Un autre rapport accablant sur la faillite de l’état de droit en Guinée
En vue de la Trente-quatrième session du Conseil des droits de l’homme qui se tiendra du 27 février au 24 mars 2017 le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a anticipé la publication de son rapport sur la situation des droits de l’homme en Guinée au cours de l’année 2016, passant en revue les activités du Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
La publication de ce rapport ne pouvait pas tomber à une meilleure date, après la dernière répression meurtrière des forces de l’ordre contre des jeunes qui utilisaient leur droit de manifester, provoquant 7 morts.
https://documents-dds-ny.un.org/doc/UNDOC/GEN/G17/008/13/PDF/G1700813.pdf?OpenElement
E. Lutte contre l’impunité
31. En dépit des efforts notables entrepris par le Gouvernement pour réformer les secteurs de la justice et de la sécurité, la lutte contre l’impunité demeure un défi majeur. Dans son précédent rapport, le Haut-Commissaire avait fait état de nombreuses affaires de crimes impliquant des éléments des forces de l’ordre qui restaient pendantes devant la justice. À la publication du présent rapport, aucun progrès n’avait été enregistré dans ces affaires. Malgré des convocations régulières de la justice, les trois officiers de gendarmerie cités dans ces affaires d’atteinte au droit à la vie et d’actes de torture refusent toujours de se présenter devant les juges, affirmant que leur hiérarchie ne les y autorise pas.
32. En avril, suite à des images diffusées sur des réseaux sociaux montrant des actes de torture et de traitements inhumains et dégradants infligés par des agents de la Brigade anticriminalité n o 8, située dans la forêt de Kakimbo, dans la commune de Ratoma à Conakry, à un jeune homme suspecté d’être impliqué dans une affaire d’attaque à main armée, le Ministre de la sécurité et de la protection civile a suspendu de leurs fonctions les 12 agents concernés, des gendarmes et des policiers. Des associations de défense des droits de l’homme ont déposé plainte devant la justice au nom de la victime et se sont constituées parties civiles.
33. La Direction des investigations judiciaires de la gendarmerie a été saisie d’une commission rogatoire par le parquet du tribunal de première instance de Dixinn. Cette unité avait commencé à entendre les présumés auteurs de ces violations des droits de l’homme, avant d’arrêter les procédures sans en expliquer la raison. Un officier de police judiciaire interrogé par le HCDH a affirmé que c’est sur instruction de la hiérarchie que les procédures ont été arrêtées, sans autre précision. La suspension de ces présumés auteurs d’actes de torture a été levée par le Ministre de la sécurité et de la protection civile, ce qui leur a permis de reprendre leurs fonctions. Mais les plaintes restent pendantes devant la justice.
34. Dans les jours qui ont suivi les évènements de juin 2016 impliquant le commandant du camp d’infanterie de la préfecture de Mali, l’état-major général des armées a relevé l’officier de ses fonctions. Le tribunal de première instance de Labé et le tribunal militaire ont ouvert une information judiciaire. Le Ministre d’État de la justice, Garde des Sceaux, s’est rendu sur place pour constater les faits. Le Bureau du Haut-commissariat en Guinée a A/HRC/34/43 8 déployé une équipe sur le terrain et a fait rapport aux autorités compétentes sur ces évènements, en recommandant des mesures à prendre. Mais, jusqu’à ce jour, ces procédures judiciaires sont restées pendantes devant la justice et les victimes attendent que justice leur soit rendue.
35. D’autres grands dossiers de violations massives des droits de l’homme attendent toujours d’être traités. L’affaire des évènements du 28 septembre 2009, au cours desquels plus de 150 personnes ont été tuées et plus de 100 femmes violées, demeure pendante devant la justice. En dépit des avancées notables dans l’instruction de cette affaire, en particulier l’inculpation de 14 personnes, dont le Président et le Vice-Président de la junte au pouvoir au moment des faits, le capitaine Moussa Dadis Camara et le général Mamadouba Toto Camara, et de la disposition des autorités guinéennes à tous les niveaux à coopérer avec la communauté internationale, en particulier avec la Cour pénale internationale, les victimes n’ont toujours pas obtenu justice. De plus, certaines personnalités inculpées par la justice dans cette affaire de crimes contre l’humanité continuent d’occuper des postes à responsabilités importants. Ainsi, en mars, le Chef de l’État a nommé comme gouverneur de la ville de Conakry un général inculpé dans cette affaire. Selon les autorités judiciaires, le procès n’a pas pu se tenir en 2016 du fait que deux personnalités clés de l’affaire n’ont pas pu être entendues.
36. Les associations de victimes ont commémoré le septième anniversaire de ces évènements de septembre 2009 avec l’espoir de voir se tenir, en 2017, un procès juste et équitable permettant de condamner les auteurs des crimes commis et de réparer les préjudices qu’elles ont subis. De plus, 4 personnes parmi les 14 inculpés sont en détention provisoire, dont deux depuis 2010, ce qui constitue une détention arbitraire conformément aux dispositions du Code de procédure pénale qui fixe le délai maximum de détention provisoire à douze mois pour les cas de crime et à vingt-quatre mois pour les crimes les plus graves comme la pédophilie, le trafic international de drogue ou l’atteinte à la sûreté de l’État.
37. Le dossier concernant l’attaque présumée de la société brésilienne Zagope par des villageois de Zogota, dans la région de Nzérékoré, en Guinée forestière, et l’attaque par des éléments des forces de défense et de sécurité contre des habitants de ce même village, dans la nuit du 3 au 4 août 2012, est toujours en attente de jugement