ATT (du diminutif du président malien, Amadou Toumani Touré Ndlr). Ce à quoi, j’avais répondu du tac au tac que je ne croyais pas au bon coup d’Etat. Que pour moi, un coup d’Etat était un coup d’Etat, un coup porté au peuple. Une agression contre la volonté populaire. Konaté qui assistait à l’entretien m’a réitéré son souhait de rendre aux civils le plus rapidement possible le pouvoir. C’est pourquoi j’en témoigne aujourd’hui. Rien d’autres. Le président Wade à qui j’ai rendu compte de cet entretien avait enjoint Dadis Camara de se conformer à la mission du Cndd et d’opérer la transition dans les meilleurs délais.
Si c’est votre conviction pourquoi avez-vous accepté de parrainer la junte militaire putschiste ?
Mais, en Guinée à la mort du président Lansana Konté, le pays était dans l’impasse, tout le monde le sait. Donc l’arrivée des militaires était même une délivrance, une manière d’éviter le chao. Il s’y ajoute que les soldats ont fait le serment de remettre le pouvoir à l’issue d’élections libres, transparentes et démocratiques auxquelles, ils ne participeraient même pas et après avoir assaini la Guinée. C’était louable et cela avait besoin d’être soutenu. Maintenant, ma conviction est qu’il est grand temps en Guinée que l’on brise à jamais cette règle non écrite mais qui régente la marche de ce pays depuis bien avant même les indépendances et qui veut que tous soient contre le Fouta et les Peuhls. Depuis Sékou Touré ce clivage anti nationaliste est entretenu. Il a fait perdre trop de temps à la Guinée et a maintenu son instabilité. Il faut rompre avec. J’espère et je souhaite que le général Konaté fasse une déclaration publique dans ce sens, invitant l’ensemble du peuple guinéen sans exclusif à refonder leur nation, leur état, leur république en intégrant tout le monde, peulhs, malinké, soussou, forestiers…. Je voudrais également l’exhorter à mettre un coup d’arrêt au bradage du pays aux chinois notamment.
Ha bon !
Oui. Oui ! Des sociétés chinoises comme elles ont eu à le faire au Congo démocratique, sont en train d’opérer une main mise sur la Guinée, sur toutes ses richesses minières et naturelles, sur l’or, le diamant etc. Sous prétexte de construire des infrastructures, elles pillent le pays et sont en train d’hypothéquer l’avenir des enfants guinéens pour au moins 3 siècles.
En quoi faisant ?
En disant réaliser quelques ponts, quelques routes, quelques sites aéroportuaires, des pistes, elles facturent à la Guinée des licences gratuites d’extraction de minerais précieux dont le sous sol guinéen regorge. Elles oublient de dire aux Guinéens que dans seulement 3 ans, les budgets d’entretiens des infrastructures ainsi « gracieusement » octroyées vont triplés les investissements. En ce moment là, ce qu’elles ont acheté à 500.000 disons, sera revendu à 25 voire 30 millions au peuple. Il s’agit là d’une véritable duperie. J’espère que le général Konaté s’en rend compte et qu’il mettra fin à ce bazardage des richesses de son pays.
Qu’est-ce qui vous oppose au camp de Dadis Camara car manifestement un différend existe à vous entendre parler. Est-ce que parce que les travaux réalisés en Guinée par votre Groupe ont été arrêtés si on en croit la presse guinéenne ? Qu’en est-il ?
