Camp BoiroDroits de l'HommeSékou Touré

Les étrangers au Camp Boiro: le Prof. camerounais Kapet de Bana

Suite au NON des guinéens au referendum du 28 septembre 1958, les les Français quittent la Guinée emportant tout même les stylos à bille et les cartes géographiques. Les intellectuels africains et autres amis progressistes convergent vers le nouvel état. dans le but de l'aider à s'en sortir. Mal leur en pris! En effet nombreux parmi eux finirent au camp Boiro. C'est le cas du regretté Prof. Kapet de Bana

  • Pourtant comme ses autres camarades tout avait bien commencé pour le prof. Kapet de Bana [décédé le 15 septembre 2015] car pendant plusieurs années, il est doyen de l’Ecole Nationale d’Administration.
  • Malheureusement, les calomnies montées par la machine à salir les personnes parmi les plus dignes de foi et la folie meurtrière du tyran Sékou Touré lui feront passer 10 ans dans le tristement célèbre Camp Boiro. Pendant le temps passé dans ce camp de concentration, il a du mangé ses excréments et boire son urine.
  • Il s’est éteint à l’Hôpital Brousse en banlieue parisienne, le 15 septembre 2015.

Tous les pays limitrophes de la Guinée avaient leurs représentants dans les prisons de Sékou Touré ; je dirais même que tous les pays africains étaient représentés : la plupart arrêtés aux frontières, à l’aéroport, dans les ports. A la porte 6 par exemple, au Poste X, il y avait parmi nous un Mossi qui ne comprenait rien d’autre que le moré 33 ; heureusement pour lui et pour nous, il y avait un garde qui avait fait la Haute-Volta au temps colonial et qui parlait cette langue. Il ne fut jamais libéré. Des Maliens, cadres ou bergers, étaient nombreux à Kindia. Des Sénégalais étaient un peu partout. Il y avait des Camerounais, des Congolais, des Libériens, des Sierra-Léonais… Les Arabes étaient représentés par de nombreux Libanais. Même aujourd’hui, il suffit de franchir les frontières pour se retrouver à Boiro.

Ces nombreux étrangers menaient, tout comme nous, une vie misérable. Spontanément, nous venions à leur secours. Par exemple, le professeur Kapet de Bana, 34 réfugié camerounais en Guinée, a pu survivre grâce à la collecte de pain que nous lui offrions. Il ne mangeait pas de riz ; son ventre ne le supportait pas. A part le riz, il n’y avait que le clair bouillon insipide et même inodore et un morceau de pain. C’est le commandant Sylla qui organisa cette collecte : il lutta auprès des chefs de poste et des gestionnaires afin d’augmenter la ration de pain de Kapet, mais sans succès ; et dire que le commandant Sylla Ibrahima mourra de faim.

Kapet de Bana avait gardé sa barbe. Il refusait de se faire coiffer et raser. Plein de bouillon salé, il avait un corps gros et flasque. Convaincu que je n’allais pas échapper à la diète noire donc à la mort, étant officier, il m’apprit comment prolonger mes pauvres jours dans les cas extrêmes.

— N’hésite pas un seul moment à boire ton pipi et à manger ton caca, mon frère, si tu n’as pas la chance d’attraper un lézard ou une souris et si tu n’as plus la force d’écraser un cancrelat gras et succulent. Au 10ème jour de ma diète à moi, j’ai commencé à boire mon pipi et à manger mon caca. Tu verras mon frère, ils n’ont ni odeur ni goût le premier jour, mais au 11ème et au 12ème jour, eh ! bien, tu leur trouveras et odeur et goût.

— Ça ressemble à quoi comme goût, Kapet ?

Je lui saisissais le bras à la fois effrayé et dégoûté. A ma moue grimaçante, il me rassura:

— Mon pipi et mes excréments m’ont permis de survivre 3 jours de plus et c’est au 14ème jour de ma diète qu’Allah est venu à mon secours (Kapet est athée). On m’a sorti de la diète et on m’a ramené dans ma cellule. Il faut tout faire pour sortir d’ici. J’ai fait l’expérience. Ton pipi et ton caca peuvent te sauver la vie. Tu as compris, mon frère ?

— J’ai compris, Kapet ; J’y songerai le cas échéant.

Depuis ce jour, je m’entraînais, par la pensée, à boire mon pipi et à manger mon caca. Il m’arrivait souvent, joignant l’acte à la pensée, de grincer des dents, de les inter-choquer car tout de même, on ne peut avaler une telle nourriture sans la mâcher.

Ce texte tiré du livre du Lieutenant-colonel Camara Kaba 41, Dans la Guinée de Sékou Touré: cela a bien eu lieu.

Laisser un commentaire avec Facebook

konakryexpress

Je revendique le titre de premier clandestin à entrer en Italie, le jour où la mort de Che Guevara a été annoncée. Mais comme ce serait long de tout décrire, je vous invite à lire cette interview accordée à un blogger et militant pour les droits humains qui retrace mon parcours dans la vie: https://fr.globalvoices.org/2013/05/20/146487/

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

Bouton retour en haut de la page