Dans ce billet extrait du Chapitre Troisième A vous la parole ! du livre d’Almamy Fodé Sylla L’itinéraire sanglant. L’auteur nous révèle comment dès le début de la dictature, ses proches avaient perçu ses tendances dictatoriales.
Il nous révèle aussi comment tous ceux qui ont été témoins de ses défaillances, à part quelques rares exceptions, sans raison, ont été accusés à un moment ou un autre d’avoir été impliqués dans ses nombreux complots, mais dont la plupart n’étaient que le fruit de son imagination très fertile dans ce domaine. A ce propos, le Général Abdourahmane DIALLO m’a révélé pourquoi Barry III a été ciblé dès le début. Le Général Diallo pilotait l’hélicoptère lors d’un voyage à Labé du tyran accompagné de Barry III. Ils ont traversé une zone de turbulences qui agitait l’héliothérapie dans tous les sens. Le tyran a eu peur, alors que Barry III riait. Il ne le lui a jamais pardonné. Ce serait l’une des causes de l’arrestation et du supplice de cet éminent intellectuel. |
S’il est vrai que le comportement de Sékou était très déroutant, il n’a cependant trompé ses collaborateurs que pour un petit moment, jusqu’au séminaire de Foulaya (Kindia, décembre 1962) préparant le 6e congrès du P.D.G., où le masque du tyran est tombé, laissant apparaître nettement ses idées anti-démocratiques et son intention de dominer en véritable maître. En effet, quand il a été mis en minorité par les congressistes à Foulaya, il n’a pas pardonné à ceux qui en étaient les auteurs. Tous, un à un, ont été tués dans les différents pseudo-complots. L’on ne pouvait pas comprendre à l’époque, qu’en qualifiant, sa fameuse révolution de globale et multiforme, Sékou Touré s’adressait à lui-même mais dans un langage d’initiés inconnu des profanes.
Tous ceux qui ont approché l’homme, savent que le lâche avait si peur qu’une feuille morte qui le surprenait par sa chute, pouvait le faire fuir. Et, lorsqu’il se sentait en sécurité, il criait à tue-tête ses slogans de bravade et d’intimidation.
Pour illustrer cela, le voilà le jour de l’agression du 22 novembre 1970. Son garde du corps, le Commandant Zoumanigui, qui l’a servi fidèlement pendant 10 ans, après les premiers coups de feu, se fait accompagner de son aide de camp, le capitaine Doumbouya, pour venir assurer la sécurité du Chef de l’Etat. Blotti quelque part Sékou Touré ne s’attend qu’à des ennemis quand il voit arriver, l’air farouche, deux officiers supérieurs dont il ignore l’intention. Le « fier Syli-Sékou, le plus courageux des hommes, qui disait n’avoir peur que d’avoir peur », se met à trembler à la vue de ceux-là mêmes qu’il a toujours cherché à convaincre de son inébranlable courage et de son invincibilité physique et morale.
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— Ne me livrez pas à la colère du peuple, tuez-moi sur place je vous en supplie, fredonna le Commandant en chef des forces armées populaires et révolutionnaires, le timonier en « carton », de la Révolution guinéenne. Oubliant qu’il est musulman, Sékou se met à invoquer Dieu par la Sainte vierge Marie, mère des malheureux, « Je vous salue Marie, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus le fruit de vos entrailles est béni »…
Zoumanigui sentant que son patron délire, et réalisant toute la gravité de la situation, se met au garde-à-vous en prononçant le mot d’ordre de soumission et d’obéissance militaires :
— Commandant Zoumanigui Kékoura, chef d’État-major de la gendarmerie nationale, garde du corps du Chef de l’État, accompagné de l’aide de camp le capitaine Doumbouya; après avoir entendu plusieurs coups de feu d’armes de guerre et détenant la preuve irréfutable d’une attaque extérieure, venons assurer votre sécurité personnelle et celle de votre famille ; à vos ordres pour toutes fins utiles.
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— Mettez-vous à l’aise, devait difficilement dire le « Responsable Suprême de la Révolution », qui venait de s’humilier devant deux de ses subordonnés. La balle est partie, trop tard ! on ne peut plus la rattraper !
Zoumanigui et son compagnon, dans l’exercice de leurs fonctions, malheureusement venaient de signer, comme Fodéba, leurs actes de décès. Car Sékou Touré n’entendait laisser aucun témoin de ses malheureux moments de faiblesse.
Sachant ce que nous venons de dire, l’on peut se demander comment Aly Bangoura, alors Chef du Protocole à la Présidence, Fily Cissoko Ministre des Affaires étrangères, plusieurs autres cadres dont Sény la presse et moi-même, avons échappé à la mort, alors que nous avons été témoins de la plus grave humiliation du dictateur le 28 août 1977 au Palais du Peuple où les femmes de Conakry III, déchaînées, ont voulu le lyncher n’eût été notre intercession. Là encore, la réponse est très simple.
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C’est Dieu le Tout-Puissant qui nous a sauvés, car il n’est pas toujours donné aux assassins d’éliminer tous les témoins.
En continuant les éléments d’information, l’on se souvient du Coup d’État militaire de Mali en 1968. A l’annonce de cet événement, le « Responsable Suprême de la Révolution » réagit violemment en ces termes : «
— C’est bien fait pour Modibo Keita, je le lui avais dit. A Bamako toutes les boutiques sont achalandées de marchandises, l’on ne manque de rien au Mali. Il s’est si bien occupé de son peuple que l’armée a fini par s’occuper de lui. Je lui avais conseillé d’utiliser le ventre comme arme politique. Il ne m’a pas cru. Tant pis pour lui. Tant que le peuple cherche de quoi manger et se vêtir, il ne s’occupera que de cela, vous laissant la paix qui durera tant que durera la situation de pénurie générale.
Plusieurs de ses Ministres sont témoins de ces déclarations passionnelles, profondément inhumaines de M. Sékou Touré, ami personnel de M. Modibo Keita. D’autre part, il est très difficile d’épuiser le chapitre des crimes « d’Al Capone » de Guinée.
C’est pourquoi nous proposons au CMRN la constitution d’une Commission nationale de recueil et de recensement des crimes de Sékou, depuis ses crimes d’enfance jusqu’aux sacrifices humains, qu’il a immolés lui-même ou fait immoler par d’autres complices. Une telle œuvre constituerait l’un des monuments écrits les plus imposants de notre siècle, car si les hommes peuvent falsifier l’histoire dans une de ses toutes petites séquences, ils sont cependant incapables d’en modifier le cours.