Interview à Sidikiba Keita, fils ainé de Keita Fodéba
Sur les 2 années qui ont précédé son arrestation, mon père a instauré avec moi des conversations quotidiennes que nous tenions en tête à tête entre 14h et 15h, "l'heure de la sieste"
Aujourd’hui , c’est le 53ème anniversaire de l’arrestation de Keita Fodéba. C’est une occasion pour konakryexpress pour demander à Keita Sidikiba de nous parler de cette illustre personnalité.
Cette première interview se concentre sur l’homme politique et ses relations avec le tyran Sékou Touré, il y aura une autre dans laquelle il nous parlera de l’écrivain et du créateur des célèbres Ballets africains de Keita Fodéba devenus ensemble national de la Guinée en 1960 qui ont sillonné le monde pour faire connaitre la culture mandingue bien avant l’indépendance. |
Konakryexpress: Présentez-vous, svp
Sidikiba Keita: Je suis le fils aîné de KEITA Fodéba, engagé dans tout ce qui peut contribuer à rassembler les guinéens sur la base de la réduction de la fracture mémorielle.
K: Quel age aviez-vous à l’arrestation de Keita Fodéba, votre père?
SK: À peine collégien, j’étais très jeune, mais aussi précoce et très bien imprégné de l’environnement qui prévalait.
Car, sur les 2 années qui ont précédé son arrestation, mon père a instauré avec moi des conversations quotidiennes que nous tenions en tête à tête entre 14h et 15h, « l’heure de la sieste ».
Mon Oncle Bakary, jeune frère de Fodéba, qui, un jour de passage à la maison nous avait suivis lors de l’un de ces échanges, s’en est souvenu lorsque feu le Pr Tierno BAH, créateur et animateur du site campboiro.org, lui avait demandé d’écrire sur l’histoire de son frère. Il lui a répondu, selon Tierno BAH: « je suggère de demander cela à son fils Sidiki, qui en sait autant ou même plus que moi ».
Ces échanges qui ont commencé sur des sujets assez généraux, se sont précisés au fur et à mesure que j’exprimais mon intérêt par des observations qui le surprenaient et l’interpelaient.
Notamment et de façon plus sérieuse suite à la réponse que je lui avais faite à mon retour de Dakar en fin 1967, lorsqu’il m’a demandé comment j’ai trouvé le Sénégal. Ma réponse fut la suivante: « je croyais que la Guinée était un pays normal, je sais maintenant que c’est loin d’être le cas ».
Je peux vous dire qu’il en fut estomaqué, tout ministre qu’il fut.
Mon père a aussitôt répercuté ce propos au cercle de ses amis (ministres, gouverneurs, opérateurs économiques) qui, tous les soirs, se retrouvaient chez nous pour parler avec lui du pays et de sa gouvernance.
Ceux qui étaient de passage, comme les gouverneurs de région, étaient ses invités au long de leur séjour. Cela m’a valu de pouvoir souvent profiter de mon coin de table, puisque nous dînions ensemble, pour orienter les questions sur lesquelles j’échangeais le lendemain avec mon père en l’absence des tontons qui ne manquaient pas de renchérir sur les différents aspects de ce qu’ils pensaient ou percevaient de la gouvernance du pays.
La plupart ont péri au camp de Camayenne.
Et pour ceux d’entre eux qui réchappèrent, et que j’ai retrouvé au Mali et en Côte d’Ivoire, je me suis naturellement retrouvé à parler avec eux du pays avec une familiarité qu’ils n’avaient pas avec leurs enfants qui étaient souvent mes copains aussi, mais avec lesquels je n’abordait pas ces « sujets d’adulte ».
Mon père m’avait ainsi lancé dans un « cycle initiatique » ressemblant à un jeu de tiroirs, dans le dédale de la découverte des faits.
C’est ainsi qu’à Bamako, par exemple, tandis que mon copain Baboye DIALLO s’échinait à apprendre la guitare dans sa chambre, j’ai voulu discuter au salon avec son père, Seydou DIALLO, à propos du long séjour qu’avait fait mon père à Cuba, en 1968, et des cigares que Fidel CASTRO lui offrait et qu’il me montrait à Conakry avant de les distribuer à des amateurs de cigare, puisque lui ne fumait pas.
