Afrique: Les geeks francophones relèvent le défi de la fracture numérique
Une étude récente du Laboratoire expérimental du cabinet Infhotep publiée le 1er septembre 2015, intitulée L’Afrique à l’heure du digital accélère son développement révèle que:
L’Afrique abrite actuellement 5 des 12 pays les plus prospères du monde et constitue un gigantesque appel d’air notamment digital… « Le plus grand réservoir de main d’œuvre et de consommateurs du monde » notait le Sénat français dans un rapport sur l’Afrique publié fin 2013.
L’Afrique tend vers une transformation structurelle de taille et bascule depuis quelques années d’une économique d’exportation vers une économie de consommation. La croissance y est pour beaucoup : le continent subsaharien bénéficie de la croissance la plus forte depuis 15 ans (+379%).
Dans ce développement, les réseaux sociaux et les start-up commencent à jouer un rôle de plus en plus important. Selon cette étude les réseaux sociaux explosent « en Afrique à l’instar de Facebook avec près de 110 millions de comptes et plus de 60 millions d’utilisateurs quotidiens estimés en juillet 2015. »
Arrivé en flèche dès 2009 sur le continent, le réseau social a d’abord séduit les mégalopoles et leurs poumons économiques de développement majeurs à l’instar de l’Egypte, pionnier africain et 20ème mondial avec plus de 13 millions d’utilisateurs fin 2012 soit autant qu’en Australie ou au Japon…
A la suite du classement, se retrouve aujourd’hui le Nigéria avec 8,9 millions d’utilisateurs connectés par jour puis l’Afrique du sud avec 7,1 millions. L’Angola et la Tanzanie ferment le classement du Top 10 avec respectivement 1,7 et 1,5 millions d’utilisateurs connectés quotidiennement.
Cependant, jusqu’à tout récemment la région ouest-africaine à part le Nigéria, le Ghana et le Sénégal, jouait un rôle marginal. Mais les choses sont entrain de changer avec la création de « réseaux communautaires de rencontres à l’instar d’Eskimi ou Bandeka (Ghana et Nigéria), se répandent également les initiatives visant à créer du lien et des projets dans les secteurs liés à l’éducation, la santé ou la religion (Yookos) ».
Ces réseaux sociaux « made in Africa », deviennent d’après l’étude, « de précieux et puissants outils de communication et de développement (mise en relation de commerçants et d’e-commerçants, partage d’expériences). En témoigne la successstory de l’outil Ushahidi, outil de cartographie 2.0 répliqué partout et par tous. »
Les communautés tech en afrique francophone répondent au défi de leurs homologues anglophones
Ces dernières années, les médias foisonnent d’histoires sur une “renaissance africaine via le numérique”, les merveilleuses promesses de la “Silicon Savannah” et autres centres de technologie en Afrique sub-saharienne. Cette médiatisation a atteint son paroxysme lors de la visite de Barack Obama à l’occasion du Global Entrepreneurship Forum à Nairobi. Pourtant, l’Afrique francophone a été remarquablement absente de cette couverture médiatique, l’attention du monde étant largement centrée sur les pays anglophones, comme le Nigeria, le Kenya, l’Afrique du Sud et le Ghana. Ainsi parmi les 30 meilleures start-ups en compétition dans le prochain concours DEMO Africa, seuls trois pays francophones sont représentés : deux sociétés du Cameroun (qui est aussi à moitié anglophone) et une de la Côte d’Ivoire. Généralement, il y a un consensus que les secteurs de la technologie en Afrique francophone sub-saharienne ont un retard considérable sur leurs homologues anglophones. Cependant, la tech francophone en Afrique semble prête à relever le défi avec l’éclosion de jeunes projets prometteurs dans l’innovation numérique.
Quelques indices sur les sources potentielles du problème : les entrepreneurs francophones sont encore plus limités par le manque de financement que leurs cousins anglophones. La plupart des fournisseurs de capital financier en technologie sont des investisseurs anglo-saxons, qui sont plus réticents à investir en Afrique francophone et moins susceptibles de connaitre les startups africaines francophones. En effet, l’Afrique francophone est pratiquement dépourvue d’investisseurs nécessaires pour lancer véritablement les incubateurs technologiques comparée aux pays anglophones.
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Malgré ces obstacles, les choses commencent à changer. Le Sénégal est pionnier dans le lancement de nombreuses entreprises IT. Jokkolabs, le en Afrique sub-saharienne de l’Afrique francophone, a ouvert ses portes à Dakar en 2010. Depuis, avec le lead d’incubateurs d’entreprises comme CTIC Dakar, ces communautés tech ont organisé une série de hackathons, formations (#Codecamp), et des conférences (comme #Failcon #Dakar du mois dernier). Jokkolabs partage maintenant son modèle à travers l’Afrique de l’Ouest, avec des branches ouvertes en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso, au Mali, au Bénin et bientôt au Maroc. En 2012, le Sénégal est devenu le premier pays africain francophone à accueillir une conférence sur les startups.
Mais la Côte d’Ivoire est peut-être sur le point de dépasser le Sénégal sur la scène technologique. Premier hub technologique du pays, Akendewa a été lancé en 2009 et est resté actif tout au long de la crise 2010-2011. Le pays a également généré des start-ups prometteuses qui répondent aux problèmes spécifiques rencontrés par les Ivoiriens, comme Qelasy (une tablette éducatif pour les enfants) et TaxiTracker (une application de géolocalisation pour répondre aux préoccupations en matière de sécurité avec les taxis ivoriens). Le Togo voisin a également brillé dans le mouvement “Maker” africain, avec son plus célèbre “fab lab”, Woelab, et le lancement plus tôt cette année d’une nouvelle fab lab dans le nord du Togo. Le premier incubateur au Niger, CIPMEN, a été créé avec le financement du géant des télécommunications français Orange.
Mais le dynamisme tech n’est pas limité à Afrique de l’Ouest. En République du Congo (Brazzaville), une société nommée VMK, qui avait lancé la première tablette africaine et Smartphone il ya quelques années (vendue au Congo et en Côte d’Ivoire), et qui vient d’inaugurer sa première usine de fabrication de ces dispositifs, le 22 Juillet à Brazzaville. Fondateur et PDG de VMK, Verone Mankou, a également fondé BantuHub, une plaque tournante de la technologie sans but lucratif et le démarrage d’un incubateur à Brazzaville. À proximité, le Cameroun dispose également des ActivSpaces bilingues, premier accélérateur de démarrage du pays, qui vient d’achever sa première formation de start-ups en Juin.
A Madagascar, Habaka se distingue par ses multiples projets sur la scène de l’innovation et en soutien à des projets éducatifs sur le numérique.
Habaka est un projet né en 2011, initié à la base par des acteurs indépendants du web malgaches (blogueurs et travailleurs indépendants dans les nouvelles technologies). La vidéo qui suit présente les projets participants lors du TEDx dans la capitale, à Antananarivo:
Tous ces centres d’incubation technologiques en Afrique francophone sub-saharienne sont prometteurs, mais les exemples de succès fulgurants de start-ups dans ces pays sont encore rares. En outre, un grand nombre de start-ups de la région sont financés par des organismes sans but lucratif ou des gouvernements, mais pas par des investisseurs privés (sauf au Sénégal avec la création récente de Téranga Capital, une société de capital risque social financée par le privé pour fournir un financement de démarrage pour les petites entreprises). Si l’entrepreneuriat technologique ne pourrait pas, en tant que secteur, contribuer de manière significative à la croissance économique des pays francophones en Afrique, il a quand même le potentiel pour produire des innovations locales qui pourraient améliorer le quotidien des citoyens du continent.