Lettre de l’Association des victimes du Camp Boiro à M. Moussa Faki Mahama, Président de la Commission de l’Union africaine

Ce 25 mai 2018, voici 55 ans naissait l’Organisation de l’Unité africaine, devenue depuis 2002 l’Union africaine. El Hadj Boubacar Diallo Telli, son deuxième secrétariat général, après l’humiliation et la torture au Camp Boiro, il fut tué par Sékou Touré. Sa dépouille git toujours dans une fosse commune non identifiée.

Arrêté dans la nuit du 18 au 19 juillet 1976, à son domicile, à l’occasion de ce que le tyran Sékou Touré avait dénoncé comme étant le « complot peul », il fut soumis à la diète noire au Camp Boiro. Comble de sadisme, entre une torture et l’autre le tyran lui écrivait lui demandant d’avouer des crimes qu’il savait  pertinemment que sa victime n’avait pas commis. 

 

Association des victimes du Camp Boiro

À son Excellence M. Moussa Faki Mahama,

Président de la Commission de l’Union africaine

Addis-Abeba, Éthiopie

Conakry le 22 Mai 2018

Excellence,

Le 25 Mai 1963, naissait l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), le précurseur de l’Union Africaine, l’organisation dont vous avez la charge aujourd’hui. En dépit des vicissitudes de l’histoire d’un continent sortant de la domination coloniale, l’UA s’apprête à célébrer son 55eme anniversaire.   

En cette période de célébration, nous voudrions attirer votre attention sur la fin tragique du premier secrétaire général de l’OUA, Mr. Boubacar Diallo Telli. 

Mr. Diallo Telli fut un avocat fervent de la cause de l’union dans l’Afrique indépendante.  Il cimenta les fondations de l’organisation par une diplomatie vigoureuse qui permit notamment, la fusion des deux blocs de l’Afrique indépendante : le bloc de Monrovia et celui de Casablanca. Sous son leadership, l’OUA joua un rôle clé dans la libération totale du continent.  En outre, il joua un non moins important dans la lutte contre l’apartheid, à travers le Comité de libération installé à Dar-es-Salam qui relevait directement de son autorité.

A la fin de son second mandat, Mr. Diallo Telli retourna en Guinée et occupa les fonctions de ministre de la justice. Il sera arrêté en 1976 sur des fabulations de complot. Le régime guinéen de l’époque déclencha une campagne contre l’ethnie peule de Guinée dont M. Telli est issu. La guerre civile et les pogroms furent évités de justesse, grâce à la retenue dont les populations guinéennes firent preuve. Le 1er mars 1977, il fut assassiné par inanition sur ordre du Sékou Touré.  À ce jour, sa dépouille mortelle n’a pas été localisée.

Durant ces années noires de l’histoire de la Guinée, ni l’Organisation de l’unité africaine, ni aucun leader africain ne condamna publiquement le régime de Sékou Touré. Aucun n’appela le président guinéen à la retenue dans sa campagne contre l’une des composantes ethniques de la nation guinéenne.

Si la disparition de M. Diallo dans ces circonstances tragiques et ignominieuses reste une plaie béante de l’histoire de la Guinée, le silence qui continue à entourer son sort lors des célébrations de l’Union Africaine est une tache qui ternit l’image de tout le continent.

Nous venons par cette lettre soumettre encore à votre attention des demandes maintes fois restées sans suites afin de remédier à ces graves oublis et assurer la reconnaissance due au grand Africain que fut et restera M. Diallo Telli.  

Nous proposons que l’Union africaine marque chaque 1er mars avec une minute de silence à la mémoire du premier Secrétaire général de l’OUA. Nous vous invitons en outre à mettre en place un comité ad hoc d’Africains, pour localiser les restes de M. Diallo Telli et lui organiser des funérailles convenables.

Une telle action serait d’une importance historique et un message sans équivoque de l’Union africaine aux générations présentes et futures que l’Afrique rejette les violations des droits de l’homme et la culture  l’impunité qui ont ruiné les chances de développement économique et social du continent.

L’Association des Victimes du Camp Boiro est une organisation guinéenne à but non lucratif dédiée à la réhabilitation des victimes de la terreur qu’instaura le régime de Sékou Touré dans notre pays. Mais, au-delà de nos membres, c’est le peuple guinéen dans son ensemble qui ressent avec amertume, le silence qui entoura la tragédie qui permit l’assassinat de M. Diallo ainsi que tant de ses distingués fils. Ce silence, sous le couvert de la souveraineté nationale, continue à maintenir un climat malsain d’impunité dans notre pays.

Nous sommes convaincus que toute action de votre part représenterait une chance de renouveau des pratiques gouvernementales en Afrique.

Excellence, en restant à votre disposition pour toute information complémentaire qui contribuerait à éclairer l’objet de notre démarche, veuillez trouver ici l’expression de notre haute considération et nos vœux les meilleurs pour votre succès au service de l’Afrique.

 

Le bureau de l’AVCB

 

 

 

Ampliations :

  1. Mr. Alain Marcel de Souza, Président de la Commission de la CEDEAO
  2. Président Paul  Kagamé, président en exercice de la CEDEAO
  3. Conseil de sécurité et de la paix de l’Union africaine
  4. Commission des droits de l’homme de l’ONU
  5. Représentant de l’Union européenne en Guinée
  6. Département d’état américain – Global Justice System
  7. Commission des lois de l’Assemblée nationale de Guinée
  8. Ministre de la Justice de Guinée
  9. Ministre des Droits de l’homme de Guinée
  10. Ambassades de Guinée à l’ONU et aux États-Unis
  11. FIDH
  12. OGDH
  13. Associations guinéennes des victimes : AVIPA, AFADIS, AGORA, Camp Boiro
  14. Human Right Watch
  15. Human Right First
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