Seydou DIALLO, qui fut leader syndical malien de l’Union générale des travailleurs d’Afrique noire (UGTAN), avait rejoint la Guinée et dirigé l’École des Cadres du Parti, comptait parmi le cercle d’amis qui se retrouvaient régulièrement le soir chez Fodéba avant et après qu’il fût ambassadeur de Guinée à Cuba. Il était donc un tonton familier.
Voilà que de fil en aiguille nous en venons sur les raisons qui l’ont amené, lui Seydou DIALLO, à ne pas revenir en Guinée.
C’est ainsi que j’ai su que c’était une conséquence de l’opération portugaise du 22 novembre, et appris ainsi, que c’est lui qui, à son poste d’ambassadeur de Guinée à Cuba en 1970, fut sollicité par CASTRO pour porter à Sékou TOURÉ le souhait des autorités portugaises de négocier à travers ce dernier, la libération des prisonniers détenus en Guinée par le PAIGC.
Après le 22 novembre 1970, il avait décidé de rejoindre son pays d’origine le Mali, en démissionnant de sa mission diplomatique à la Havane, afin de ne pas subir le sort de Yoro YARA, son homologue de Moscou à la même période. Il me rapporta en détail les circonstances de l’arrestation de ce dernier. Il me communiquait ces infos en réponse à ma question de savoir pourquoi il avait quitté la Guinée pour se reconvertir dans le commerce de gomme arabique au Mali.
Fort de ces informations, quand je rencontre Jean-Paul ALATA en Côte d’Ivoire quelques années plus tard, un autre familier de KEITA Fodéba, je le questionne sur lesdits prisonniers, sachant qu’il était en poste à la Présidence et très proche de Sékou TOURÉ et des secrets d’État. Il souligne en réponse que c’est l’une des principales sinon la principale raison du débarquement et confirme qu’il était au courant des négociations entamées pour les faire libérer avec des précisions qu’il serait long d’exposer ici.
Avez-vous des frères et soeurs?
SK: À l’africaine, nous sommes plusieurs, puisque la fratrie nucléique est une notion essentiellement occidentale.
En particulier, tous les frères, cousins et autres neveux de Fodéba, connus/reconnus pour tels furent saqués et marginalisés à un point tel qu’ils ont subis autant ou plus que nous qui avions pu « fuir » le pays.
Mon oncle Bakary KEITA, qui fut brièvement nommé en 1978 Directeur Général de Libraport, entreprise publique qui détenait le monopole de l’importation du matériel de bureau, après être resté sans emploi depuis sa sortie du camp Boiro en 1969, sera vite démis à nouveau et se retrouvera encore sans emploi. Les autres ne purent plus jamais occuper un travail salarié dans un régime où l’État était le seul employeur.
Nous sommes ainsi indissociables et cela se poursuit de nos jours, et nous faisons front, tous ensemble.
K: Quel est l’image, la plus chère que vous gardez de lui?
SK: Sa propension à donner. Peut-être que ceux qui en bénéficiaient ne le faisaient pas exprès, mais dès que quelqu’un appréciait un habit qu’il portait et lui disait que ce qu’il portait lui allait bien, sa réaction était : « ah, ça te plaît ? » et aussitôt que l’intéressé répondait « oui », je me disais « hop là! » Car, immanquablement, il s’éclipsait, allait se changer et revenait avec l’habit qu’il avait enlevé pour l’offrir, soigneusement plié, à celui qui venait de l’apprécier. Il était aussi très bon pédagogue ce qui l’amenait à échanger avec moi sur des thèmes variés et à se plier volontiers à toutes les questions qui en relevaient.
K: Depuis quand Sékou Touré et Keita Fodéba se fréquentaient et quelles étaient leurs relations, lorsque le premier luttait pour la conquête du pouvoir?
SK. Ils se sont connus à travers mon oncle feu Bakary KEITA, qui était le jeune frère de Fodéba.
Bakary était à l’École professionnelle Georges POIRET, où fut orienté Sékou TOURÉ. Ce dernier lui a proposé de devenir son correspondant en sortie d’internat les week-end. Et c’est suite à cela qu’ensemble, ils rédigèrent une lettre pour en informer Fodéba. Sékou TOURÉ fera un bref séjour à Paris en 1948 pour le congrès de la Confédération Générale du Travail, et dira à Fodéba son désir de venir séjourner à Paris pour parfaire sa formation de syndicaliste, suite à quoi Fodéba lui offrira le gîte et le couvert.
