L’agression du 22 Novembre 1970 a fourni au dictateur une occasion inespérée pour sévir et massacrer. Voici ce qu’écrivait l’unique hebdomadaire de Guinée à l’époque, Horoya, organe du PDG, le 3 avril 1984, traitant du cauchemar vécu par les guinéens sous le tyran Sékou Touré:
« Pendant plus de deux décennies, le peuple de Guinée, labouré dans sa chair et son âme par des mains sanglantes, a connu le plus grand calvaire de son existence. Dans l’éclipse totale, il a marché en égrenant le chapelet de la faim, de la soif et de l’ignorance. Dépersonnalisé par une politique de chasse à l’homme, une politique d’individus tarés, avides de pouvoir personnel. Le peuple guinéen n’avait jamais goûté à un seul instant de bonheur… « .
Dans son livre déjà cité Kindo Touré nous décrit les différentes méthodes pour extorquer les confessions aux suppliciés dans les locaux du Camp militaire de Kindia, transformés en salles de torture:
Des bureaux et des habitations du Camp militaire de Kindia avaient été aménagés en hâte pour servir d’annexe à la Maison centrale, de salle d’interrogatoire et de « cabine technique ».
Dans cette prison annexe étaient incarcérés de nombreux détenus, pour la plupart des anciens ministres et hauts cadres dont les interrogatoires n’étaient pas terminés.
Selon des amis qui y avaient séjourné, la commission d’enquête était composée d’officiers de la Gendarmerie ; elle était en constante liaison avec la capitale et les jeeps transportaient des « colis » (entendez des détenus) dans les deux sens.
Cette commission fut présidée, un moment, par M. Alafaix Kourouma; puis ce fut M. Emile Cissé, un fanatique du Parti, nommé entre-temps, gouverneur de la Région administrative de Kindia.
Sous l’autorité de ce nouveau président, les sévisses et tortures furent plus cruels, assortis de raffinements diaboliques : pneumatique, électrodes au sexe, agenouillement sur graviers, etc. Les hauts cadres étaient battus à mort. A la Maison centrale, L’anxiété était totale.
Ceux qui passaient devant cette épouvantable Commission revenaient les membres déchirés aux coudes et aux genoux, le dos zébré par les nerfs de bœuf servant de fouets.
Le « téléphone de campagne » inconsidérément utilisé avait fait des blessés graves et provoqué des troubles chez nombre de détenus.
Parfois le matin, les officiers de la gendarmerie faisaient leur entrée dans l’enceinte de la Maison centrale et « paradaient » au milieu d’une cohue muette, transi de peur.
C’est à cette époque que notre pauvre ami, Oury Missikoun Diallo passa à « l’interrogatoire ».
Administrateur civil, intelligent, de constitution débile, il est pressé de questions, battu, terrorisé, contraint de dénoncer des « comploteurs » qu’il ne connait même pas ; épuisé, exténué, il se retrouve avec trois feuilles blanches et un « bic ».
Sur la première feuille, il doit inscrire les noms de 25 cadres et intellectuels opposés au régime. Sur la seconde feuille, les noms de 25 commerçants et hommes d’affaires sympathisant du Front, et, sur la dernière, les noms de 25 militaires et paramilitaires hostiles à la Révolution.
Les membres de la commission pour « l’aider », lui soufflent des noms qu’il doit reconnaitre, forcément, et il les inscrit. Si dans ses recherches personnelles, il se trompe par malheur et porte le nom de quelqu’un jugé « bon militant », il est sèchement rappelé à l’ordre et sommé de rayer ; il doit faire attention à ne pas « semer la confusion », « ne pas brouiller les pistes ».