Etats-Unis: Devant les flics armés, elle n'avait que son courage, sa beauté et sa dignité
Cette photo fait partie de celles qui provoquent plus d’émotion et d’empathie que tous les reportages et autres images auxquelles elles se réfèrent. Parmi celles qui me viennent en tète, il y a la photo de ce militant des droits humains de Jeff Widener, prise le 5 juin 1989, non loin de la place Tianamen de Pékin représentant un homme, seul, en chemise blanche, deux sacs plastiques à la main, devant une colonne de tanks, protestant contre le massacre qui avait fait environ 200 morts et près de 10 000 blessés, dans la nuit du 3 au 4 juin 1989.
Dans le domaine des droits humains, après celle-là et tant d’autres à travers le monde, il y celle dont voici l’histoire représentant une femme noire, à l’air pacifique, d’une grande élégance, menottée, le 9 juillet 2016, à Bâton-Rouge (Etats-Unis), devant des agents de sécurité arc-boutés, en tenue de combat, lors des manifestations de rage les meurtres, par des agents de polices blancs, d’afro-américains un peu partout aux USA. A Bâton-Rouge, en Louisiane, c’est M. Alton Sterling, vendeur de CD à la sauvette, père de 5 enfants qui a été tué à bout portant par un agent de police blanc.
Voici l’histoire de cette photo racontée par francetvinfo.fr sous le titre Après une photo, une manifestante de Bâton-Rouge devient une icône du mouvement « Black Lives Matter ».
Une femme se tient droite, la tête haute, les menottes au poignet. Cette inconnue a été arrêtée avec 101 autres manifestants, samedi 9 juillet à Bâton-Rouge (Etats-Unis), lors d’un rassemblement de protestation, après la mort d’Alton Sterling lors d’une interpellation. Cette image a fait le tour du monde, tant elle résume l’esprit du mouvement « Black Lives Matter » (« La vie des Noirs compte »). Elle est l’œuvre de Jonathan Bachman, photographe pour l’agence Reuters, qui a livré quelques précisions au site Buzzfeed (en anglais) et au magazine The Atlantic (en anglais).
« La première image que j’ai transférée à l’agence »
Entre 100 et 200 manifestants ont bloqué une route près de l’hôtel de police, explique le journaliste. Les forces de l’ordre leur ont alors demandé de quitter les lieux, équipés de tenues anti-émeute. Certains sont partis ; d’autres ont invectivé les policiers. Au milieu du tumulte, une femme vêtue d’une robe est restée piquée là, sans un mot. « Je photographiais quelqu’un qui discutait avec un policier, et je l’ai alors aperçue par dessus l’épaule. Visiblement, elle n’avait aucune intention de bouger. » Peu après, elle a été emmenée au commissariat. « Ce n’était pas très violent. Elle n’a rien dit, elle n’a pas résisté, et la police ne l’a pas traînée. »
« C’était la première que j’ai transférée à Reuters parce que je savais qu’elle était importante », commente Jonathan Bachman. « Vous pouvez prendre en photo des tas d’arrestations, mais cette photo exprime mieux que toutes ce que les manifestants essaient de réaliser ici, à Bâton-Rouge. » Selon le photographe, cette image illustre la contestation pacifique dans cette ville de Louisiane. « Je comprends que des officiers ont été blessés ailleurs mais, ici, tout est resté pacifique. » La police évoque toutefois la saisie de six armes. Un officier a également perdu plusieurs dents, touché par un projectile.
Une photo virale, grâce à sa charge iconique
Après sa publication, l’image est vite devenue virale. Un journaliste du New York Daily News, Shaun King, a partagé la photo sur Facebook avec son demi-million d’abonnés. Certains commentateurs ont alors salué une « image de légende, qui restera dans l’histoire ». Certains n’ont pas hésité à comparer le calme de cette femme avec l’attitude d’un étudiant face aux chars, en 1989, sur la place Tian’anmen de Pékin. Depuis, la plupart des articles consacrés aux manifestations de Bâton-Rouge utilisent cette photo d’illustration, alors que l’un des fers de lance du mouvement « Black Lives Matter » DeRay Mckesson a lui aussi été arrêté à Bâton-Rouge.
Reste à connaître l’identité de la femme interpellée. Selon plusieurs journaux, dont le New York Daily News (en anglais), il s’agit d’Ieshia Evans, infirmière et mère d’un enfant. Installée à Philadelphie, elle aurait choisi de se rendre à Bâton-Rouge après la mort d’Alton Sterling, selon des proches cités par le Washington Post (en anglais). Mais pour l’heure, aucun média n’a encore recueilli son témoignage.