C’est ainsi qu’il amorcera des navettes entre Paris et Conakry et sera constamment hébergé rue de la Verrerie, chez Fodéba, près de l’Hôtel de Ville, avant son élection comme Député au Palais Bourbon.
K: Après l’indépendance, je suppose que leurs relations se sont graduellement détériorées. On sait que pour vous arrêter, il suffisait que Sékou TOURÉ ait une dette de reconnaissance envers vous ou qu’il ait démontré un moment de faiblesse devant vous pour vous retrouver dans des problèmes. A votre avis est-ce qu’il y a eu une raison à la base de la disgrace de Keita Fodéba?
SK: La divergence fondamentale fut que Fodéba était très à gauche, et sans aucune concession pour l’indépendance totale du pays. Ainsi, dès l’approche du référendum, Fodéba avait demandé au Parti Communiste Français de commencer à approcher les pays de l’Est afin que ces derniers se préparent à appuyer la Guinée afin qu’elle puisse obtenir et tenir son indépendance avec leur appui.
C’était contre la ligne et les consignes du RDA, que Sékou avait finalement suivi, malgré son discours du 25 août devant le Général De Gaulle.
KEITA Fodéba avec l’aile gauche du PDG, se sont rapprochés de BARRY Diawadou et BARRY III pour créer un front uni et faire sur Sékou TOURÉ la pression nécessaire afin qu’il rallie définitivement et clairement la ligne de l’indépendance le 14 septembre 1958.
K: Keita Fodeba a fini ses jours comme de nombreuses autres victimes de la révolution, mais en tant que ministre de la défense, il a joué un rôle dans la création et le maintien de la chape de plomb sous laquelle a vécu le peuple de Guinée pendant 26 ans. Que pouvez-vous nous dire à ce propos?
SK: D’abord, il ne faut pas confondre création de l’État et création de chape de plomb. C’est comme si on confondait le fabricant d’armes de défense avec l’assassin qui en fait usage pour commettre un crime.
Fodéba a fait de sorte que la Guinée indépendante dispose d’un État qui lui permette de tenir debout, sur tous les plans requis pour cela. La chape de plomb est venue du retournement des pouvoirs régaliens après qu’ils fussent détournés par Sékou TOURÉ au nom d’un parti unique et sous le dogme de la prééminence de ce parti sur l’État, parti dont Fodéba était tenu à l’écart.
Ensuite, il y a un glissement subtil qui est un comble d’aberration lorsque l’on attribue 26 ans à quelqu’un qui est mort 10 ans à peine après l’indépendance en n’ayant exercé la pleine charge des fonctions régaliennes, hors Défense Nationale, que pendant 3 ans en tout sur les 10 ans et demi qu’il fit au sein du Gouvernement de la Guinée indépendante. Auparavant il fut ministre de l’intérieur dans le gouvernement territorial de la Guinée française.
Tant qu’il en a tenu les rênes, l’Armée guinéenne fut républicaine, ainsi que la police. La « police d’État » ne fut créée en Guinée qu’en 1970. Auparavant, elle ne fut mêlée qu’aux actions de contingence des opérations de déstabilisation ourdies par la France, et qui, quoique réelles, et connues de Sékou TOURÉ, ne furent jamais dénoncées par ce dernier comme des complots.
Au contraire, Sékou TOURÉ les a passés sous silence, tandis que les purges de liquidation des gêneurs et autres récalcitrants à la « ligne du parti » furent masquées en complots, tous instruits, jugés et condamnés en dehors des structures qui étaient placées sous l’autorité de KEITA Fodéba.
K: Avant d’être accusé de comploter avec Kaman Diaby contre Sékou Touré, quel a été son role dans la création de l’armée guinéenne?
