Pour tenter de rétablir l’ordre, le vice-président Christopher Omulele a ordonné à la députée Hassan de se retirer du parlement avec son bébé :
Bien que [Mme Hassan] puisse vouloir s’occuper de son enfant, ce n’est pas l’endroit pour ça. Et je lui ordonne donc de se retirer immédiatement de revenir après avoir laissé son enfant.
Immédiatement après l’ordre d’expulsion, des députés se sont levés pour la soutenir et l’ont exhortée à rester. Cela a également provoqué des remous. Le député Samuel Onunga Atandi a reçu l’ordre de quitter les lieux après avoir tenté d’empêcher la sortie de Mme Hassan. Les femmes parlementaires ont menacé de sortir avec la députée.
Conditions de travail défavorables pour les députées qui allaitent
Par coïncidence, le chahut s’est produit lors de la Semaine mondiale de l’allaitement maternel, qui a lieu chaque année du 1er au 7 août.
Lorsqu’on lui a demandé si elle cherchait à exprimer son opinion sur la question, la députée Hassan a répondu non. Cette mère de trois enfants a expliqué que c’était la première fois qu’elle emmenait son bébé au travail et a déclaré que le parlement n’avait pas une “atmosphère favorable pour les familles”.
Le vice-président qui présidait la réunion a expliqué que les installations du parlement pour les députées qui allaitent rendaient inutiles d’enter dans la salle des débats avec leurs bébés. Mais la députée Hassan a déclaré que le parlement n’avait pas de crèche ni de garderie.
La Commission nationale pour le genre et l’égalité des sexes (NGEC) du Kenya a critiqué l’expulsion de la députée Hassan et de son bébé. La commission a qualifié cette expulsion de discriminatoire à l’égard d’une mère qui allaite.
En outre, elle souhaite que la Commission des services parlementaires (PSC) mette rapidement en place une crèche pour accueillir les députées mères et leurs enfants.
Les députées Sophia Abdi Noor, Sarah Korere et Rachel Nyamai ont également critiqué l’incident. À l’instar du président du NGEC, les législateurs ont dénoncé la CFP pour ne pas avoir déjà prévu de lieux pour les mères et les enfants allaités.
En 2013, la CFP avait été mandatée pour préparer une chambre pour les mères allaitantes.
Mme Hassan n’est pas la première députée kényane à aller au parlement avec un bébé. En 2013, la députée Sarah Korere a allaité son bébé dans l’Assemblée nationale. Voulant allaiter son bébé exclusivement pendant six mois, elle prenait des pauses pendant les travaux parlementaires pour aller nourrir son bébé.
Allaiter est-il un crime ?
En vertu de la Loi de 2017 sur l’allaitement maternel, toute femme qui a un bébé peut allaiter ou tirer le lait maternel dans un endroit désigné sur son lieu de travail. Malheureusement, depuis que ce projet de loi a été approuvé pour la première fois en 2016, le président de la République ne l’a toujours pas signé.
Le 15 mai 2018, des mères kényanes ont manifesté devant le parlement pour demander au gouvernement de signer la Loi sur l’allaitement maternel. La manifestation a été provoquée par un incident discriminatoire commis contre une mère allaitante dans un restaurant.
La loi de 2017 sur la santé stipule que les lieux de travail doivent disposer de stations de lactation propres et bien équipées. Cependant, seuls quelques lieux de travail en disposent. Un projet de loi similaire sur la santé de l’allaitement maternel a été opposé en 2015 et n’a pas réussi à devenir loi. Des hommes d’affaires ont menacé de cesser d’embaucher des femmes s’il étaient obligés de fournir des postes d’allaitement.
En 2017, le gouvernement kényan a dévoilé une politique de ressources humaines exigeant que les administrations publiques fournissent des stations de lactation. Les bureaux publics ont trois ans pour mettre en place des postes de lactation et des garderies appropriés.
Les internautes ont vite fait des commentaires sur l’incident et ont dénoncé l’expulsion de la députée Hassan du parlement :
Les femmes doivent travailler .. Les femmes doivent allaiter !! Ce genre de discrimination ne peut être toléré !!! Des salles de lactation devraient être mises en place !! La représentante de Kwale, Zuleika Hassan, expulsée pour avoir emmené son bébé au parlement.
L’association des femmes juristes EAWLA a déclaré que l’expulsion de Mme Hassan n’était pas professionnel :
Cette expulsion n’était pas professionnelle et il aurait fallu attirer l’attention de la chambre sur la nécessité de se concentrer sur les raisons pour lesquelles la salle d’allaitement n’avait pas été créée
Les hommes aussi ont manifesté leur solidarité avec Mme Hassan :
Les hommes du Kenya ne présentent pas le meilleur d’eux-mêmes cette semaine…
La Tanzanie est-elle plus favorable à la famille ?
La Tanzanie voisine autorise les mères qui allaitent à quitter le bureau pour un maximum de deux heures pendant les heures de travail pour allaiter. Ce droit s’étend consécutivement pendant une période de six mois après le congé de maternité, conformément à la Loi de 2017 sur l’emploi et les relations de travail.
Néanmoins, les députées ne sont pas autorisées à nourrir leurs bébés au parlement. Le 28 juin 2017, le parlement a mis au point une station de lactation pour les députées, mais la Tanzanie n’a toujours pas de réglementation qui oblige les employeurs à fournir des installations de lactation et de garderies.
L’allaitement maternel : un problème mondial
On reproche généralement aux femmes d’allaiter dans les parlements ou en public. Les femmes parlementaires et les dirigeantes du monde entier ont allaité au sein de leurs parlements pour encourager et attirer l’attention du monde.
L’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l’Islande et les États-Unis autorisent les femmes à entrer au parlement avec leurs bébés et à allaiter au travail. Les députées britanniques ne sont toujours pas autorisées à allaiter ou à emmener leurs jeunes enfants au parlement.
En septembre 2018, la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Ardern a assisté à la réunion de l’assemblée générale des Nations Unies avec son bébé, marquant ainsi l’histoire.
En Nouvelle-Zélande, la Première ministre présente un bébé au parlement et est admirée. Au Kenya, une députée est expulsée. Honte au Kenya !
Ironiquement, le Kenya est considéré comme un exemple de réussite en matière d’allaitement. Il est en bonne voie pour porter l’allaitement exclusif à 50% d’ici 2025, un objectif de l’Assemblée mondiale de la santé. Cependant, le Kenya doit encore améliorer la mise en œuvre de toutes les lois et mandats connexes.