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Guinée: Quand des Twits forcent le gouvernement à délivrer les pièces d'identité

Le journaliste free-lance CARLOS BAJO ERRO de Barcelone a écrit un autre billet sur les activités de la blogosphère guinéenne. Son article intitulé Un tuit para conseguir un DNI (Un twit pour obtenir la carte d’identité) a été publié, comme les autres, sur un des principaux quotidiens européens, El Pais, le 18 juillet 2016. J’ai eu le plaisir de le traduire

Ce quotidien espagnol est l’un des vingt meilleurs journaux du monde. Son ancien directeur de 2006 à 2014, Javier Moreno, a été choisi par ses pairs pour diriger l’alliance formée par les principaux journaux européens.

Début de l’article de CARLOS BAJO ERRO

Avec la campagne #Droitalidentite, les blogueurs guinéens ont réussi à obtenir de leur gouvernement le renouvellement des documents d’identité. L’absence de pièces identification avait nourri le terreau de la corruption quotidienne.

 « La police te demandait ta carte d’identité à chaque contrôle, si tu ne la montrais pas tu devais payer 10.000 francs guinéens (1,2 euros), si elle était périmée, c’était 5000 (60 cents). Le seul problème c’est que le gouvernement avait cessé d’émettre des cartes d’identité en décembre 2014 et c’est la police qui était en charge de leur renouvellement. Cet argent n’allait pas dans les coffres de l’état « . Qui explique cette situation est Fodé S. Kouyaté, Président de ablogui, l’association des blogueurs de Guinée-Conakry. Une des principales raisons de cette campagne de son organisation #Droitalidentite avait pour but de faire pression sur le gouvernement pour qu’il reprenne la délivrance des documents d’identification.

 

Les Guinéens vivant à l’étranger devaient retourner dans leur pays uniquement pour renouveler leur passeport. Les ambassades n’avaient pas ces documents. Ceux qui résidaient dans le pays ne pouvaient pas renouveler leurs cartes d’identité expirées. Depuis décembre 2014, la police n’accomplissait plus cette procédure. La raison officielle était que les autorités guinéennes étaient entrain d’introduire un nouveau modèle de document d’identité nationale biométrique et dans l’attente, toute délivrance de nouvelles cartes avait été suspendue. Le problème c’est que ces nouvelles cartes tardaient à venir. « Pour ceux qui vivaient à l’étranger, le cout du billet pouvait être une dépense impossible à assumer. Ceux qui sont ici ne pouvaient pas aller même à la banque, nous ne pouvions pas accomplir les procédures administratives tandis que les policiers y avaient trouvé une source de revenus illégale », explique Fodé S. Kouyate.

Dans cette situation, les blogueurs membres d’ablogui ont considéré de leur devoir civique: protester pour pousser le gouvernement à résoudre ce problème des citoyens. En mars, ils ont lancé une campagne à travers les réseaux sociaux: #Droitalindentite. Celle-ci a commencé par une plainte, comme une action pour dénoncer leurs dirigeants devant les citoyens et communauté internationale. Dans les premiers jours, ils ont coordonné l’action de quelques-uns des utilisateurs de Tweeter les plus influents du pays.

En quelques jours, les réseaux sociaux, principalement Twitter ont véhiculé toutes ces plaintes que Kouyaté dénonçait. Les abus de la police, le commerce des cartes d’identité contrefaites à des citoyens désespérés, en particulier ceux vivant à l’étranger … « Dans quelques jours, je vais cesser d’être guinéen. Ma carte d’identité expire le lundi « , a écrit un utilisateur de Twitter concerné. Un autre cita un cas concret pour montrer que les plaintes étaient réelles: « 5000 francs pour passer le contrôle du pont Tanéné si vous n’avez pas de carte d’identité. » Ils ont dévoilé, ainsi, l’incapacité et l’inefficacité des autorités à résoudre un tel problème de base. ils les traitaient de toutes les couleurs sur le réseau.

 

« Lorsque nous avons lancé la campagne, de nombreuses autres organisations de la société civile y ont adhéré et convenu que c’était une nécessité. Grace à ce soutien la campagne a eu une portée nationale et généré une forte mobilisation « , affirme le président de ablogui. Le tapage virtuel et les contacts qu’ils ont établis ont attiré l’attention des médias. Ainsi, les blogueurs ont d’abord assailli les radios et enfin les pages d’un média international se sont ouvertes: le magazine Jeune Afrique.

Affiche exigeant le renouvellement des cartes d'identité. ABLOGUI
Affiche exigeant le renouvellement des cartes d’identité. ABLOGUI

« Nous avons souligné les inconvénients dont l’absence de cartes d’identité était à l’origine», dit le président des blogueurs guinéens. Ils ne demandaient au gouvernement aucune solution impossible. Les auteurs de la campagne proposait aux autorités de proroger la validité des documents d’identité, exceptionnellement et de manière temporaire, même si elles avaient expiré, ou que les cartes d’électeurs soient acceptées.

« Notre plainte s’est intensifiée», dit Kouyaté, « et les autorités ont commencé à prendre position. Premièrement, le ministre de l’Unité nationale a répondu à une lettre que nous avions envoyée au gouvernement. Il a promis de se faire écho de notre plainte auprès du ministre de la Sécurité, qui est responsable de la question ainsi qu’au premier ministre ». Le président des blogueurs guinéens dit qu’il a appelé au téléphone le responsable de la sécurité quand, au beau milieu de la campagne, à un barrage de la police on ne cessait de demander 5.000 et 10.000 francs aux citoyens qui n’avaient pas de carte d’identité ou dont celle-ci avait expiré. Le ministre avait déclaré publiquement qu’il s’agissait de chantage. En face de l’évidence il a du traiter les plaintes.

À la fin du mois d’avril, les ambassades ont publié des avis annonçant la disponibilité des nouveaux passeports et que le 25, les postes de police commenceraient à renouveler les cartes d’identité. Malheureusement, dans l’ancien format, car les passeports biométriques n’étaient pas arrivés. Comme les blogueurs n’avaient pas entièrement confiance, ils ont mobilisé leurs contacts pour vérifier si effectivement les cartes d’identité étaient disponibles dans le pays et les passeports dans les ambassades.

L’organisation des blogueurs a acquis en peu de temps un prestige considérable en Guinée. Lors des dernières élections présidentielles, ils ont été en mesure de lancer, GuineeVote, un dispositif de surveillance des élections qui a suscité l’envie des cyber-activistes des autres pays ayant une plus grande tradition technologique. Cela a été possible en réalité grace au soutien et la participation de la société civile, dans une large mesure.

Pour Fodé S. Kouyaté, la campagne pour revendiquer le droit d’avoir des pièces d’identité a permis aux blogueurs guinéens de progresser dans leur engagement civique et « mesurer leur capacité d’influencer». « Nous voulions montrer que nous étions en colère et qu’il y avait un moyen de faire pression sur les autorités, sans violence. Je pense que cet exemple est très important, une revendication sans violence, qui, de surcroit, a fonctionné. L’outil fondamental pour la réaliser ont été les réseaux sociaux. La campagne #Droitalidentite a montré que les TIC sont au service du monde entier et ils offrent une nouvelle manière d’exprimer la citoyenneté, » déclare Kouyaté avec satisfaction.

Voici les autres articles du même auteur sur la blogosphère guinéenne et les élections:

 

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konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

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