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Les griots et autres fétichistes, profiteurs permanents ou occasionnels du régime

Sékou Touré, en effet, se révèle être un grand superstitieux, fasciné par tous les manipulateurs de la chose occulte

Ce texte a été extrait du chapitre 8 intitulé Le séducteur aux abois 1976- 1977 du livre du professeur Ibrahim Baba Kaké Sékou Touré : le héros et le tyran. Le professeur Kaké

Même si elle est au premier rang, il n’y a pas que la famille pour abriter les profiteurs permanents ou occasionnels du régime. Autour de la présidence navigue aussi toute une faune pittoresque et grassement entretenue pour raison d’Etat : de nombreuses femmes bien en cour mais également, et surtout, des voyants, marabouts et autres féticheurs, et même divers anormaux et handicapés.

J’ai rêvé que je suis devenu président … et le rêveur mourra en 1975 au camp Boiro.

Mécréant et même communiste déclaré au début de sa carrière, Sékou Touré, en effet, se révèle être un grand superstitieux, fasciné par tous les manipulateurs de la chose occulte. Il n’est un secret pour personne que nombre de marabouts feront partie de ses agents de renseignements et qu’avec d’autres oisifs, délinquants et mystificateurs de l’entourage de Sékou Touré, ils se nourriront du budget national.

C’est déjà par voie occulte, très tôt, que Sékou Touré apprend, ou plutôt croit apprendre bien sûr, que son successeur sera un ressortissant de la Basse-Guinée. Que fait-il ? Sans tarder il s’empresse de neutraliser les éventuels présidentiables de cette région. Les prédictions se font hélas bientôt plus précises : l’ange exterminateur du régime, lui dit-on, doit s’appeler David ou Ibrahima. Du coup la police secrète recherchera tour à tour David Soumah, syndicaliste chrétien de renom, David Tondon Sylla, un ancien de William Ponty, Ibrahima Diané, directeur des douanes, et tous les David et les Ibrahima imaginables de la Guinée.

On vous jette en prison rien que pour le port d’un de ces deux prénoms. Et ce n’est pas par hasard que David Tondon Sylla, David Camara et Ibrahima Diané se retrouveront tous au camp Boiro à l’occasion de l’un ou l’autre complot. Autre méfait imputable aux voyants : l’un d’entre eux évoque la ville de Dubréka comme pouvant devenir un centre de subversion. Par malheur un écolier de l’endroit dit un jour en jouant avec ses camarades : J’ai rêvé que je suis devenu président. Crime de lèse-majesté ! Le pauvre garconnet, dénoncé, est impitoyablement traîné jusqu’au comité de base local puis à la fédération. Il mourra en 1975 au Camp Boiro.

Les tendances occultes du dictateur guinéen, nous l’avons déjà signalé, se déploient également dans un autre domaine : il semble avoir une prédilection pour les infirmes, les handicapés, les albinos, etc. Bon nombre de ces êtres très particuliers appartiennent à sa police secrète et certains joueront un rôle important dans la vie nationale. C’est ainsi que Bangali, un petit bossu originaire de Faranah, simple planton aux PTT, peut réussir, par des allégations mensongères, à faire destituer le ministre de son département qui avait refusé de lui rendre un service illégal. Si Sékou aime tant les albinos et autres individus bizarres ou anormaux, c’est aussi, dira une rumeur insistante, parce que ceux-ci constituent d’excellentes proies… pour des sacrifices humains.
La Guinée, sous Sékou Touré, est en fait un pays administré à deux vitesses :

d’un côté on adopte les techniques rationnelles de l’Occident, de l’autre on conserve l’usage des méthodes et comportements non moins éprouvés de l’Afrique ancestrale. C’est évidemment à cette seconde catégorie qu’appartiennent les prédictions dont est si friand le leader guinéen.

Quoiqu’on ait pu dire à la chute du régime, Sékou Touré n’avait cure de son enrichissement.

Les marabouts qui en sont les auteurs se livrent à des exorcismes, des substitutions au plan symbolique qui exigent l’immolation de cabris, de bufs , voire, c’est le nec plus ultra, d’hommes. Est-ce pour avoir ainsi des sacrifiés à portée de la main que Sékou Touré a fait construire, à la demande des marabouts, une résidence pour les infirmes ? La rumeur, là encore, le dit.

Cet asile, implanté à Matoto, un endroit discret à côté de Conakry, porte l’appellation très évocatrice de cité de la solidarité . Celle-ci, d’aucuns remarqueront la coincidence, est inaugurée le dimanche 18 juillet 1976, au moment même où l’on va déclencher les dernières grandes opérations contre la Cinquième colonne impérialiste , au cours de cette nuit infernale où sont arrêtés les Diallo Telli, David Camara, Sékou Philo Camara, Souleymane Sy Savané, Dramé Alioune, Dr. Barry Alpha Oumar. On dit que les désertions sont fréquentes à Matoto, même parmi les aveugles et les lépreux les plus atteints. Ce serait le sauve-qui-peut, chacun craignant de disparaître selon le bon vouloir du dictateur et de ses marabouts.

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