Maroc: Le blogueur Hisham Almiraat, de Global Voices, face au juge pour ses écrits

En Afrique, du nord au sud, plusieurs gouvernements considèrent l’usage de la liberté d’expression de la part des citoyens comme une menace, source de tracasseries pour l’auteur. Il suffit d’émettre une critique quelconque de l’action gouvernementale pour se retrouver derrière les barreaux accusé de sédition, de menace à l’ordre public, pire encore de menées subversives.

Dans ce billet Ellery Roberts Biddle nous présente le cas de Hisham Almiraat, un de nos collègues de globalvoices.org qui, en compagnie d’autres militants pour les droits civiques au Maroc, va se retrouver devant les juges.

Ellery Roberts Biddle est directrice de Global Voices Advocacy et membre de longue date de la communauté Global Voices. Son travail consiste à soutenir les efforts de notre communauté dans la défense des militants pour la liberté d’expression et à la dénonciation de la censure sur Internet dans le monde entier. Membre du Centre Berkman, de l’université de Harvard, pour l’Internet et la société, elle fait des recherches et écrit à propos de la politique d’utilisation d’Internet à Cuba.

Le billet, traduit en anglais par Suzanne Lehn, éditrice en second de Global Voices en français. Retraitée de la fonction publique territoriale (finances) française, bénévole (social, informatique).

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Hisham Almiraat dans sa ville d El Jadida, au Maroc, en octobre 2013. Photo Ellery Biddle.

Hisham Almiraat, médecin et longtemps animateur de la communauté Global Voices, va passer en justice la semaine prochaine au Maroc, accusé de “menaces à la sécurité intérieure de l’Etat”.

A côté de Hisham Almiraat dans le box des accusés, quatre autres défenseurs de la société civile — l’historien Maâti Monjib, les journalistes Samad Iach et Mohamed Elsabr, et le militant de la liberté d’expression Hicham Mansouri. Les défenseurs de la liberté d’expression et des droits des médias estiment largement que l’affaire est une tentative du pouvoir marocain de faire taire ceux qui en critiquent les politiques et les pratiques.

Les pièces à conviction contre Hisham Almiraat, auteur pour Global Voices depuis 2009 et dont il a été directeur du plaidoyer de 2012 à 2014, comportent son témoignage pour “Their Eyes on Me” (“Ils m’ont à l’oeil”), un rapport de recherche sur la surveillance technique au Maroc, publié par l’ONG de Londres Privacy International en collaboration avec l’Association des Droits Numériques, un groupe marocain de la société civile qu’Almiraat a contribué à créer.

Hisham Almiraat, Nighat Dad, Sana Saleem et Ellery Biddle à IGF 2013 en Indonésie. Photo reproduite avec la permission d’Ellery Biddle.

Almiraat et sa collègue Karima Nadir, vice-présidente de l’association, ont été interrogés par la police judiciaire marocaine (BNPJ) à Casablanca en septembre 2015. Les autorités les ont questionnés sur leur activité et leurs relations avec Privacy International. Le ministère de l’Intérieur a ensuite porté plainte à propos du rapport sus-mentionné sur la surveillance in Maroc.

Almiraat a consacré la plus grande partie de son âge adulte à travailler à l’amélioration de la vie et du bien-être de ses compatriotes, tant comme défenseur de la société civile que comme médecin. Etudiant puis médecin urgentiste le jour, Almiraat tenait son blog, écrivait pour Global Voices, et a co-fondé les projets de médias sociaux Talk Morocco et Mamfakinch. Ce dernier a été constitué par Almiraat et une équipe de collègues défenseurs des droits humains en vue de renforcer la couverture médiatique des soulèvements sociaux au Maroc en 2011-12, et a joué un rôle central pour galvaniser le soutien de l’opinion au mouvement contestataire.

Pendant cette période, Almiraat et ses collègues de Mamfakinch étaient la cible de logiciels de surveillance qui se sont introduits dans leurs ordinateurs et leur faisaient craindre que leurs communications soient sur écoute. Des craintes confirmées ensuite par une recherche du Citizen Lab de l’Unversité de Toronto. En juillet 2015, des fuites de dossiers de la société italienne de logiciels de surveillance Hacking Team ont établi que le Conseil Supérieur de la Défense Nationale, une institution publique marocaine, avait acheté le logiciel de Hacking Team en 2012.

Almiraat a oeuvré au cours du temps à consolider un environnement médiatique robuste dans son pays, et à tenir son gouvernement comptable de ses engagements dans les normes internationales des droits humains de liberté d’expression et de protection de la vie privée.

La communauté Global Voices est solidaire de Hisham et invite ses lecteurs à travers le monde à soutenir sa cause sur les médias sociaux, et à lire et diffuser ses articles, que l’on peut trouver ici et ici [Bon nombre ont été traduits en français]. Nous publierons sous peu de nouvelles informations sur l’affaire, ainsi qu’une déclaration publique de soutien.

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