Bauxite : vers une catastrophe écologique en Guinée ?
Cela fera exactement un an depuis que mediaterre.org a publié cet article. Comparée aux autres pays de qui ont été victimes du virus ebola, la Guinée semble celle qui se reprend le plus rapidement. Avec les violentes manifestations de Boké, il garde toute son actualité. En effet, la ville minière est secouée depuis quelques jours par des manifestants « dix jours que les habitants de Boké, dans le nord-ouest du pays, protestent contre l’absence d’électricité et d’eau, notamment. Des violences qui ont déjà fait deux morts et des dizaines de blessés. Jeudi, les manifestants, en majorité des jeunes, s’en sont pris à des bâtiments publics de la ville voisine de Kolaboui. Les manifestants se sont en fait attaqués à des symboles de l’Etat, comme le rapporte RFI, ce vendredi 22 septembre 2017.
Après plusieurs années marquées par une économie au plus bas, la Guinée semble retrouver le chemin de la croissance grâce notamment à ses exportations de bauxite. Devenue une manne financière incontournable pour le pays, la production de ce minerai pourrait également avoir des conséquences désastreuses sur l’environnement.
Un marché florissant boosté par la demande chinoise
La Guinée a trouvé en la bauxite un levier de croissance qui lui permet aujourd’hui de booster son économie après deux années au ralenti. En 2014, la croissance était en effet tombée à 0,4 % et en 2015 cette dernière ne s’élevait qu’à 0,1 %. Grandement fragilisée par l’épidémie Ebola, par une diminution des revenus pétroliers ou encore par des recettes douanières sur le déclin, l’activité économique semble désormais avoir démarré une phase de récupération qui devrait lui permettre de terminer l’année avec une croissance de 4 %.
Le secteur minier mondial traverse actuellement une crise majeure qui s’est caractérisée par une baisse spectaculaire du cours des minerais ces derniers mois. Malgré cela, le marché de la bauxite se porte bien, avec un prix de vente à la tonne qui continue de dépasser les 55 dollars. Avec 25 milliards de tonnes de bauxite situées en Guinée, soit les deux tiers des réserves mondiales, le pays s’est naturellement tourné vers la production et l’exportation de ce matériau pour renflouer les caisses.
Si la demande de bauxite ne connaît pas la crise, c’est que ce minerai sert notamment à fabriquer l’aluminium, dont la consommation mondiale ne cesse également d’augmenter. La Chine concentre aujourd’hui la moitié de la production d’aluminium au monde, rien d’étonnant donc à ce que ses besoins en bauxite dominent le marché.
La Guinée est aujourd’hui une source d’approvisionnement privilégiée par la Chine. En 2015, le pays dirigé par Alpha Condé a signé un contrat de 200 millions de dollars avec la société China Hongqiao Group, avec la promesse de livrer 10 millions de tonnes de bauxite chaque année.
Pour honorer les engagements commerciaux de la Guinée, le ministre guinéen des Mines et de la Géologie, Kerfalla Yansané, a fait savoir que la production de bauxite allait s’intensifier pour passer de 17 millions de tonnes annuelles à 40 millions de tonnes d’ici à 2024.
Le géant de l’aluminium chinois a des ambitions qui pourraient rapporter gros au gouvernement guinéen, son objectif étant d’extraire 30 millions de tonnes par an sur le sol guinéen. Seulement, le rendement imposé par les besoins astronomiques de cette société et plus généralement, par la demande chinoise globale en la matière, est régulièrement synonyme de désastre écologique dans les pays qui ont fait de l’extraction de bauxite leur spécialité.
L’environnement en danger
Depuis 2014, l’exportation de bauxite est interdite en Indonésie, pays qui produisait jusqu’à 50 millions de tonnes par an. Début 2016, c’est la Malaisie qui a suspendu l’extraction de bauxite pour raisons sanitaires. Avec la Chine pour principal client, ces deux pays ont longtemps produit leur bauxite dans des conditions environnementales catastrophiques, sans réglementation ni contrôle, honorant leurs engagements commerciaux sans aucune éthique écologique.
En Malaisie, les conditions d’extractions ont suscité de vives polémiques dans le pays qui ont conduit les autorités malaysiennes à décréter un embargo de trois mois sur l’extraction de bauxite suite à un épisode de pollution majeure. De fortes pluies ont en effet lessivé les sols des mines, en grande partie illégales, et ont provoqué le ruissellement de boues rouges. Toxiques, ces rejets miniers sont porteurs de métaux lourds et ont contaminé les rivières, nuisant également à l’activité acquacole sur la côte ouest malaysienne.
Les réserves guinéennes font désormais figure d’El Dorado pour la Chine, qui prévoit encore d’augmenter sa production d’aluminium et ses besoins en bauxite de 7% en 2016. Si l’entente entre les deux pays permet à la Guinée de s’assurer des rentrées financières conséquentes, qui participent au retour de la croissance dans le pays, elle suscite aussi l’interrogation quant à l’impact écologique que va avoir cette surproduction de bauxite sur l’environnement local.
La Chine a montré par le passé qu’elle était prête à fermer les yeux sur la façon dont sa bauxite est extraite, continuant d’acheter à ses fournisseurs des quantités toujours plus importantes sans intervenir dans les conditions de production.
Avec la bauxite, le gouvernement guinéen sait qu’il dispose de ressources naturelles qui peuvent garantir au pays une croissance sur la durée. Pour pérenniser cette activité, il est donc impératif que le pays mette en place les conditions nécessaires pour que l’extraction de bauxite guinéenne soit réalisée de manière contrôlée et responsable en veillant à ce que l’impact environnemental soit réduit au minimum. Sans cela, le pire est à craindre.
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Publié le 22/09/16 à 15h16 GMT