SK: À l’indépendance, les français avaient démantelé toutes les garnisons militaires coloniales et emporté toutes les armes de tous les camps dépendants du Gouverneur de la Colonie. Sachant que les Affaires étrangères et la Défense nationale restaient du ressort du Gouvernement Général, seul le camp des Gardes-Cercles restaient du ressort du Chef du Gouvernement territorial, Sékou TOURÉ en l’occurrence. Cependant, aussitôt l’Indépendance proclamée, de nombreux guinéens enrôlés sous les drapeaux français décident de rejoindre la mère-patrie. Ils arrivent dans une Guinée désarmée et Sékou TOURÉ a décidé de les placer dans une association des anciens combattants affiliée au PDG, et pour les gérer, il crée un Secrétariat d’État à la Défense rattaché à la Présidence et y nomme N’famara KEITA. Des bureaux de ce syndicat sont créés partout où on a les anciens combattants que sont devenus de fait tous ceux qui ont quitté les drapeaux français. Face à cela, KEITA Fodéba estime que le pays ne peut garantir son Indépendance qu’avec une véritable armée, bien entraînée et équipée.
Il concevait cette armée comme institution organisée et structurée pour être une force productive en temps de paix.
Pour l’équiper et la former, Fodéba fit un voyage spécial pour demander l’appui de la Tchécoslovaquie dès janvier 1959 et obtint, en son nom propre, les équipements nécessaires pour un effectif de 3000 hommes. C’est ainsi que fut créé le Bureau national de recrutement.
K: Quel a été son role dans la transformation du camp de la Garde républicaine de Camayenne en Camp Boiro?
SK: D’abord c’est le 14 mai 1969 que le camp de la Garde Républicaine ou camp Camayenne fut rebaptisé camp Boiro. Fodéba avait été mis à la diète noire le 13 mai et en est mort le 26 mai, dans un poste militaire frontalier où il avait été envoyé pour cette mise à la diète. Il n’a certainement jamais connu ce camp sous ce nom.
Jusqu’au moment de son arrestation, ce camp s’appelait officiellement « Garde Républicaine « , ou, officieusement, « Camp Camayenne », du fait de sa localisation.
Ce camp de Camayenne était celui de la Garde Présidentielle, avec un statut para-militaire complètement autonome par rapport au reste de l’Armée et à toute autre autorité hormis le Président de la République.
La Direction Générale des Services de Police et de la Protection Civile, créée dans le portefeuille du ministère de la Défense en assurait l’intendance générale, à savoir l’approvisionnement en équipement, armes et munitions.
Ce camp était exactement celui des Gardes-Cercle coloniaux, une section de la gendarmerie territoriale coloniale. Jusqu’à la Loi-Cadre, il fut sous le commandement du Gouverneur de la colonie, puis sous celui du Président du gouvernement territorial. Cette présidence fut attribuée d’abord au Gouverneur avant qu’elle ne soit dévolue, en juillet 1958, au Chef du gouvernement territorial qu’était Sékou TOURÉ.
C’est pour cela que le désarmement des camps militaires, diligenté par le Gouverneur (MAUBERNA, sur les instructions de Pierre MESSMER, ne put s’appliquer à ce camp de Camayenne, le « Camp des gardes-cercle », alors sous l’autorité directe du Président du Conseil de Gouvernement Territorial.
Il vous souviendra que c’est déjà le Comité PDG de DONKA (section de Camayenne) qui annonça la sentence de la toute première exécution capitale post-indépendance, celle des 2 voleurs condamnés à mort sous un régime d’exception, dont le peloton venait justement du camp de Camayenne, la Garde républicaine.
C’est dans ce camp, et sous l’égide de la gendarmerie coloniale, que se trouvait l’École de police. Sachez que préalablement à la coopération avec les instructeurs tchèques qu’il avait fait venir pour tous les secteurs en Guinée (Économie, TP, Enseignement, Défense et Sécurité), Fodéba a fait déménager l’École de police à Kankan. Ce dont attestent d’ailleurs les archives tchèques.
Aucun tchèque n’a ni installé des instruments de torture, ni conduit ou formé à la torture en Guinée.
Par contre, une partie des effectifs de l’armée coloniale, revenus d’Algérie et d’Indochine, non repris dans l’armée régulière, furent recrutés dans trois corps paramilitaires, à savoir la douane, la garde forestière et la garde républicaine.
Ils avaient été entraînés et habitués à pratiquer la torture dans le Tonkin et dans l’Algérois en se servant de la gégène électrique, sous les drapeaux de la coloniale et c’est ce qu’ils ont appliqué lorsque cela leur fut permis et demandé.
Le tchèques ou russes venus coopérer en Guinée ne se sont jamais mêlés à cela.
