Le site web fasopresse.net publie l’article suivant ce 2 février sur l’inquiétude qui pèse sur la formation du gouvernement de transition en Guinée.
GUINEE : Nuages sur la transition
mardi 2 février 2010
De toute évidence, les premiers instants de la transition en Guinée Conakry ne se passent pas sans écueils. Tout ne marche pas comme sur des roulettes.
Premier fait, le nouveau Premier ministre, Jean Marie Doré tarde à publier la liste des membres du nouveau gouvernement. Trop de monde semble se bousculer au portillon et la sélection des candidats obéissant à des critères alambiqués, rendant la tâche difficile. Et le calendrier s’en trouve retardé. Sans compter que le Premier ministre lui-même doit faire face aux critiques de ses contempteurs qui lui reprochent une intention supposée ou avérée de ne travailler que pour son parti politique. Réactions exagérées de rivaux politiques ou pas, tout cela traduit le manque d’entente qu’on aurait souhaité voir au sein des Forces vives et qui aurait permis que cette transition tant espérée, se conduise enfin avec la sérénité qui se doit pour avoir quelque chance de mener sainement à la présidentielle qui symbolisera un nouveau départ pour la nation guinéenne. La date butoir en est placée dans moins de 6 mois désormais. Les Forces vives font partie des acteurs principaux qui ont pour charge de conduire la barque guinéenne hors de l’eau. On les jugera à l’aune de leur perspicacité ainsi qu’à leur capacité de se retrouver autour d’un essentiel qui sauve.
Second fait, l’arrestation du colonel Moussa Keita, Secrétaire permanent du CNDD présente une fissure de plus dans le corps de ce qui reste de la junte guinéenne. Mais à vrai dire, on pouvait quelque part s’y attendre un peu. L’homme que l’on a écarté (pour un temps ?) aux motifs d’indiscipline visant à déstabiliser la transition, s’était déjà singulièrement distingué par deux fois à Ouagadougou. La première fois lorsqu’il conduisit la délégation du CNDD pour une rencontre avec le médiateur Blaise Compaoré, peu de temps après le drame du 28 septembre, et la seconde fois, quelque temps après le débarquement impromptu de Dadis dans la capitale burkinabè, lorsqu’il fut question de négocier les accords de Ouagadougou.
Dans les deux cas, Moussa Kéita se sera fait remarquer par son intransigeance. Partisan de Dadis jusqu’au suivisme, son radicalisme lui fit dire que le départ de Dadis reclamé par les Forces vives était non négociable et plus tard il tint coûte que coûte à ramener le capitaine-président à Conakry. Envers et contre tous d’ailleurs, puisque c’est Dadis lui-même qui déclara qu’il resterait à Ouaga pour terminer sa convalescence, et appela ses partisans à adhérer au processus nouveau qui, désormais, devait se faire sans lui. Kéita, par son obstination, se montre sans doute plus royaliste que le roi. Au risque de faire croire qu’il se sert du « pion » Dadis pour rouler à son propre compte et prêcher pour sa propre chapelle.
En tout état de cause, les autorités guinéennes ont fait preuve de bon sens en réduisant au minimum le temps d’arrestation de Moussa Kéita. L’homme a certainement ses partisans et nul ne sait jusqu’où ils seraient allés si d’aventure leur chef avait été embastillé. C’est peu de dire que la Guinée n’est pas encore sortie de l’auberge. Et il faut sans doute que chacun des protagonistes du processus de sortie de crise déploie des trésors d’ingéniosité pour que se dissipent certains sombres nuages qui pèsent sur cette transition. Sinon, il faudrait reculer les échéances, d’abord une fois, puis une seconde fois et pourquoi pas une troisième ? Se mettraient alors en place tous les ingrédients nécessaires à un certain syndrome, bien connu dans l’Ouest africain, mais en même temps fort redouté. Il leur revient de l’éviter à tout prix.
Par Jean Claude KONGO