L’ancien Premier ministre Lansana Kouyaté que j’avais rencontré en ma qualité d’ambassadeur itinérant et en accompagnant le président Wade en visite dans le pays au lendemain des manifestations de 2007, m’avait demandé d’aider la Guinée notamment en lui trouvant des financements et en venant moi-même investir dans le pays. C’est ainsi que j’ai demandé à mon groupe, « Niass-group » d’aller investir en Guinée. On lui proposa un projet que personne ne voulait financer ni réaliser, on s’est renseigné par la suite pour apprendre qu’il avait été proposé à Yérim Sow qui était associé avec Pierre Goudiaby Atépa dans ce coup, ainsi qu’à douze autres sociétés étrangères. Personne n’en a voulu, simplement parce qu’il y avait d’énormes risques. Il s’agissait en effet de débroussailler une forêt dense pour y construire sur proposition du défunt président Lansana Konté, 25 villas résidentielles pour ses hôtes de marque. Après plusieurs mois de négociations, l’Etat guinéen décida de m’octroyer 24 ha en contrepartie, mon groupe et moi de trouver les financements nécessaires et de réaliser les travaux clé à main. Mais de ces 24 ha, 12 furent soustraits et cédés à la société libyenne SLI. N’empêche sur les 12 ha restant je devais construire les villas, d’autant plus que l’urgence de leur réalisation était signalée parce que le président voulait les réceptionner avant la fête de l’indépendance, qui consacrait le 50èmme anniversaire de l’accession à la souveraineté du pays. Un protocole d’accord avec à la clé un titre foncier en bonne et due forme fut donc signé entre mon groupe et le ministère de l’Economie et des finances de la Guinée. Mais compte tenu de l’importance des travaux et de leur urgence ainsi que des difficultés réelles, un avenant fut signé à nouveau troquant 8ha pour 10 villas au lieu des 25 préalablement projetées. Symboliquement, elles devaient être inaugurées en septembre 2008 avant la fête de l’indépendance qui, elle, se déroule le 28 septembre. C’est ainsi qu’à cause des retards accusés du fait des autorités guinéennes, j’ai affrété des bateaux pour transporter du ciment commandé à la Sococim en Guinée. C’est ainsi que symboliquement, on lui a remis les clés des dix villas à la veille de la fête. Depuis, il y a eu les événements qui ont suivi la mort du président et l’arrivée du capitaine Dadis Camara au pouvoir.
Qu’est-ce qui s’est passé par la suite avec l’arrivée de Dadis ?
Simplement que son ami, Boubacar Barry, le ministre de l’urbanisme s’est immiscé dans le dossier et a fait arrêter les travaux, alors qu’il était notre concurrent sur le même projet sur 3ha où il n’a pas pu réaliser que cinq rangs de briques. Devenu ministre de l’Urbanisme et écouté de son ami Dadis à qui, il sert de couverture, il a retiré 4 ha des 8 ha qui m’étaient alloué et ordonné l’arrêt de mes travaux. Pourtant je suis en possession de documents officiels et de contrats en bêton dans cette affaire. J’ai un titre foncier authentifié. Donc, je n’ai pas à m’en faire, tôt ou tard je rentrerais dans droits. Je dois seulement dire ceci qui devrait apporter un éclairage nouveau sur la sortie à Rfi du lieutenant Toumba : la crise qui secoue le Cndd, par delà les explications fournies par les uns et les autres et notamment par le lieutenant Toumba, n’est rien d’autres qu’une affaire de partage de butin qui a mal tourné.
De quel butin ?
Mais simplement des commissions retirées des projets chinois de coût estimé de 7 milliards de dollars us. Commissions qui ont été évaluées donc à des centaines de millions de dollars us. Ce qui oppose la junte est simplement le ratio de partage. La clé de répartition entre les différents membres impliqués pour les commissions a été à l’origine de la véritable brouille au sein du Cndd. Je dis bien que c’est Boubacar Barry qui avait été chargé par son ami Dadis Camara pour se rendre au Liban et y ouvrir des comptes numérotés pour lui et certains dignitaires de leur camp. Ce que les autres n’ont pas voulu entendre de cette oreille. Tout le reste, notamment la répression sanglante des manifestations du 28 septembre n’est que dilatoire. Sur ce plan, ils n’ont aucune divergence. C’est l’argent et rien d’autres qui a été à l’origine de la balle sur la nuque de Dadis Camara. Dans des crises au sommet, il faut toujours chercher l’argent et le sexe. Je profite de cet entretien cependant pour dire très clairement que je ne suis pas à l’origine du déclenchement mystique de la balle qui a frappé le capitaine Dadis Camara.
Hein, en êtes-vous capable ?
Ecoutez, je suis issu d’une grande famille de soufi. Mais je précise surtout pour les nombreux amis qui m’ont interpellé, que malgré ma retraite de quelques jours dans le désert au même moment, je n’ai pas eu à user de moyens mystiques à l’endroit de qui que ce soi. J’y étais pour une retraite spirituelle comme il m’arrive d’en faire quelques fois. Par ailleurs, ce qui me lie à la Guinée ne date pas d’aujourd’hui, ni n’est tributaire de mes rapports avec le capitaine Dadis Camara et son entourage. Ce qui me lie à la Guinée date du président Sékou Touré qui déjà en 1958 rendait visite à mon vénérable père, le khalife général des Niassènes à l’époque. Depuis j’ai eu des rencontres régulières avec lui. Chaque fois que je me rendais en Guinée, c’est lui-même qui venait me chercher à l’aéroport avec sa Ds. A sa mort, le président Konté a entretenu les mêmes rapports avec ma famille et avec moi-même. C’est dire que c’était tout à fait naturellement que j’ai rencontré le président Dadis et le général Konaté à leur prise de pouvoir.
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