En Guinée, ces équipements furent certes prélevés dans les stocks que Fodéba avait obtenu de la Tchécoslovaquie pour doter la Guinée d’une armée effective, mais ni les gégènes électriques, ni les menottes auto-serrantes n’étaient destinées à réprimer les guinéens et instaurer la dictature.
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Fodéba n’avait aucune autorité directe ou indirecte sur la Garde Présidentielle, qui restait en marge du commandement central de l’armée.
Par contre, en 1962, suite à la sollicitation de Jean-Paul ALATA, au vu du piteux état du pharmacien ROSSIGNOL, quand ce dernier fut libéré, Fodéba s’engagea à faire passer au gouvernement la construction d’une annexe afin que les prisonniers politiques ne soient plus détenus au « bloc » créé par les colons pour servir de « violon » pour la détention provisoire (72h maximum) et pour les arrêts disciplinaires des para-militaires. Afin de faire adopter sa proposition, il fit visiter les installations par le Dr Roger Najib ACCAR, ont la sidération, après visite, lui fut utile pour faire prendre en charge la construction de ladite annexe, construction que Sékou TOURÉ fit superviser par MAGASSOUBA Moriba, alors Directeur des services de police et de la Protection civile.
K: Quelle véracité attribuer à ces mots de Keita Fodéba: « J’ai toujours œuvré pour l’injustice. J’ai toujours servi cette cause injuste. Pour servir cette cause injuste, j’avais inventé des complots afin de pouvoir faire liquider tous ceux qui étaient susceptibles d’exprimer la volonté du peuple de la Guinée martyre. » ?
SK: D’abord, on oublie que de tous ceux qui furent arrêtés avec KEITA Fodéba, en 1969, il n’y a eu qu’un seul et unique survivant, le commissaire Kindo TOURÉ, récemment décédé.
Il a bel et bien rédigé ses mémoires de façon sérieuse, documentée et circonstanciée.
Ensuite, il est connu que Fodéba fut parmi les quelques-uns qui se refusèrent à toute déposition malgré la torture qu’il a subie pour lui faire dire qu’il était coupable de quoi que ce soit.
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Et il aurait ainsi été incohérent au point de refuser de dire sous la torture ce qu’il aura ainsi écrit sur le mur d’une cellule ?
J’y vois une façon de diluer la responsabilité de ceux qui ont monté et installé le système répressif dont la Guinée porte encore les stigmates en détournant ou travestissant l’action et les intentions d’un homme sans lequel le jeune état guinéen aurait vite sombré dans une déstabilisation qui aurait découragé les autres pays africains de suivre son exemple.
Ce faisant, on a manqué de s’attaquer à la dérive par laquelle Sékou TOURÉ a détourné la Garde présidentielle de sa mission républicaine. Car le camp de la Garde républicaine, devenu camp Boiro était bien le camp de Garde présidentielle de la Guinée indépendante.
L’une des choses qui a permis cela est bel et bien dans le mensonge relativisant son rôle dans l’édification du système concentrationnaire dont le camp Boiro est le fleuron.
Le principal pilier de cette « déresponsabilisation » et cet « innocentement » fut de faire accroire que c’est KEITA Fodéba qui a construit le camp Boiro 》.
On est allé jusqu’à reprendre la légende selon laquelle ce dernier aurait écrit sur un mur que c’est lui qui « poursuivait et traquait les auteurs de complots supposés ou réels ».
J’étais à Conakry le 1er avril 1984, car, ayant tenu à vivre directement ces funérailles, j’étais venu de Bouaké par avion spécial affrété par le Président HOUPHOUET pour quelques guinéens, mais je suis resté après les funérailles, et ainsi le 03 avril 1984 m’a trouvé à Conakry.
Je suis de ceux qui ont visité le camp Boiro, ce 03 avril d’abord, puis 2 autres fois dans les jours qui suivirent.
La légende ayant pour source le livre de Amadou DIALLO, « La mort de DIALLO Telli », éd. KARTHALA 1983, que j’avais lu auparavant, dès sa sortie, j’ai scrupuleusement visité TOUTES LES CELLULES, à la recherche de ladite inscription, surtout que Amadou DIALLO ne s’était pas privé de donner des détails scabreux sur la matière dont était faite cette inscription sur le mur de la cellule.
