Nous devons renouveler notre devoir de mémoire envers les martyrs du 25 janvier 1971
Le doyen Mamadou Kolon Diallo qui a passé six ans au Camp Boiro et autres suite à ce que Sékou Touré qualifia Le Complot des Enseignants. Dans le livre Six Années au Camp Boiro pour avoir eu raison trop tôt et dans une vidéo intitulée Six ans au camp Boiro produite par Paul Théa et accessible sur Youtube le doyen nous raconte le calvaire qu’il a vécu dans ce goulag de triste mémoire.
Après avoir participé à la commémoration de la triste date du 25 janvier 1971 au cours de laquelle 86 citoyens innocents furent pendus dans toutes les villes guinéennes, Alpha M Diallo a partagé sur sa page Facebook une touchante réflexion du doyen Mamadou Kolon Diallo sur le devoir de mémoire des générations qui ont suivi et qui suivront les horreurs commises sur notre peuple au cours de la première république.
UN DEVOIR DE MÉMOIRE
Le Mercredi 25 Janvier 2017 j’ai pris part à la cérémonie traditionnelle commémorant les tristes et douloureuses pendaisons de 1971 organisée par l’amicale des victimes du camp BOIRO.
En dépit de la tristesse de l’évènement et de sa solennité ce fut pour moi l’occasion de ressentir une joie sincère à l’occasion des retrouvailles émouvantes avec des camarades d’enfance et d’infortune entre autres TOURE Kindo rencontré pour la première fois en 1945 au collège. Pour la petite histoire et la grande il est « le seul rescapé du complot Kaman-Fodéba ». Émotion et joie aussi de rencontrer des survivants, des veuves, des fils et filles des disparus des différentes tourmentes et tragédies traversées par la Guinée aussi bien sous Sékou Touré que sous ses successeurs.
Ce fut aussi et surtout l’occasion d’éprouver une immense tristesse et une profonde amertume pour la maigreur squelettique de l’assistance qui de mon point de vue et dans mon attente devrait être d’une toute autre ampleur. Disons même d’une ampleur gigantesque, à la mesure et à la hauteur du retentissement que l’évènement eut à l’époque jusque et y compris hors de nos frontières. À mon sens et à mon avis la commémoration de cette douloureuse et honteuse blessure devrait revêtir un caractère national comme l’a été l’évènement par la diversité des victimes puisées indifféremment dans toutes les ethnies et couches sociales de la nation.
On peut et doit regretter que le peuple de Guinée ait ainsi laissé la commémoration de cet évènement aux seules victimes et à leurs familles directes.
Ajoutant à l’amertume et au chagrin, nous avons hélas constaté que même les victimes et leurs familles n’étaient pas au grand complet à ce rendez-vous, Et donc que les victimes sont oubliées, abandonnées à leur triste sort, pire que peut être leurs sacrifices sont vains n’ayant servi à rien. Ni de leçon pour éviter que cela ne se reproduise, encore moins de motif pour se battre et prendre en main notre destin.
Pour ajouter encore plus d’amertume et de chagrin, comme si cela était nécessaire, la classe politique à l’heureuse exception du Bloc Libéral, en la personne de son président Dr Faya MILIMMONO, a brillé par son silence assourdissant et son absence.
De même pour les institutions républicaines dans leur ensemble. Car il ne faut pas se voiler la face, la présence du Ministre Gassama DIABY n’était qu’individuelle et personnelle, cela en dépit de son habile et diplomatique discours qui laissait entendre qu’il parlait au nom du Gouvernement et du Président de la république. Encore une fois ceci ne trompe que ceux qui veulent bien se laisser tromper.
Quant à l’absence du chef de l’État ou d’un représentant officiel et dûment mandaté, elle est si non admissible du moins incompréhensible. En effet qu’on est en droit de penser que, n’eut été son absence de la Guinée au moment des faits, il serait probablement du nombre des victimes.
Il faut signaler aussi l’absence de toute l’autorité religieuse et coordinations régionales. Concernant la communauté internationale seul l’Ambassadeur des États Unis a voulu honorer la cérémonie de sa présence et de son soutien. Qu’il en soit félicité et remercié ainsi que son peuple et son gouvernement.
Nonobstant l’amertume, le chagrin et faits regrettables et condamnables constatés on ne peut que souhaiter et même espérer que les hommes de bonnes volonté, tout particulièrement les patriotes guinéens ne vont pas baisser les bras et se laisser aller au désespoir. Dans l’intérêt supérieur de la Guinée et les guinéens, je termine par une note d’espoir en formulant des vœux que ces actes et comportements négatifs cèdent la place à d’autres actes et comportements plus conformes aux ambitions et désirs de l’immense majorité des guinéens.
La cérémonie prit fin par la lecture du saint coran dans les ruines de la partie carcérale du tristement célèbre camp Boiro.
Partie carcérale que l’on doit du reste reconstruire à l’identique pour servir de mémorial de toutes les victimes sans exclusive des régimes répressifs qu’a connu la Guinée.
Mamamdou Kolon DIALLO, Instituteur à la retraite et rescapé du Camp Boiro
La publication de ce commentaire a suscité de nombreuses réactions de la part des autres amis de M. Alpha Diallo, dont voici quelques unes:
Aboubacar Fofana: Point de découragement chers amis. C’est aussi ce qui arrive quand les gens ne veulent pas faire l’introspection nécessaire ou quand ils sont peu sensibilisés, sur notre parcours en tant qu’Etat.
« Pour que « Plus jamais çà! »
Voici une biographie du doyen Mamadou Kolon Diallo, établie lors de la publication de son livre par son éditeur.
Mamadou Kolon Diallo est né en 1933 à Koundou Thiankoye en Guinée. En 1950, avec son diplôme de Brevet Elémentaire, il obtient une bourse pour le Lycée Van Vollen Hoven de Dakar, au Sénégal. De 1954 à 1958, il tente le concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud, au Lycée Chaptal de Paris, puis une Licence de Mathématiques à l’Académie de Poitiers, tout en militant activement à l’Union Générale des Elèves et Etudiants Guinéens de France (UGEEGF) et à la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF).
Après le Référendum [28 septembre 1958] et l’indépendance de la Guinée, il retourne dans son pays où il travaille successivement en tant que Surveillant du Lycée de Donka (1959-1960) et Chargé de cours au Collège Court de Labé (1960-1961). En décembre 1961, il est arrêté dans ce que le Pouvoir en place appelle « Le Complot des enseignants » et est incarcéré au Camp de la Garde Républicaine de Camayenne qui deviendra plus tard le Camp Mamadou Boiro.
En 1965, à la suite du complot dit « Complot Petit Touré », les anciens détenus de 1961 sont envoyés dans les différents camps à l’intérieur du pays. L’auteur atterrit à Guékédou, à 530 km de Conakry, d’où il sera libéré le 3 octobre 1967. Durant l’année scolaire 1968, il enseigne à l’Ecole Normale des Instituteurs de Faranah. En 1969, il quitte l’enseignement pour servir successivement a l’OFAB (Office des Bauxites de Boké), l’OBK (Office des Bauxites de Kindia) et au Ministère de l’Elevage et de la Pêche où il prend une retraite anticipée.
Diallo est marié et père de trois enfants.