Il a été nommé ambassadeur en Côte-d’Ivoire, d’où il est resté deux ans avant d’être rappellé sans raison valable. Rentré au bercail, il est nommé directeur. « C’est là que j’ai compris qu’il y a anguille sous roche », se rappelle madame Dramé, son épouse.
Au dernier moment, Alioune est renommé ministre, car faisant partie de la liste noire. Sans nul doute, il a été arrêté quelques mois après.
« C’est un monsieur qui était certainement filé. Parce que ce n’est pas à son domicile ni à son bureau qu’on l’a arrêté. Ils l’ont arrêté chez son neveu Dr Barry Alpha Oumar, qui à l’époque, habitait à Mafanco », confie sa femme.
Tous les samedis, monsieur Dramé avait l’habitude d’aller voir son neveu, Dr Barry. Et ce jour là, dès qu’il est arrivé, quelques minutes après, on le fait appeler par le domestique en disant que “quelqu’un voudrait le voir au portail”. Il sort à l’incognito tout en laissant les autres en train de bavarder, pour aller rejoindre celui qui le cherchait. Et on le met en demeure de monter sous menace d’un pistolet. Puis, il est emmené directement au Camp Boiro, l’usine de la mort.
Après un moment d’absence constaté, Dr Barry se demande où est passé son oncle. « On lui fait savoir que celui-ci a été kidnappé à l’endroit où il était ». Et c’est la désolation totale. Aussitôt informé, le neuveu du ministre Dramé tombe en syncope sous l’effet de la crise. Il est terrassé par le choc émotionnel.
Et depuis ce jour, « je n’ai plus revu mon mari. J’ai été envahi chez moi par des militaires et des gens du quartier. Tout d’un coup, vers 18h30 et 19 heures, ma concession était remplie de militaires et de bandits qui cherchaient à s’approprier des biens comme ils le font toujours », se souvient encore madame Dramé.
Et de poursuivre, « votre mari nous a dit de venir chercher son véhicule. Qu’il en a besoin à l’heure actuelle. Je leur ai dit : mais je ne vous comprends pas. Parce que le véhicule du service est en panne depuis trois jours. Donc il ne peut pas vous dire de venir le chercher ici. Qu’est ce qui se passe » ?
C’est en ce moment que le gang protégé par le régime a compris que la dame doutais de quelque chose. Mais a fini par s’accaparer de son véhicule personnel. Cherchant à joindre le neuveu de son mari au téléphone, elle entend le sanglot d’une femme au bout de la ligne.
« Elle m’apprend qu’ils sont allés prendre mon mari. Heureusement que j’avais ma fille qui était à proximité qui m’a soutenu et c’est là que j’ai compris qu’ils l’ont arrêté ».
Madame Alioune a décidé d’aller plus loin. Elle s’arme de courage de demander le service de savoir où est-ce qu’on a emmené son époux, au directeur du Camp Boiro, Siaka Touré, neveu de Sékou Touré, qui habitait à proximité. Celui-ci lui dit qu’il fallait l’aval de son mentor (le président).
La victime a toujours écrit et a continué à garder l’espoir de retrouver son mari un jour. « Je me suis dit que Dieu peut faire beaucoup de choses à la fois, il peut m’aider à retrouver mon mari arrêté. Je me suis contentée de ça. Et je me suis occupée de mes enfants ».
Désormais pauvre mère de six petits enfants dont trois filles aînées et trois garçons. Elle s’est battue, en tant que brave femme, pour donner le nécessaire à ses gosses.
Cette « petite famille » était désormais considérée comme celle de la 5e colonne, attribution collée aux victimes d’arrestations ou de pendaisons pour les isoler du reste de la société. Alors, une façon de stigmatisation car, aucun n’avait l’audace de s’approcher ou de faire un don à ces genres de familles.
Madame Dramé a toujours regardé le chemin avec ses enfants, en ayant à l’espoir qu’un jour, qu’ils retrouveront le père de famille rentré à son domicile. Hélas, ils apprennent dix ans plutard, soit après la mort de Sékou Touré que le désormais ex ministre a été assassiné dans les geôles du tyran.
« J’avoue que j’en parle aujourd’hui avec beaucoup de difficultés. Parce qu’il y a pleines de choses. Soit, j’ai occulté ou que j’ai envie de savoir et même vous verrez que certaines informations seront un peu tronquées. Parce que, soit je ne sais pas, soit je prends des souvenirs, soit c’est aussi une façon de se protéger », a laissé entendre sa fille ainée qui garde peu de mémoire de son père.