J’ai trouvé une inscription qui était ainsi libellée, de mémoire: 《C’est moi qui arrêtait tous les ennemis de S. TOURÉ, je demande pardon》signé K. Z.
Fodéba a connu une réduction méthodique et systématique de ses attributions ministérielles à partir du point culminant qu’il avait atteint le 1er mars 1960, lorsqu’il fut le ministre en charge de la Défense nationale, de l’Intérieur et de la Sécurité, chargé de l’Information. Cette réduction commencée dès le lendemain du « complot des enseignants » est sous-tendue par une exclusion politique bétonnée confirmée à l’occasion du séminaire de Foulayah dans lequel il fut de ceux qui reçurent l’investiture pour entrer au BPN, par un mouvement conduit notamment par CAMARA Bengaly, Jean FARAGUET, Émile CONDÉ…
Comment peut-on expliquer que, s’il avait été d’un tel zèle, il soit non seulement liquidé par Sékou TOURÉ, mais en plus, que ce soit suite à sa mort que la répression et les liquidations par arrestations et exécutions se soient accrues de façon exponentielle? Donc ce serait Sékou qui aurait voulu se priver d’un « serviteur » ou « complice » aussi zélé ?
À ce propos, et si on sort l’esprit de l’aveuglement, il est loisible d’observer qu’il y a eu, parmi les « complots » les plus mémorables, celui de « Avocat Ibrahima DIALLO et Imam KABA de Coronthie en avril 1960, celui dit « complot des enseignants » en novembre 1962, et celui dit « complot Petit TOURÉ » en novembre 1965.
On observe que suite à chacun desdits complots, les attributions régaliennes de Fodéba ont été réduites ou supprimées.
En l’occurrence :
1960: « complot Ibrahima DIALLO, Imam KABA de Coronthie ».
☆ Gouvernement du 1er mars 1960: Fodéba Keïta : ministre de la défense nationale, de l’intérieur et de la sécurité
▪︎Le « complot Ibrahima DIALLO et Imam KABA de Coronthie » annoncé en avril 1960 et les enquêtes de Police ayant conclu à l’absence de complot, le BPN se saisit de l’affaire et l’Assemblée nationale crée en son sein un tribunal spécial, doté d’une commission d’enquête siégeant au camp de la Garde républicaine et qui interpelle, accuse, juge et condamne les prévenus.
Entre temps, Fodéba et ses services sont occupés à l’affaire Rossignol, l’opération Persil, puis l’affaire Rossignol, 2 actions de déstabilisation montées par la France sous la conduite de Pierre MESSMER et pilotées par Jacques FOCCART.
1961: « complot des enseignants « .
☆ Remaniement du 21 janvier 1961:
(LE RESTE SANS CHANGEMENT).
Elhadj Sinkoun Kaba : ministre de l’intérieur
Fodéba Keïta : ministre de la défense nationale.
On constate que les attributions de Fodéba sont réduites à l’armée, après le « complot » de 1960.
Il est éloigné à la fois de l’administration du territoire (intérieur) et de l’autorité en matière de police toutes transférées à un ministère créé par un remaniement spécialement et exclusivement décidé par Sékou TOURÉ à cet effet.
☆Fodéba est bien ministre de la Défense, mais sans aucune autre attribution en matière de Police, Gendarmerie ou Garde républicaine ou Présidentielle.
Donc, aucune compétence en matière d’enquête, d’arrestation ou incarcération.
▪︎Le « complot des enseignants » est annoncé et les syndicalistes sont interpellés en novembre 1961 à la « Bourse du travail » par Saïfoulaye DIALLO en personne qui les met aux arrêts, les fait incarcérer au camp de la « Garde républicaine » où il préside la Commission d’enquête investie par le BPN.
1963: Pas d’annonce de complot.
☆Remaniement du gouvernement le 31 décembre 1962, installé le 1er janvier 1963:
•Fodéba Keïta : ministre de la défense nationale (depuis le 21 janvier 1961).
•Elhadj Sinkoun Kaba : Secrétaire d’état à l’intérieur et à la sécurité, rattaché à la Présidence (il perd les fonctions ministérielles correspondantes qu’il occupait depuis janvier 1961).
•Sékou TOURÉ exerce directement les fonctions de ministre de l’Intérieur (Administration du territoire) et de la Sécurité (Police, Gendarmerie et Protection civile).
