La plantation massive d’arbres en Éthiopie a battu tous les records, mais son impact prendra du temps
Note de la rédaction : cet article a été écrit par Sheila Halder, coordinatrice des systèmes agricoles chez Send a Cow. Sauf mention contraire, les liens de cet article renvoient vers des pages en anglais.
Cela ne fait aucun doute, les arbres sont bons pour la planète. Le pouvoir des arbres a dominé l’actualité tout l’été.
À la fin du mois de juillet, l’Éthiopie a déclaré avoir établi un record du monde en plantant 350 millions de jeunes arbres en une seule journée. Cette initiative s’inscrivait dans le cadre d’une politique plus large de plantation d’arbres lancée par le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed, dont le gouvernement a pour objectif de lutter contre la déforestation et le changement climatique en plantant 4,7 milliards d’arbres d’ici octobre 2019.
Toujours en juillet, le Crowther Lab de l’ETH Zurich a publié une étude qui concluait que planter des milliards d’arbres dans le monde entier était le moyen le plus abordable et le plus efficace de lutter contre le changement climatique.
Les arbres purifient notre air et aident à lutter contre le changement climatique, mais ils favorisent également la biodiversité. Une étude réalisée au Costa Rica a révélé que la plantation d’un seul arbre pourrait faire passer le nombre d’espèces d’oiseaux de près de zéro à 80.
Les arbres offrent également des avantages infinis et tangibles aux agriculteurs. Ils améliorent la qualité des sols, réduisent leur érosion et offrent un abri pour le bétail et les cultures. Ceci est important compte tenu de la quantité de terres fertiles que les agriculteurs possèdent à l’échelle mondiale, et qui représentent un énorme potentiel de plantation d’arbres.
Planter 350 millions de jeunes arbres en vingt-quatre heures est un exploit incroyable, mais ils auront besoin de temps pour mûrir et atteindre tout leur potentiel de capture de carbone.
Dans six pays africains, Send a Cow, une organisation non gouvernementale, encourage les petits exploitants agricoles à planter des arbres à usages multiples offrant plus de possibilités d’utilisation. Par exemple, les espèces d’arbres qui fournissent des fruits à manger et à vendre, mais également du bois de chauffage ou introduisent de l’azote dans le sol. Ces avantages donnent aux agriculteurs plus de raisons de planter et d’entretenir des arbres, même lorsque l’espace est limité.
L’Éthiopie suit les traces d’autres initiatives de plantations massives d’arbres en Chine et en Inde. Les projets de plantations massives d’arbres sont passionnants, mais la solution n’est jamais aussi simple qu’elle le semble. Au cours de cette période de croissance précieuse, les arbres doivent être protégés du déracinement ou de la destruction, tout en préservant les forêts matures existantes.
D’autres écosystèmes, y compris les arbres, sont essentiels pour la rétention du carbone. La combustion fossile et la déforestation ont déversé une quantité alarmante de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, entraînant des changements climatiques rapides et irréversibles.
Les arbres éliminent le dioxyde de carbone de l’air, le stockent en eux et dans le sol, et libèrent de l’oxygène dans l’atmosphère. Mais le pergélisol (une couche épaisse de sol et sous-sol gelée en permanence), la tourbe et les prairies (que l’on trouve dans les régions montagneuses et arides d’Éthiopie) sont également efficaces pour capturer le carbone et doivent aussi être préservés et réhabilités.
Quels arbres sont les meilleurs ?
Certains critiques de l’initiative éthiopienne de « plantation massive d’arbres » ont mis en garde contre les dangers de la plantation d’espèces non indigènes susceptibles de détruire les écosystèmes plutôt que de les améliorer.
Historiquement, l’Éthiopie a eu recours à l’eucalyptus, originaire d’Australie, pour reboiser rapidement les zones défrichées pour l’agriculture. L’espèce a été introduite à la fin du XIXe siècle et plus d’une douzaine d’espèces d’eucalyptus ont été plantées en Éthiopie au cours du siècle dernier, principalement comme source de combustible et de matériau de construction. Bien que leur croissance soit rapide, les espèces couramment utilisées drainent les ressources en eau, renforcent l’érosion des sols et les privent d’éléments nutritifs.
Cette fois cependant, des citoyens auraient planté des plants d’espèces indigènes ainsi que des eucalyptus et des avocatiers non indigènes. Les espèces indigènes ont évolué dans leurs pays d’origine au cours des millénaires et ont développé une résistance aux maladies actuelles. L’approche du gouvernement éthiopien semble refléter une évolution vis-à-vis de la politique historique de plantation de davantage d’eucalyptus.
Cependant, parfois, planter des espèces non indigènes peut être bénéfique. Par exemple, une espèce d’arbustes, le calliandra, originaire d’Amérique centrale, est extrêmement efficace pour produire du fourrage animal à haute teneur en protéines en Afrique de l’Est. Les graines de calliandra sont largement disponibles et abordables pour les petits agriculteurs. De même, lorsque les gens ont besoin d’arbres pour le bois, les plus appropriés et ceux à la croissance plus rapide peuvent ne pas être locaux. Dans ces cas, les agriculteurs doivent prendre en compte les objectifs qu’ils poursuivent lorsqu’ils plantent des arbres et leur environnement local, tout en s’appuyant sur une bonne planification écologique.
Les vallées sujettes aux inondations où les arbres absorbent l’eau empêchent les conditions défavorables pour les autres plantes. Les eucalyptus résilients peuvent également être recépés (une technique de gestion qui consiste à abattre les arbres à la base et à les laisser repousser). Par conséquent, c’est un bon choix pour le bois de chauffage en raison de son approvisionnement continu.
La crise climatique n’a pas de solution miracle, mais la plantation d’arbres fait partie de la solution.
Protéger les forêts existantes et d’autres écosystèmes est tout aussi important que de planter de nouveaux arbres. Les urbanistes peuvent également jouer un rôle en limitant l’étalement urbain et en empêchant la transformation du sol en structures créées par l’homme. La jeune génération des zones rurales d’Afrique de l’Est doit pouvoir envisager un avenir viable dans l’agriculture et rester engagée dans la protection de la terre.
Réduire l’utilisation de combustibles à base de carbone tels que le charbon, le pétrole et le gaz est également indispensable.
Le reboisement peut avoir un impact profond sur le monde : un groupe communautaire proactif éthiopien a récemment donné de son temps et a fait don de fonds pour la régénération de huit hectares de terres. Les membres du groupe ont passé des heures à labourer la terre, ont planté collectivement 5 000 arbres et ont fait 1 200 boutures d’herbe avec, bientôt, des projets d’introduction d’arbres fruitiers.
Imaginez l’impact si cet esprit communautaire était exploité à travers le monde.
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Ce billet a été publié en premier sur globalvoices.org. Son auteur est Sheila Halder, collaboratrice invitée, coordinatrice des systèmes agricoles chez Send a Cow.