Quand l’ONG Pottal-Fii-Bhantal remonte les bretelles à Mme Fatou Bensouda Procureure générale de la cour pénale internationale

Dans une correspondance rendue publique le 23 novembre 2019 l’organisation Pottal-Fii-Bhantal a remonté les bretelles à Mme Fatou Bensouda Procureure générale de la cour pénale internationale. Cette ONG dont le nom pourrait se traduire du peul par « Entendons-nous pour avancer » après avoir dénoncé ce qui semble être une collusion entre le pouvoir guinéen et la Cour que dirige Mme Bensouda, elle lui a rappelé son passé de serviteur du régime dictatorial de Yaya Jammey. 

On se rappellera qu’près le coup d’État de juillet 1994, Mme Bensouda devint conseillère juridique auprès du dictateur Yahya Jammeh, avant d’être  promue en 1996 procureur principal, poste qu’elle occupa jusqu’en 1998 avant de devenir procureur général de Banjul et ministre de la Justice du tyran jusqu’en 2000.

Voici le contenu de la lettre:

Chère Madame,

Le 29 octobre 2019, des membres de votre bureau ont rencontré à Conakry le ministre guinéen de la Justice, à propos des procès pour les crimes contre l’humanité du 28 septembre 2009. Au terme de cette réunion, vos envoyés ont déclaré qu’« il est important aujourd’hui que le procureur connaisse la date du procès et que la CPI soit venue accompagner le gouvernement guinéen »

Il est sidérant de la part de tous les observateurs des violations constantes des droits de l’homme en Guinée, de voir que, dix ans après que ces crimes aient été commis, la cour dont vous êtes le procureur se prête encore à des déclarations d’intentions des ministres guinéens de la justice. Les tactiques de dénis de justice du gouvernement guinéen ne peuvent plus tromper que ceux qui veulent s’y prêter.  La cour pénale internationale a été interpellée plus d’une dizaine de fois, notamment par notre organisation, sur la volonté manifeste du gouvernement guinéen d’enterrer les crimes. À chaque fois, les associations de victimes et de défense des droits de l’homme ont fait mention, avec des preuves à l’appui, de la futilité d’espérer des procès crédibles de la part du gouvernement guinéen. Elles ont unanimement réclamé que la CPI engage des enquêtes finales et organisent les procès des inculpés. En vain. 

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La visite d’octobre 2019 est la dix-huitième de vos services en Guinée. Vos déclarations et les dernières mesures déployées par les ministres sous les ordres de M. Alpha Condé, montrent que la CPI devient complice du déni de justice en Guinée.

Par exemple, le ministre de la Justice a annoncé unilatéralement que les crimes du 28 septembre 2009 seraient considérés comme des crimes de droit commun. Votre bureau n’a pas jugé utile d’interpeller le ministre sur cette annonce qui viole le fondement de votre mission et les engagements de votre organisation en Guinée, depuis dix ans. Au contraire, votre envoyé, M. Franco Matillana, affirme contre toute évidence que « des progrès ont été réalisés ».

En outre, vos envoyés n’ont pas daigné protester contre les nouvelles mesures dilatoires du nouveau ministre de la Justice guinéen qui a annoncé -dix ans plus tard – que dix employés seraient « préparés psychologiquement par des spécialistes français et des Nations Unies« .

Enfin, l’annonce d’une nouvelle date de procès – en juin 2020 – n’a fait l’objet d’aucun ultimatum ferme de la part de la CPI. Ainsi, cela laisse ouverte la possibilité d’un nouveau report.

L’acceptation aveugle de nouvelles promesses de procès joue en faveur de M. Alpha Condé. Le président guinéen a bâti son régime autocratique sur la complicité active des accusés d’avoir perpétré les crimes, la léthargie de la CPI et, dans une moindre mesure, la négligence coupable de la plupart des dirigeants politiques guinéens.

Selon vos propres mots, la CPI suit de près la situation de chaos qui règne en Guinée, avec la tentative de coup d’état constitutionnelle de Mr. Alpha Condé. Tous les dangers sur lesquels on n’a cessé d’attirer votre attention pendant dix ans sont en train de se matérialiser en Guinée : violences ethniques, assassinats gratuits de citoyens innocents sur un fond de corruption à grande échelle, d’exploitation prédatrice des ressources naturelles à des fins de guerre larvée contre toute tentative de démocratisation du pays.  Néanmoins, vous poursuivez le soutien aveugle au gouvernement, avec des promesses d’aide qui se sont révélées dénuées de sens. 

En outre, vous n’avez pas pu vous empêcher de faire des remarques regrettables sur la violence des dernières semaines. Vous avez déclaré que « quiconque commet des crimes atroces relevant de la compétence de la CPI, ordonne ou encourage la commission de tels crimes ou y contribue d’une manière ou d’une autre est passible de poursuites devant les tribunaux de la Guinée ou la CPI« . Votre déclaration est vague. Il ne condamne pas la violence de la police et des milices tribales d’Alpha Condé. Le ministre de la Justice a usé de vos propos pour justifier les massacres de citoyens et pour intimider les manifestants. Le plus troublant est que cela n’est pas nouveau. Vous avez l’habitude déconcertante de mettre dans le même panier la violence des forces de sécurité et les actes de citoyens non armés qui exercent leur devoir constitutionnel d’expression. En octobre 2015, vous aviez fait le même amalgame. Notre organisation vous avait envoyé une lettre de remontrance. Nous vous avons rappelé que vos propos faisaient «écho aux propos du ministre de la justice de la Guinée. Elles laissent l’impression d’une collusion avec le pouvoir en place avec une ignorance regrettable des crimes récemment commis par les forces de l’ordre, mais aussi les frustrations des guinéens face aux insuffisances graves enregistrées lors du scrutin»

Nous constatons que vous n’avez fait aucun progrès et que vous excellez dans la pratique des fausses équivalences et des promesses non tenues. C’est peut-être la raison pour laquelle les Gambiens vous demandent des comptes sur votre participation au gouvernement d’un dictateur notoire, Yaya Jammeh, ainsi que sur votre silence sur les atrocités qu’il a commises. Votre passé indique que vous êtes à l’aise avec les dictateurs et que vous savez garder le silence sur des crimes contre l’humanité, même commis contre des concitoyens gambiens. Ce passé et vos actions au cours des dernières années n’honorent pas votre rôle de procureur d’une institution internationale de dernier recours pour les citoyens qui ont été dépravés de leurs droits fondamentaux. 

Comme vous le savez, notre organisation se bat sans relâche pour l’éradication de la gangrène de l’impunité dans notre pays. C’est pour cette raison qu’un de nos membres, accompagné d’une victime des crimes du 28 septembre 2009, vous a publiquement interpellée dans la rue à New York, le 25 septembre 2019, alors que nous préparions notre manifestation annuelle aux Nations Unies. 

Par conséquent, nous attendons votre réponse – par écrit ou par des actions. Nous tirerons les leçons nécessaires et prendrons les mesures appropriées.

 Veuillez croire à nos salutations distinguées.

 La commission Centrale de Pottal-Fii-Bhantal Fouta-Djallon

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