Bien noter: Fodéba reste sans aucune attribution de Sécurité Intérieure et de Police depuis janvier 1961. Ses attributions sont restées inchangées depuis le remaniement partiel qui n’a concerné que lui, et qui l’ont éloigné desdites fonctions.
Fin 1963: suite aux difficultés économiques qui s’accumulent, et la montée de l’insécurité, le BPN décide de juguler l’exode rural. Sékou TOURÉ, qui en est le Secrétaire général du PDG commet à cette tâche les services compétents en police urbaine qu’il contrôle totalement, ce champ étant hors de compétence de l’armée.
Cumulant alors le portefeuille ministériel de l’Intérieur et de la Sécurité avec celui de Président de la République, il met en pratique, sous son commandement direct, la décision de rafler les ruraux qui viennent grossir les demandeurs d’emploi à Conakry.
L’action, coordonnée par le commandant Mamoudou KEITA, Directeur du camp de la Garde républicaine, est une catastrophe. Les raflés étouffent et meurent asphyxiés dans les fourgons et cellules où ils sont entassés. C’est suite à cela qu’il se dessaisit du portefeuille de l’Intérieur et de la Sécurité en y reconduisant KEITA Fodéba quelques semaines plus tard.
1964:
▪︎1er février 1964, , Sékou TOURÉ procède à un réaménagement technique et réattribue à Fodéba le portefeuille de la Sécurité intérieure et de la Protection civile, en plus de la Défense nationale.
▪︎Le « complot Petit TOURÉ »
Et pourquoi Fodéba aurait mis tant de zèle à « liquider tous ceux qui étaient susceptibles d’exprimer la volonté du peuple de la Guinée martyre»?
Il a justement été démis de ses fonctions pour avoir accepté de viser la déclaration de création du PUNG de « Petit TOURÉ « , puis, refusé de donner suite aux instructions d’arrestation adressées à son ministère par Sékou TOURÉ ?
Fodéba a été méthodiquement dépouillé des fonctions qu’on lui prête bien au au delà du temps et des moments où il les a exercées.
Le Parti fut rendu tout tout-puissant et la doctrine de sa suprématie sur l’État réduisait tout ministre aux seules dimensions techniques s’il n’était investi par les organes dirigeants du PDG, à savoir, le Comité central ou le Bureau politique national, présidé par le Secrétaire général du Parti.
Et contrairement à la légende complaisamment distillée, c’est bien Sékou TOURÉ qui s’est opposé à toute entrée de Fodéba dans les instances dirigeantes du PDG, notamment à son accès au BPN, tel que l’avaient proposé la majorité des cadres du Comité central et du BPN réunis en séminaire à Foulayah.
Sidikiba Keïta peut-il dire avec exactitude, quel âge il avait, à l’arrestation de son père, il n’a pas répondu à la question…
Il a dit qu’il était au collège!
Pas suffisant, âge exact…11 ans, 12, 14, 15. Quel âge quand son père a été arrêté. On ne doute pas de ce qu’il raconte, mais on trouve juste étrange que depuis 1984, il n’a pas fait toutes ces révélations, alors qu’il savait ce dont le commun des mortels, accusait son père, à tort ou à raison… Il y a eu des témoignages écrits de détenus et pas des moindres, comme Koumandia Keïta…A sa place, détenant tout ce que son père lui a légué comme héritage, j’aurai écrit un livre pour défendre mon père et le disculper avec la plus grande véhémence; pourquoi si tardivement, je lui en veux personnellement, parce qu’il avait tant de convictions, il aurait dû agir dès 1984, il avait les leviers et appuis pour ça, d’autant que les témoins vivaient et surtout Alhassane DIOP, personnage très important ….
👍
Par ailleurs, pour la bonne compréhension, peut-il juste expliquer pourquoi c’est seulement maintenant qu’il divulgue toutes ces informations depuis 1984, alors qu’il a été Président de l’AVCB…Merci
Si vous suiviez Sidikiba Keita sur les réseaux sociaux, je suis sur que vous auriez trouvé qu’il ne cache rien sur qui est son père.
Je ne doute de rien, et je ne dis pas qu’il cache quoi que ce soit… c’est un problème de timing qui se pose…
Je prends note et vous remercie pour votre visite.